Un peu plus d'un électeur sur onze a voulu dire sa confiance à François Bayrou le 22 avril. Alors même que, selon l'unanimité des sondages et médias, il n'avait plus de probabilité d'être au second tour et de devenir Président. Alors même que le choix annoncé comme obligatoire pour le 6 mai, c'était entre la droite et la gauche.

Quand on est simple citoyen, blogueur, c'est facile de faire ce choix. Quand on est élu, maire, conseiller général, député, c'est infiniment plus courageux. C'est un acte de responsabilité dans le plus grand sens du terme.

Et c'est une bonne baffe aux petits marquis, de droite et de gauche, toujours prêts à dénoncer les élus du "centre mou"…

Voici ce qu'écrivait il y a quatre semaines Gabriel Doublet, maire de Saint-Cergues (Haute-Savoie, 2513 habitants) :

Des décennies de clientélisme, de parts et d'autres, d'affairisme, de joutes électorales qui n'en finissent plus tellement nous les élisons souvent. L'élu tout frais se pose déjà la question de sa réélection, un jour après. Les autres y pensent en se rasant et rien n'avance, car une présidentielle ça mobilise pendant des mois voire des années.

Il n'y a plus d'autorité en France, je l'ai vérifié, comme nombre d'élus locaux avec l'exemple symptomatique mais particulièrement probant du groupe de gens du voyage qui s'était installé à Saint-Cergues récemment, en toute illégalité, après avoir généré des milliers d'Euros de dégâts dans notre agglomération. La gendarmerie, la préfecture, l'Etat en général n'appliquent pas correctement les lois, faute de moyens, faute d'effectifs, faute de volonté politique en haut lieu. C'est ainsi que des gamins de douze ans conduisent des Audi A8 devant des gendarmes qui détournent le regard. (…)

Comment ne pas penser dans ce contexte que ce laxisme de fait (car le droit est là, il suffit de s'en servir) nourrit les extrêmes ? Tout le monde se moque des forces de l'ordre, des élus, de tous ceux qui disposent d'une parcelle, d'un fragment d'autorité au nom des autres. (…)

Tout le monde, oui, absolument tout le monde hurle au manque de discipline. Mais dès qu'une décision d'autorité les affecte, il est coutumier de les voir crier au fascisme. Il faudra qu'on m'explique cet étonnant paradoxe (…)

La France oscille entre le farniente et le Burn Out. Certains compensent de façon désespérée l'inaction ou la passivité des autres.

La valeur travail est aussi complètement dépréciée par la comportement de voyou qu'ont adopté certains patrons, qui sont abonnés à l'indécence et qui insultent ceux qui n'arrivent pas à tourner en travaillant. Le fric facile, l'économie du rien, la spéculation à tout bout de champ et à propos de n'importe quoi ont fini d'enterrer toute la noblesse qu'il peut y avoir à créer de la richesse et de l'emploi.

J'ai mal à ce pays et à cette République, qui n'a plus rien comme idéal. On donne la légion d'honneur à des patrons d'entreprise qui ont eu le génie de refourguer de la breloque en masse. On fait chevalier des Arts et des Lettres un Bruce Willis, un acteur américain qui n'a pas du lire un livre. Pendant ce temps là, dans une maison de retraite, Mme Jeannette Cilia, une rescapée des camps de concentration oublie qu'elle est officière de la légion d'honneur. Ce n'est pas elle qui a Alzheimer, c'est toute la France. C'est la France qui oublie son histoire, qui oublie son excellence, son rayonnement ancien, qui oublie la noblesse de ses idéaux républicains, solidaires, humanistes et confraternels.

Il n'y a qu'un candidat dont le programme est davantage éthique qu'économique, social ou environnemental, (…) Ce candidat c'est François Bayrou. Je ne me pose pas la question de ces chances de l'emporter, car la course à la présidentielle n'est pas le PMU, et le but n'est pas de parier sur le chouchou des pronostics, mais plutôt de faire un choix éclairé de citoyen face aux enjeux de son pays.

Je ne peux voter que pour lui. Pas de casseroles. Aucune affaire. Pas de compromissions politiques. Un homme du centre "dur", qui ne cuisine pas avec la gauche, ni la droite. Droiture morale et indépendance d'esprit. Pas d'idéologie indépassable et paralysante. Démocrate profondément et humaniste passionnément. Il propose des mesures simples, qui ne coutent rien sinon quelque courage et quelque sens du sacrifice (c'est vrai que le courage coûte plus cher que l'argent). C'est sûr que ça peut faire peur, à côté des promesses de changement qui sont surtout des promesses de statu quo, de maintien indéfini de ce qui pourtant nous afflige. (…)

Jean-François Kahn l'a dit : " Voter Bayrou c'est un vote révolutionnaire", une révolution morale et éthique, et c'est de cela dont nous avons besoin. (…)

Un jour, quelqu'un m'a dit que Croire en l'homme, c'est aussi savoir lui botter le derrière quand il dévie. Vous me pardonnerez cet énième coup de gueule. Notre pays dévie, et avec lui tout un peuple. On dira sans doute que je suis le plus réactionnaire des gauchistes, ou le plus gauchiste des droitiers, mes amis de gauche diront que j'ai viré à droite, mes amis de droite diront que j'ai viré à gauche.

Je leur dirai que j'ai viré au centre, définitivement…