La communication du gouvernement dit vrai sur un point : il y a eu une crise mondiale. La France s'en sort ni mieux ni moins bien que ses voisins de la zone euro, si l'on regarde l'évolution sur 10 ans : nous représentons les uns et les autres la même proportion de la production mondiale[1]. Certes, nos économies ont à peu près stagné, tandis que le reste du monde se développait, mais… notre monnaie, l'euro a tellement progressé depuis 10 ans, que notre production pèse autant qu'en 2000, dans l'unité de compte mondiale que reste le dollar américain.

Mais il y a deux spécificités françaises. Non seulement par rapport au reste du monde, mais aussi par rapport au reste de la zone euro.

Notre surendettement — plus précisément, celui "de la République". La cause en est bien connue : l'irresponsabilité générale des clans au pouvoir depuis 1981.

Et notre enrichissement. Plus précisément, celui des 5 ou 10% de Français les plus riches : 4 millions de Français (et moins de 9 millions d'autres habitants de pays de la zone euro) font maintenant partie des 44 millions de Terriens les plus riches[2].

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Cela vient principalement du "patrimoine non financier" — donc du foncier. Le Français est, de ce point de vue, 4ème au classement mondial après le Norvégien, l'Australien et le Suisse[3].

On peut très raisonnablement y voir une bulle, une de plus. Et déplorer que l'UMP, et singulièrement Nicolas Sarkozy, ait soufflé à de nombreuses reprises dans le ballon, le dernier gag en date étant l'éclatement de l'ISF, mais il y en a eu tellement d'autres.

On peut aussi, prenant au sérieux les prix actuels, se réjouir d'être ainsi valorisés sur le marché immobilier mondial, et au-delà. Et se demander comment le gouvernement parvient à couler l'État au milieu de tant de richesse.

Dans un cas comme dans l'autre, que vous inspire ce qu'écrivait Michel Crozier il y a un tiers de siècle[4] ?

Le problème profond de la société française, ce n'est pas l'emploi, ce n'est pas la paix sociale, c'est l'abandon de l'esprit rentier. Si nous voulons survivre, il faut jouer l'avenir, c'est-à-dire l'esprit d'entreprise.

Notes

[1] L'économie française est moins réactive que celle de ses voisins : nous profitons moins qu'eux des périodes fastes, nous reculons moins qu'eux en temps de crise

[2] Selon le Global Wealth Databook 2010 du Crédit Suisse, p. 117.

[3] Les micro-Etats comme Monaco ne figurent pas dans ce classement.

[4] Dans "On ne change pas la société par décret", selon plusieurs sites.