Dans quelques heures, le nouvel homme le plus puissant du monde sera peut-être une femme. Ou un clown.

Les sondages donnent encore Hillary Clinton gagnante, mais comme le disent les médias, "c'est dans la marge d'erreur". Cela signifie : les sondages se trompent si facilement sur le vote des gens qui ne répondent pas au sondage, qu'ils peuvent sous-estimer le vote pour Donald Trump comme ils ont sous-estimé (un peu) le vote Bush en 2004, (un peu) le vote McCain en 2008, (pas mal) le vote FN aux européennes 2014 ou aux régionales 2015 (p.ex. en PACA, dans le Nord), (beaucoup) le vote pour Nicolas Sarkozy en 2007 ou 2012.

Si Mme Clinton l'emporte, les médias français emboucheront la trompette du vote… "républicain", du "plafond de verre" qui empêche tout candidat "populiste" de l'emporter, du "bon sens" de "l'électorat". Pour reprendre les termes employés à ce sujet par Jean-Pierre Chevènement à la radio il y a quelques jours. Tu parles. L'élection américaine, ce sont des dizaines de millions de décisions individuelles en faveur de Trump, et à peu près autant en faveur de Clinton, plus quelques millions pour d'autres candidats. Le prétendu "plafond de verre" aura explosé dans la personnalité, dans la lire décision, de dizaines de millions de citoyens.

Si M. Trump l'emporte, quelques éditorialistes sans doute découvriront les vertus de Bernie Sanders. S'indigneront que l'organisation du parti démocrate l'ait systématiquement dénigré, défavorisé, disqualifié, au point, diront-ils sans doute, de lui voler la victoire et de laisser le champ libre à Donald Trump. Oh, qu'il est scandaleux de voir les tenants de l'ordre "démocrate" en place barrer la route à un grand mouvement démocratique.

Je pense là aux éditorialistes qui, il y a quelques mois, dénigraient, disqualifiaient ou traitaient avec une ironie amusée la campagne de ce vieux monsieur qui parle aux jeunes, de ce socialiste au pays de la libre entreprise, de ce parlementaire au long cours sans appareil derrière lui.

Et si Mme Clinton l'emporte de peu, les mêmes éditorialistes, en s'épongeant le front de soulagement, feront peut-être la même analyse ?

Peut-être se souviendront-ils que M. Sanders parlait un peu plus aux gens, semblait plus crédible comme personne, donnait plus envie de le soutenir, aurait pu susciter plus d'enthousiasme et moins de rejet.

Peut-être formuleront-ils l'espoir absurde, à contre-temps, que Mme Clinton, portée jusque là par les mécaniques politiques qu'elle maîtrise à la perfection, s'ouvre soudainement une fois élue à une autre conception de la démocratie et de l'exercice du l'État, plus attentive aux vraies gens qu'aux cercles de pouvoir.

Peut-être se diront-ils que les primaires organisées par les partis, mobilisant les noyaux durs de militants et de sympathisants, sont un mauvais moyen de trouver un chef d'État pour l'ensemble du pays.

Ou pas.

Le meilleur moment pour faire le bon choix, c'est avant les résultats de l'élection.