Dans les années 1979-81, une équipe d'ados dont je faisais partie avait son local dans la box d'une voiture. C'était dans le grand jardin d'une belle villa de Saint-Cloud. Ça ressemblait un peu à cette photo google map prise dans le même quartier.
La propriétaire et unique habitante, Madame X, une dame âgée, ne conduisait sans doute pas, le garage faisait grenier et stockait aussi notre matériel. Nous y allions une fois toutes les deux ou trois semaines.
Dans les années 1979-81, plus d'un million de Vietnamiens et de citoyens des pays voisins ont fui leurs dictatures totalitaires, leurs polices politiques et leurs camps de travail, à bord de bateaux surchargés, partant vers où l'on voudrait bien les accueillir. Sur 6 partis, environ 5 n'ont pas péri en mer.
La France a ouvert ses frontières à plus de 100000 d'entre eux.
Parmi ceux-ci, une famille de dix Cambodgiens vivait à l'étage du petit garage de Saint-Cloud. Dans douze mètres carrés.
Il y avait la villa, bien 200 m2, de la vieille dame et peut-être de sa bonne. Il y avait le rez-de chaussée du garage : douze mètres carrés pour trois malles de notre matériel qui auraient aussi bien pu être ailleurs (c'est ce que je me disais, vaguement gêné, mais pas tant que ça). Et l'étage, des combles bas. Sous ce toit, une famille de dix que j'ai toujours vu nous sourire — ce que j'ai en mémoire, ce n'est pas un sourire obligatoire, conventionnel et gêné, c'est le bonheur radieux de ceux qui sont en vie.
Madame X en accueillait dix.
Dans le temps sur ce blog : L'arme du futur est arrivée : l'échelle en bois (2005) ; Zoé à Abéché (2007) ; Avec la Chine : droits de l'homme ou intérêts français ? (2004) ; Développement des pays pauvres : un frein à l'émigration ? (2006) ; Après la ruine, les survivants (2010).
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