"C'est quoi faire de la politique autrement ?", se demandait Christophe Ginisty en septembre dernier. En répondant : "tout d'abord c'est faire de la politique (et non) casser du politique à tout prix … (ni énumérer des) y'a qu'à / faut qu'on qui ne servent à rien, sinon à nous convaincre qu'il y a des méchants partout." Ensuite, c'est "autrement", donc "l'affirmation implicite que la politique telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui a besoin d'être réformée. … il faut inventer autre chose. Quoi ? Je n'en sais rien."

Dimanche dernier François Bayrou appelait au "réveil des Républicains". Des valeurs essentielles à nos institutions, à notre conception du service publique, sont bafouées et démantelées par le pouvoir en place. Du passé républicain, on fait table rase. Constat désolant, largement partagé, et qui suscite la même question : comment pourra-t-il en être autrement demain ?

Je lis en ce moment le livre de Corinne Lepage "Entre colère et espoirs" - suite de chroniques hebdomadaires, ancrées dans l'actualité. Chaque semaine, Corinne Lepage proposait des dispositions concrètes, des règles et systèmes, qui pourraient remettre notre fonctionnement politique, social et économique dans le bon sens, celui de l'intérêt général, du développement durable. Propositions concrètes - dont pas une sur cent n'a été réalisée, au contraire, indique Corinne Lepage dans ses post-scriptums, sur presque tous les sujets les choses se sont aggravées.

Un avenir qui reste entièrement à inventer, des fondations en voie de démolition, des propositions impuissantes semaine après semaine. L'espoir de "politique autrement" s'effiloche. Faut-il se résigner à ce que "les politiques" au pouvoir vendent à la découpe jour après jour, au sommet, ce que nous essayons de construire à nos petites échelles d'entrepreneurs, militants associatifs, parents, chercheurs, enseignants… ? Faut-il se contenter du confort de pouvoir dénoncer tout cela derrière son écran d'ordinateur ? Ou des "différentes combinaisons" qui permettront de garder "les mains dans le cambouis", c'est-à-dire d'avoir "des élus" ?


Il y a un bon côté dans cette diversité des "politiques autrement". S'il y a autant de directions possibles pour avancer, ce sont autant de raisons d'espérer que l'une ou l'autre se concrétisera.

Politique autrement est un club de réflexion.

Antonin s'amusait, en septembre dernier, à proposer une organisation "complètement horizontale".

Nelly Margotton appelait en novembre à l'action concrète individuelle : "Le militant de base, il fait quoi quand il 'fait de la politique' ? ... Travaux thématiques, … actions ponctuelles, … événements, loin de la société du spectacle, … (le militant) écoute les autres …, des anonymes mais aussi des entreprises, des institutions, des associations, des observateurs et acteurs du quotidien … La politique, c'est notre affaire et pas seulement à l'intérieur de notre parti en réunion ou dans les coulisses... La campagne n'en sera ainsi que plus ouverte et percutante..."

JF le démocrate évoque un automoteur MoDem : "La recette est simple: cette section agit de façon totalement autonome, propage les idées du MoDem et surtout essaye d'avoir une influence concrète sur la vie locale."

L'Hérétique se souvient qu'un parti, essentiellement, présente des candidats à des élections, et appelle à revenir au contenu des engagements électoraux, à "dire : voilà mon projet, voilà mes idées, voilà ce que nous tenterons de promouvoir si nous accédons petit à petit au pouvoir : me suivez-vous ?"

Christine Espert voit un lien entre les deux : pour porter notre projet de "plus de Justice, qu’elle soit, sociale, fiscale, éducative, générationnelle, environnementale", "nous devrons : être à l’écoute, nous rassembler, être innovants, dynamiques, volontaires, audacieux…."

Un correspondant m'écrivait imaginer un mouvement qui réunirait les trois fonctions : l'action civique, environnementale, sociale, sans attendre d'hypothétiques victoires électorales ; la discussion, l'élaboration d'un projet politique ; l'investiture pour des élections.


Ce qui me parle le plus, c'est le billet de BGR : "Faire de la politique « pour »" et non pas « contre ».

J’ai l’impression de plus en plus nette qu’il y a deux façons antinomiques de faire de la politique, « pour » et « contre », et peu de moyens termes.

La politique « contre » est non seulement la plus répandue, mais aussi la mieux comprise, la plus populaire. Les éthologues nous proposeraient certainement des explications pour cela. L’élu est celui qui nous protège de dangers toujours menaçants, tapis derrière la ligne bleue des Vosges comme dans l’affiche de campagne de l’actuel Président, ou en noirs et blancs dans celle de sa concurrente de 2007. On entretient cette conviction entre militants même, en se sous-entendant des sous-entendus, en s’appelant à la « vigilance » et à rester soudés contre les multiples tentations et dangers, en insultant l’autre bord et ceux qui franchissent le pas (sauf si c’est pour venir vers nous) …

Tout cela est tellement courant, c’est à se demander si les moeurs de la politique « pour » existent vraiment ! Qu’est-ce qui incite les militants, les citoyens, à adhérer à des comportements coopératifs, constructifs, à s’écarter de la tentation de dénigrer – cacher — comploter ?

J’ai vu énormément de comportements « pour » et de personnes « pour », au Mouvement Démocrate (et à l’UDF auparavant). Je m’en émerveille, en me demandant comment ces personnes tiennent ! Pourquoi et comment elles échappent aux chausses-trappes et à la machine à perdre !

Obama explique cela très clairement au début de "l'audace d'espérer". Il y a en politique une solide tradition de langue de bois, de promesses non tenues, de carriérisme, d'oppositions théâtralisées et de compromission avec l'argent. Et c'est parfaitement normal que la grande majorité des gens ne croie pas à la politique. Que les partis soient l'institution qui suscite le plus de méfiance (à peu près à égalité, dans l'opinion française, avec les syndicats et l'Eglise catholique).

Mais, dit Obama, il y a aussi en politique une autre tradition, tout aussi ancienne. Une tradition d'engagement pour la collectivité. Une tradition de chercher les synthèses et les conciliations plutôt que les oppositions. Une tradition de faire appel à ce qu'il y a de meilleur en nous. Et dans le monde tel qu'il va, c'est de cette politique là que nous avons besoin.

Je suis bel et bien venu à l'UDF, puis au MoDem, pour une "politique autrement" que celle faite par les partis au pouvoir en France. Pour un renouveau de démocratie. Parce que de mon point de vue, c'est ce dont la France a besoin pour se sortir de la crise actuelle… et de 30 ans d'enlisement.

Je crois que cette démocratie est possible en France, et que nous pouvons la pratiquer chacun à notre niveau … dans notre famille, notre commune, notre travail, notre blog, notre parti.