L'Église catholique est accusée de s'en prendre aux homosexuels et de protéger les pédophiles. Je force le trait ? À peine. Le même soupçon est d'ailleurs porté sur d'autres sphères religieuses (par exemple l'islam maraboutique en Afrique de l'Ouest). Dans le monde d'aujourd'hui, après Sade et Freud, le message porté, sur la sexualité, par l'institution catholique, corrompt de l'intérieur le message d'amour qu'elle annonce. L'Église a un coming out à faire, une nouvelle frontière à conquérir.

Au XIXème siècle, face à la révolution industrielle, elle a développé une "doctrine sociale" qui a très bien tenu la route plus d'un siècle, inspirant notamment les démocraties européennes.

Il lui reste à intégrer la révolution sexuelle.

Ce n'est pas qu'elle tienne un double langage. C'est qu'elle entretient un double silence.

Si elle continue à faire comme si le sexe n'était pas son problème, si elle continue à chercher son salut dans la fuite — en néologismes, abstractions et circonlocutions — elle trahit sa raison d'être : sauver la vie des gens, au plus profond d'eux-mêmes.


Je me lance ici sur deux sujets, sexe et religion, totalement casse-gueule et sur lesquels mes compétences sont limitées. J'espère donc beaucoup du débat, des commentaires, etc. !

Et bien sûr, l'Église catholique fait bien ce qu'elle veut ; en tant que militant politique démocrate, je n'ai aucune leçon à lui donner.

Et bien sûr aussi, si on regarde dans le détail, l'Église catholique n'est pas monolithique. Il y a plein de gens qui disent plein de choses très bien.

Et bien sûr encore, le message émis par l'Église catholique est très différent de l'image que s'en fait la société — du message reçu. Par exemple, beaucoup de gens (catholiques ou non), croient avec le curé d'Eddy Mitchell que

Le pape a dit que l'acte d'amour
Sans être marié est un péché

… alors que, à ma connaissance ou celle de l'article wikipedia sur le sujet, l'Église catholique n'a rien prétendu de tel.

Oui mais voilà.

Quand les évêques du Cameroun, collectivement, appellent les « fidèles catholiques et tous les hommes épris de bonne moralité, à barrer la voie à l’homosexualité », « chose abominable et contre-nature », je n'entends aucune protestation de Rome ou de Lyon, sans parler des animateurs catholiques de la Manif pour Tous. Or les évêques du Cameroun s'appuient, selon la même source, sur le code pénal (civil !) de leur pays "qui prévoit des peines d’emprisonnement fermes pour des personnes reconnues coupables d’homosexualité". Ne devraient-ils pas plutôt militer activement pour que soient abolies ces lois attentatoires aux droits humains ?

Au synode des évêques du monde entier sur "la famille" en 2014, le rapport provisoire envisageait de "prendre acte" que dans les couples de même sexe, "il existe des cas où le soutien réciproque jusqu'au sacrifice constitue une aide précieuse pour la vie des partenaires". C'était une évidence élémentaire qui n'aurait même pas dû faire débat. Eh bien, la phrase a tellement fait scandale parmi la majorité des évêques, que toute considération positive a été supprimée du rapport mis au vote ! Le cardinal archevêque de Vienne s'est au moins opposé, au nom de la "non-discrimination", à… la peine de mort pour les homosexuels.

Qu'apprend-on ou réapprend-on dans l'affaire dite Barbarin ? Que l'omerta sur les crimes pédophiles de prêtres était la règle jusque récemment au sein de l'Église ; qu'un prêtre reconnu coupable d'abus sexuels sur des étudiants (majeurs) a été maintenu en fonctions pastorales et promu responsable d'un doyenné (regroupement de paroisses) par le cardinal Barbarin. Chaque cas personnel est différent et je ne saurais juger de cette décision. Mais je n'ai jamais lu l'équivalent sur des prêtres coupables de détournements de fonds — à ma connaissance, il sont toujours mis à l'écart, ou au moins, on ne leur confie plus les caisses.

Certains catholiques estiment[1] que la sexualité de chaque personne relève (s'agissant de majeurs consentants) de la vie intime sur laquelle il n'y a pas de discours public à porter. L'homosexualité par exemple serait tolérable (comme elle l'était jadis pour tant de nos rois et princes très catholiques) tant que discrète, pour ne pas dire secrète. Tandis que son irruption dans l'espace public, son coming out, serait une insulte à la société, aux valeurs, à la famille, à la religion elle-même.

Ce point de vue me semble très dangereux, car il protège, effectivement, les prédateurs sexuels qui profitent de leur position d'autorité sur des fidèles, des religieuses, des enfants du catéchisme, etc. : face à eux, pas de système d'alerte qui fonctionne, pas de morale partagée, pas de discussion, rien que des bruits de couloir et mouvements d'étouffoir.

Pire, ce point de vue me semble absurde ; tout aussi absurde que l'a été le silence de l'Église sur l'exploitation des ouvriers aux débuts de la révolution industrielle.
— La Bible ne parlait pas du travail en usine ?
— Le contrat de travail est affaire privée entre employeur et employé ?
— La religion ne doit pas pouvoir se réduire à soutenir une politique de droite ou de gauche ?
Prétextes. Quand des adultes et des enfants brûlent l'essentiel de leur vie sur des machines, soit vous (porteurs du message religieux à l'époque), vous avez une "bonne nouvelle" qui sauve leur vie, soit vous êtes infidèles à votre propre message.

J'ignore l'orientation sexuelle de Jésus, et je ne l'imagine pas chanter "I am my own special creation". Mais le final de la même chanson de "la Cage aux Folles" lui aurait très bien convenu, me semble-t-il :

I am what I am
And what I am needs no excuses.
I deal my own deck
Sometimes the ace, sometimes the deuces.
There's one life, and there's no return and no deposit;
One life, so it's time to open up your closet.
Life's not worth a damn 'til you can say,
"Hey world, I am what I am!"

Ça me ferait plaisir que l'Église catholique développe un peu sur ce thème. Après avoir ouvert les fenêtres, le temps vient d'ouvrir les placards !

Notes

[1] Me semble-t-il. Hypothèse non sourcée !