Georges Ugeux note que "les dirigeants de Goldman Sachs qui ont déposé (devant le Sénat) pourraient être passibles de poursuites pénales" pour les contre-vérités émaillant leur déposition, et remarque que jusqu'à maintenant, aucun coupable n'a été trouvé à qui faire porter le chapeau de la crise financière :
Ce qui ressortait dans les médias, y compris conservateurs, c’est une question lancinante : combien de dirigeants de Wall Street coupables de la crise financière se sont-ils retrouvés en prison ? Zéro.
Son billet laisse "à Carl Levin, le Président de la commission sénatoriale qui a mené cette enquête le dernier mot : « ce qui transpire de cette affaire sordide est une combinaison de conflits d’intérêt et d’extrême cupidité. »"
Et c'est là que cette lecture de la crise, très américaine (USA) amha, me pose problème.
Le pouvoir des citoyens, de la démocratie, des représentants du peuple, se limite-t-il à faire la morale à des individus, après coup ? Est-ce un pouvoir judiciaire (celui du sheriff), ou un pouvoir d'organisation de la société (celui du lawyer) ?
Conflits d'intérêt : peut-on réellement espérer un système financier sans conflits d’intérêt, notamment entre les établissements et leurs clients (déjà dans la banque de détail, le commissionnement des conseillers bancaires ne crée-t-il pas un conflit d’intérêts structurel ?).
Extrême cupidité : peut-on espérer que les personnes animées d’une extrême cupidité - il y en aura toujours - préfèrent s’orienter professionnellement dans la robinetterie, l’agriculture bio ou la recherche fondamentale, et méprisent les opportunités offertes par le secteur financier ?
Peut-on se contenter d’une approche éthique ou moraliste, selon laquelle… les banquiers devraient désormais être collectivement honnêtes, prudents et désintéressés, sinon attention, un sur 10000 d’entre eux risque d’aller passer trois ans dans une prison et d’être obligé de demander pardon à la télé ?
Ce n’est pas un problème de morale amha, c’est un problème de “too big to perform”, “too fat to be fit” ou tout simplement “too powerful to be respectful”.
Si l'on veut que le pouvoir démocratique s'exerce sur les institutions financières, il faut que celles-ci soient plus petites, plus faibles, plus fragiles que le pouvoir démocratique. Sinon ? eh bien… ce sera l'inverse. C'est déjà l'inverse.
C'est ce qu'il faut inverser.
Votre billet précédant titre «Un polytechnicien lucide».
Le qualificatif «lucide» est une précision utile, tant elle ne va pas de soi, comme j'ai appris à le comprendre, un peu à votre contact, surtout celui de Jean-Peyrelevade, mais aussi Michel Volle, tous les 3 polytechniciens.
Concernant ce dernier, ma remarque est anecdotique, et je réserve mon jugement définitif à plus tard, mais elle mérite néanmoins d'être relevée, puisque vous faisiez à Jean-Peyrelevade son éloge, en commentaire de son billet sur la prédation économique. Or, MV a écrit un nouveau billet, sur le même sujet. Je retranscris ici un commentaire qui n'est pas le mien (*):
«Ce texte est très intéressant.Il souffre, à mon sens , d'un défaut, banal, qui l'appauvrit. On n' y perçoit pas assez la distinction entre les concepts ("l'animateur, "l'entrepreneur", ...) utilisés pour "modéliser" l'expression de sa thèse et les généralisation (hâtive, trop hâtive comme toutes les généralisations) du style "tous les économistes …"»
Ce commentaire pourrait s'appliquer stricto sensu au billet de Jean-Peyrelevade traitant, lui aussi, de la prédation économique. Cf mon blog. Que de malheureuses coïncidences…
Je vous signale que je votre commentaire chez G.Ugeux a suscité une réaction de ma part, elle aussi sur son blog.
(*) Magnanimité soit reconnue à MV comme à JP, de ne pas filter la critique. Le plus simple pour eux, ce serait toutefois de se blinder, sur le plan du raisonnement, et la collecte de faits, surtout en regard du corps prestigieux dont ils sont issus. A défaut, reconnaître ses erreurs, c'est encore ce qui limite le mieux les dégâts...