Diego San, "sympathisant PS" et posteur sur leplus du Nouvel Obs, se demande "comment (un) électeur centriste, humaniste, attaché aux valeurs de la République, peut envisager d'apporter sa voix à un président sortant qui les bafoue chaque jour davantage ?".

Moi qui ai voté Bayrou (en 2002, 2007 et 2012), et au second tour Chirac (2002) et Royal (2007[1]), je veux bien défendre un instant ceux de mes camarades démocrates qui envisageraient de voter pour Nicolas Sarkozy le 6 mai. Juste pour répondre aux légitimes questions de "Diego San" !

Bien sûr, ils savent que les promesses du sortant ne valent pas tripette : s'ils se sont, peut-être, laissés flouer en 2007, j'imagine mal leur naïveté résister à 5 années de désillusions.

Bien sûr, ce n'est pas un "anti-hollandisme primaire" qui guidera leur vote. Là encore, ils ne sont pas assez naïfs, je pense, pour se laisser abuser par les mails débiles sur le port de la burqa dans la piscine.

Leur vote ne serait donc pas pour Sarkozy, ni contre Hollande ; mais pour la droite, ou contre la gauche. Et je vois deux raisons valables pour faire ce choix.

Tout d'abord, la droite proclame constamment son amour et affection pour le centre (c'est-à-dire, peut-être, pour nous[2]), alors que la gauche passe son temps à nous qualifier d'annexe de la droite et à vouloir un gouvernement de gauche et rien que de gauche, avec un Premier Ministre socialiste, une majorité de gauche, etc. Même "l'ouverture" façon socialiste (1988) consistait à garder tous les pouvoirs à l'Elysée et au PS. Pourquoi serions-nous sourds à ce refrain qui nous exclut ?

Deuxio, les discours et les valeurs proclamées avant les élections par la gauche sont magnifiques. Mais sa pratique au pouvoir a rarement un grand rapport avec ces valeurs[3]. En matière de gestion des budgets publics notamment. Nous n'avons pas oublié que nos 35 heures[4] ont été payées par le contribuable, ou plus précisément, sont dans la dette nationale et seront payées par nos enfants. Démocrate échaudé craint l'eau froide.


Et si ces deux arguments ne suffisaient pas ?

Si François Hollande décidait et parvenait, avec plus d'autorité et de crédibilité que Ségolène Royal en 2007, à composer une coalition entre la gauche et le centre, au lieu d'un retour à l'État-PS ?

Si une démocratie pluraliste, fondée sur la réflexion commune et la recherche de synthèses, obligeait la gauche à mettre en pratique les valeurs qu'elle affiche ?

L'électeur "du centre-droit" me dira que je rêve.

Mais s'il y a une semaine tous les cinq ans pour tester si ce rêve a un sens… c'est la semaine qui commence.

Notes

[1] Vous remarquerez aussi sur ce billet que la référence aux "procès staliniens" n'est pas nouvelle chez Nicolas Sarkozy entre les deux tours !

[2] Bien sûr, la droite adore le centre comme elle adore les beignets (qu'elle roule dans la farine et qu'elle fait frire). Mais dans la défaite, certains camarades se sentiront légitimement une âme de nugget.

[3] Tandis que la droite sarkozyste a pleinement respecté les valeurs qu'elle affichait : bling-bling, défiscalisation et vente à la découpe de l'État. C'est un gage de crédibilité.

[4] "nos" est une façon de parler, je ne suis pas salarié et fais donc mes 2000 ou 2100 heures par an.