La bonne nouvelle, c'est que les conspirationnistes qui dénoncent l'axe de l'austérité Washington-Bruxelles devront revoir leur copie.

Le Point le dit bien : comme toujours dans les rapports officiels, la vérité gît en page intérieure, en note de bas de page ou au détour d'un paragraphe anodin.

Elle est simple : la dette de la Grèce et de quelques autres n'est pas remboursable, pas soutenable, donc la seule chose à faire est de l'effacer pour assainir les comptes et, espérons-le repartir dans une économie viable. C'est comme pour n'importe quelle organisation, famille, entreprise surendettée.

Dans ce rapport du 19 juin 2012, c'est le "Strategy, Policy and Review Department" qui l'écrit :

1- Les jeux politiques entre chefs d'État ont empêché de regarder en face la nécessité d'effacer la dette grecque et celle des banques irlandaises[1]. En langage FMI :

"Institutional contraints in the Euro Area occasionally limited alternative policy options that could otherwise have been considered — notably, debt restructuring to strengthen debt sustainability (particularly for bank debt in Ireland and sovereign debt in Greece)." (page 23)

2- Quand nos dirigeants ont parlé de risque systémique pour l'euro en cas de non-intervention, c'était du pipeau infondé. En langage FMI :

"The analysis of systemic risk and contagion, which is a complex challenge, was not fully developed and quantified. Since systemic risk was used to justify the approval of the high access programs in the Euro Area, clear means of assessing the risk are important for perceptions of even-handedness, as well as program design. It would thus be desirable to refine analytical tools to evaluate contagion risk." (page 13)

3- Le FMI ne considérerait pas comme viable un pays dans la situation actuelle de la Grèce, du Portugal ou de l'Irlande. En chiffres FMI :

Dette_Etats_FMI_19juin12.jpg

Ce diagramme indique le montant de la dette publique des Etats aidés, 3-4 années après l'intervention du FMI — en incluant des projections pour les interventions récentes. La cinquantaine d'Etats aidés ont tous, après intervention, une dette inférieure à 80% du PIB. Soutenable, peut-on penser. Tous sauf cinqsix : l'Islande[2], le Portugal, l'Irlande, la Jamaïque, Saint Kitts et Nevis, et la Grèce.

Eh oui, je vous avais prévenus dans mon dernier billet : c'est facile de se moquer des sommets européens, du Président Sarkozy, de la Ministre Lagarde, etc. : ce qu'ils essayaient de nous faire avaler était tellement gros que même le FMI (qui n'est pas le centre nerveux de l'altermondialisme) ne marche pas dans leurs combines. Ou si le FMI y marche… c'est contraint et forcé.


Et je sais bien — là est tout le problème. Les quelques personnes qui criaient depuis 3, 4, 5 ans ces évidences crasses, criaient dans le désert.

À la présidentielle, le candidat qui faisait les propositions les plus sensées et les plus crédibles pour en sortir a obtenu, au final, une voix sur onze. Et ses candidats à l'Assemblée, 2 sièges sur 577[3]. Ceux qui voulaient sortir le pays de la crise ont été réduits à l'impuissance.

Le reste, centre droit et centre gauche, droite populaire et gauche populaire, gauche et droite de gouvernement, extrême gauche et extrême droite, tout ce grand reste du monde politique a réussi à convaincre l'opinion… que ce n'était pas le sujet. Qu'il fallait parler Roms, frontières, euro, taxe à 75%, 60000 enseignants imaginaires, guerre à la finance à coups d'amis banquiers parisiens, Fessenheim 2017 ou plutôt 2022, danger hollandiste ou fin du sarkozysme,… on a tout juste échappé à Secret Story.

Tirer l'alarme, à quoi ça sert, quand presque tous les passagers encouragent le conducteur à foncer vers le ravin ?

Notes

[1] Qui ont été restructurées par l'Etat irlandais, refinancé ensuite par ses partenaires, au lieu de déposer leur bilan comme le bon sens élémentaire, etc. etc.

[2] OK OK, faut savoir lire un graphique quand on l'affiche.

[3] Inutile de rappeler le nombre minime de suffrages que j'ai moi-même obtenus en soulignant notre projet de redressement du pays :-)