Vol Tunisair pour Tunis, ce mardi 7 octobre, le soir. Dans l'avion, je prends la presse tunisienne officielle.

"Le Chef de l'État", de derrière son bureau, "a donné ses instructions" à son Premier ministre, assis en travers de façon à pouvoir poser ses dossiers sur un guéridon, "soulignant l'impératif de veiller à parfaire la concrétisation des législations et des dispositions instituées aux fins de stimuler l'esprit d'initiative et d'aménager les espaces économiques et les zones industrielles".

Idée de manoeuvre pour comprendre une phrase arabe : attendre avec patience la fin ?

meublatex.jpgAéroport de "Tunis Carthage". Un nom qui n'engage à rien politiquement. Foultitude d'agents de sécurité en toutes tenues civiles et uniforme. Le passeport du collègue fonctionnaire au Ministère du Développement durable semble attirer le soupçon. Ça s'éternise.

Tapis à bagages - ça s'éternise plus encore. Les publicités d'aéroport ne sont pas les éternelles Mastercard-IBM-SAP-HSBC-L'Oréal, mais de robustes affiches au style défraîchi - "Nous aimons le bois", proclame en français, et apparemment en arabe, celle de Meublatex.

Hôtel à deux noms, "Karthago" et "Le Palace". Visages sérieux, légèrement compassés ou sévères, ou timides, peut-être un sentiment de fragilité, mais ces personnes que nous voyons me semblent tranquilles à l'intérieur, sûres d'elles-mêmes. Quelle est la valeur cardinale en Tunisie ? L'opulence ? Plutôt, la sécurité que donne l'argent dans un monde d'où la violence aurait été bannie ?

Chambre d'hôtel. Bonheur d'échapper à ce qui envahissait, le mois dernier, ma chambre du Marriott Athènes : les exposés concernant les serviettes de toilette, les essaims de questionnaires de satisfaction.

telephone_palace.jpgrose_palace.jpgDans la salle de bains, à gauche du miroir un téléphone aux branchements approximatifs, à droite une rose. La délicatesse vaut mieux que la norme, apparemment.

À la télévision, le journal de la nuit. Un bon tiers est consacré à l'hommage rendu par le président Ben Ali au poète palestinien Mahmoud Darwich, au quarantième jour de son décès. Le journal en parlait aussi. Est-ce plus que de la langue de bois, qu'un compte-rendu formel d'actualité diplomatique ? Il me semble que oui, même si je ne comprends pas l'arabe : dans son reportage, sans doute à Ramallah, la caméra s'attarde, à deux reprises, sur le geste d'une personne à la tribune - peut-être le représentant du Président - qui allume une bougie - un corps courbé, un geste simple, rien de bois.

Peut-être une valeur cardinale en Tunisie est-elle la culture ? Le respect irait à celui qui crée ?