Publié le 14 janvier à partir d'un commentaire rédigé chez Baroque et fatigué, sans doute le 10 janvier vers 19 h. Je le publie complété, mais avec cette date du 10 car son contenu est déjà daté !

Le blogueur "Baroque et fatigué" se demande

avons-nous (ici nous = catholiques militants) manifesté contre l’avortement ? contre la procréation médicalement assistée ? contre les réformes successives de la législation sur le divorce ? Non, pour la plupart d’entre nous[1]. Alors pourquoi, tout d’un coup, nous est-il étrangement facile de nous exprimer publiquement et de descendre dans la rue, dès lors que le mot « homosexuel » a été prononcé ?

Sa réflexion interroge la façon dont chacun de "nous" vit son identité sexuelle :

N’avons-nous pas tendance à repousser sur les personnes homosexuelles un certain nombre de problèmes qui se posent en réalité à tous, à nous servir des personnes homosexuelles comme de boucs émissaires ? La tendance à se croire détenteur d’un « droit à l’enfant », les sérieux problèmes éthiques que posent la procréation médicale assistée et la gestation pour autrui, la tendance à vivre une sexualité « narcissique » qui ressemble plus à une masturbation à deux qu’à un don mutuel, la recherche de vaines « expérimentations » avec des partenaires multiples : tout cela, les homosexuels en ont-ils l’exclusivité ?

Il titrait son billet précédent "Pourquoi, en tant que catholique, il me semble impossible de participer à la manifestation dite « pour tous » du 13 janvier 2013". La première phrase donne le ton :

Parce que certains d’entre nous ont participé à la manifestation du 31 janvier 1999 contre le PACS, et que contrairement à ce que nombre d’évêques et de personnes autorisées prévoyaient à l’époque, les fondements de la société n’ont pas été ébranlés, les droits des enfants n’ont pas été bafoués.

Il y a 8 points dans ce billet et, que l’on soit d’accord ou pas sur chacun, chacun est tenable. (Et ce n’est pas ce que je pense, ni des positions militantes LGBT que j’entends le plus à la radio, ni du tract rédigé et diffusé par les paroisses catholiques de chez moi : les uns et les autres comportent des arguments qui me semblent intenables).

Je discutais précisément hier avec deux collègues de ce qui me surprend le plus sur ce sujet, l’intensité avec laquelle une partie de l’opinion se mobilise.

Peut-être la plus forte mobilisation depuis le CPE (2006), les retraites (2005) et l’école libre (1984). Mais contrairement à ces trois sujets, les mesures prévues ici ne concernent qu’une très petite proportion des personnes qui se mobilisent !

Il me semble par exemple que le mariage est un choix très minoritaire chez les couples de même sexe, dans les pays et juridictions où il leur est ouvert. (Déclameur : Je n’ai pas de stats).

Il me semble aussi que très peu des gens qui défileront le 13 janvier sont susceptibles de se marier avec une personne du même sexe, d’être adoptés par un couple du même sexe, ou de naître par PMA au sein… bref.

Alors pourquoi, tout d’un coup, nous est-il étrangement facile de nous exprimer publiquement et de descendre dans la rue, dès lors que le mot « homosexuel » a été prononcé ?

Il semble que cette loi actionne des ressorts profonds dans la personnalité de beaucoup. Peut-être des ressorts touchant à leur propre identité et aux choix qu’ils ont faits dans la vie (hypothèse de "Baroque et fatigué", si je la comprends bien) ; peut-être aussi, en même temps, des choix ou des représentations qu’ils se font de l’éducation de leurs enfants ou petits-enfants.

J’ai du mal à les percevoir, mais peut-être est-ce quelque chose comme « créer un couple hétérosexuel, qui puisse être fécond, est le modèle auquel j’essaye d’éduquer mes enfants, et la République vient leur dire que ce modèle n’est pas meilleur qu’un autre », ou « … que ce modèle est similaire, au point de porter le même nom, qu’un autre ».

Si c’est ça la motivation, alors pour le coup, la position prise depuis le début par François Bayrou sur le sujet (appelant à l’égalité des droits, mais aussi à prendre la mesure de ce que représente pour beaucoup de gens le modèle du « mariage » entre homme et femme) est encore plus juste que je ne le croyais à l’époque.

Là où les manifestants des deux camps jouent le jeu du même (mon billet du même jour), François Bayrou disait à Têtu : « Accepter la différence, ça vaut dans les deux sens » (l'interview).

Notes

[1] Me concernant : j'ai manifesté pour l'école libre, contre l'arrivée du FPÖ au gouvernement autrichien, contre le vote Le Pen en 2002, et ça doit être tout. Mais l'examen de conscience proposé peut s'étendre à d'autres que les "nous" du billet !