Les étranges boucles de cette campagne, du président par intérim du FN Jean-François Jalkh défenseur du négationniste Faurisson au désormais candidat LR-PS Emmanuel Macron en route pour Oradour, me donnent l'occasion de révéler
mon souhait secret :
ce que j'aurais demandé à Jean Lassalle si, par la beauté des événements, il avait été élu le 9 mai à la Présidence de la République.
C'est tout simplement une Légion d'honneur.
Il y a un mois, le 27 mars, nous étions avec Jean Lassalle à Saint-Viaud, dans le pays de Retz, qui en mai 1945 faisait partie de la "poche de Saint-Nazaire", tenue par les dernières troupes allemandes.
Le Maire, Roch Chéraud, nous y conduisait dans sa voiture, et nous a raconté le dernier incident armé de la 2ème guerre mondiale sur le sol français. Le 12 mai 1945, sur sa commune, alors que les résistants entreposaient les armes des prisonniers allemands dans une grange, la grange a explosé. Sept morts : cinq résistants, deux employés des PTT.
Je laisse la parole au chef du détachement des Forces françaises de l'Intérieur (FFI).
André Desourteaux était le seul survivant de sa famille, massacrée à Oradour-sur-Glane, le 10 juin 1944, par les troupes de la division Das Reich.
Lorsque je suis rentré à Oradour à bicyclette le lendemain du drame, ma première vision fut celle du clocher décapité qui brûlait. Devant ma maison, je m'étais juré : « ils me le paieront ».
André Desourteaux se souvient avoir vu voler le toit de la grange de Saint-Viaud, puis entendu le vacarme assourdissant.
« Pour moi (aujourd'hui) cette explosion était accidentelle, (mais) sur le moment j'étais convaincu du contraire. Je tenais une superbe occasion de me venger : il aurait suffi d'un geste de ma part après l'explosion pour que les prisonniers allemands soient abattus.
Je n'ai rien fait et je l'ai regretté, je me sentais comme quelqu'un qui n'a pas tenu son serment. Maintenant je peux me regarder dans une glace, mais je n'ai pas pardonné.
Le général de Gaulle avait décerné la Légion d'honneur à la ville d'Oradour-sur-Glane. En 1953, la IVème République a voté une loi d'amnistie des soldats alsaciens de Das Reich condamnés à mort pour le massacre. André Desourteaux a renvoyé à Paris la Légion d'honneur.
Dans les ruines je m'en étais déjà tiré par une pirouette : seul Dieu peut pardonner ; l'homme oublie. Je n'ai pas oublié.
En 2015, le conseil municipal de Saint-Viaud a enquêté, retrouvé André Desourteaux, qui avait 90 ans, et l'a nommé citoyen d'honneur : « son attitude symbolise le combat de ces résistants maquisards venus libérer notre bout de territoire et exalte les valeurs voulues par ces combattants ».
Voilà, c'est tout ; c'est à vous que je le dis en premier. C'est ce que j'avais préparé pour le cas où Jean Lassalle serait élu, et aurait la drôle d'idée de me demander ce que je voulais. Je lui aurais dit : prends la voiture, descends dans le Limousin, retrouve André Desourteaux, et passe-lui au cou ton collier de la Légion d'honneur. C'est un résistant qui, au moment suprême, a fait le choix de la paix. C'est l'homme que nous voulons suivre.
Je signe ce billet.
2 actes de résistance.
Le premier a été de résister à la haine et la vengeance.
Le second a été de renvoyer sa légion d'honneur.
Ha, je te tiens bien là. Et je plussoie évidemment.
Je vais t'en raconter une autre, qui y ressemble.
Voilà des français déportés à Buchenwald, quelques heures après la libération du camp. Il faut imaginer l'ambiance, après des mois de camp de concentration. Libération qui s'est faite, alors que l'armée américaine approchait, par les détenus eux-mêmes, et la débandade des SS. Nos français patrouillent et cherchent, armés, à capturer des SS qui restent dans le coin. Ils font prisonniers une patrouille de quelques gardiens.
Un des français dit au patron de la petite escouade et reconnait un des détenus : "ah celui-là, il a flingué tout kommando une fois, gratuitement, je vais me le faire". Et le patron, simplement, a répondu que non, jamais de la vie, il fallait maintenant lui laisser justice, et ne pas s'abaisser à son niveau. L'autre obéira, et en reparlera encore dans un livre écrit soixante ans plus tard.
C'est ce genre de gestes qui donnent foi en la nature humaine. Le patron de la petite escouade avait 24 ans, c'était mon grand-père.
@Pierre #1 merci ! @Bernard #2… tout à fait ! et même trois en comptant du début — contre le nazisme, contre la haine, contre l'oubli.
@Nicolas V #3 : Impressionnant. Chapeau bas — ou casque lourd.