J'aime bien Benoît XVI.
Je n'aimais guère le très coupant gardien du dogme, mais le connaissais fort peu.
Son élection comme pape m'a donné l'occasion d'en apprendre plus, et de me découvrir sympathisant de cet amoureux de la vérité, humoriste à froid, humaniste solitaire. Le mot de "conservateur" lui colle à la peau, c'est un aussi mauvais portrait que quand on qualifiait ainsi Jean-Paul II.
J'aime son engagement écologiste. J'aime sa résistance infranchissable à la mariolâtrie (si répandue parmi les catholiques "conservateurs"). J'ai l'impression que l'omerta sur la pédophilie dans le clergé a sérieusement reculé grâce à lui.
Hélas, l'intellectuel qui joue avec les concepts, modélise, suit le fil de son raisonnement, inévitablement trébuche. Le modèle ne marche plus. La réalité est différente. L'être humain, les sociétés humaines sont autonomes, elles vont un pas plus loin que la théorie. Les mots du théoricien finissent par traverser le miroir et dire faux.
L'intellectuel joue avec son idée, il la poursuit une phrase de trop, une blague de trop, une provocation de trop.
Le préservatif "aggraverait" le "problème du SIDA"...
Baptisé dans l'Église catholique, j'ai été frappé par le billet de MIP qui envisageait de se faire "débaptiser".
Il m'a fallu un moment pour retrouver l'équilibre : cette phrase du pape me concerne aussi peu, que mes élucubrations théologiques ne le concerneraient lui. Il est tout aussi ignorant en épidémiologie qu'il semble l'être sur l'islam.
Ça ne mériterait sans doute pas un billet, mais bon, comme c'est le Sidaction, je republie ici mon commentaire chez authueil :
La cause du Sida est un virus, le HIV.
Ce virus se transmet essentiellement, d'une personne infectée à une personne non infectée, par des rapports sexuels sans préservatif. L'usage du préservatif dans les rapports sexuels à risque n'aggrave pas le problème du Sida, mais en réduit, au contraire, considérablement l'ampleur.
Il y a à ce problème d'autres éléments de solution (moins populaires dans le milieu de la lutte contre le Sida) qui conduisent à réduire le risque d'avoir un rapport avec une personne infectée.
Le pape et d'autres privilégient ces autres solutions, ce que je comprends très bien.
Il n'en reste pas moins que le préservatif est, non un élément aggravant, mais un élément de solution.
Avec toute mon affection pour le gaffeur.
Grâce à toi, Frédéric, j'ai découvert qu'il existait une "mariolâtrie"... Merci.
Je salue la parfaite cohérence de ton engagement et de tes convictions. Tu m'apparais comme quelqu'un de clair.
Respect !
On est bien d’accord que les propos exacts du pape sont : « On ne peut pas surmonter [le problème du SIDA] avec la *distribution* de préservatifs, au contraire on augmente le problème. ».
De ton côté, tu dis que tu comprends très bien que le pape privilégie l’abstinence et la fidélité, mais que le préservatif est un *élément* de solution.
1ère question : Une prévention basée sur (1. Abstinence et fidélité) (2. Préservatif) est-elle efficace ? La réponse est oui : voir par exemple l’Ouganda, le Burkina Faso, le Sénégal…
2e question : Dans ce cas, pourquoi le pape refuse-t-il de “valider” le préservatif comme protection de dernier recours, à utiliser lorsque les deux autres barrières sont tombées ? Peut-être pour contre-balancer le discours majoritaire, basé prioritairement sur le préservatif.
3e question : Une prévention basée prioritairement sur le préservatif est-elle efficace ? Comme cette prévention donne l’illusion d’une sécurité à 100 %, les personnes ne changent pas fondamentalement leur comportement, de sorte qu’il y a toujours autant (voire plus) de rapports sexuels, mais avec préservatif. Or, dans les conditions pratiques, on ne fait que réduire (considérablement, certes, de 85 à 95 % selon les études) le risque de transmission… Une telle prévention consiste donc à se résoudre à un “pourcentage de perte” sur le court terme, afin de régler le problème sur le long terme.
Il s’agit donc de comparer l’efficacité des préventions suivantes :
* (1. Abstinence et fidélité) (2. Préservatif)
* (1. Préservatif) (2. Abstinence et fidélité)
La “thèse papale”, c’est que la première est plus efficace que la seconde, et même que la seconde « augmente le problème ».
L’intérêt de cette mise des pieds dans le plat, c’est qu’on va avoir de plus en plus accès à des études chiffrées. Et là, on pourra juger de ce qui est le plus efficace.
En tout cas, je crois que c’est loin d’être une gaffe.
Merci pour ce commentaire, cependant je doute que ton interprétation de la "thèse papale" soit fidèle à ses propos !
L'exemple du Burkina Faso me frappe : l'abstinence y est très, très, très, très peu pratiquée. Pour une raison simple : dans la plupart des ethnies burkinabè, les rapports hommes-femmes sont tels qu'une femme a rarement le pouvoir de dire "non" (beaucoup moins par exemple qu'au Sénégal - et toutes mes excuses si la comparaison est une violente caricature). Le Burkina était l'un des pays du monde les plus frappés par le Sida. Ce qui l'a fait reculer, pour autant que je sache, en milieu urbain, c'est trois choses : le préservatif, le condom et la capote. Ceci dit, je ne suis pas épidémiologiste ni burkinabè, je peux être mal informé et serai heureux d'en apprendre plus.
PS - Je me souviens des tous premiers temps de l'épidémiologie du Sida, car je faisais des travaux de recherche en modélisation, sur un sujet formellement comparable (la diffusion de l'innovation). Je me souviens de deux conclusions simples :
a) Le passage d'une diffusion locale à une diffusion globale du virus, peut être lié au passage d'une valeur seuil dans le nombre moyen de rapport contaminants. Si, avec l'usage généralisé du préservatif dans les rapports à risque, on divise par disons 20 la probabilité qu'un rapport soit contaminant, on ne divise pas le nombre de personnes touchées par 20 : on supprime l'épidémie.
b) Plus que la moyenne, le rôle du petit nombre de personnes ayant un très grand nombre de contacts, est décisif. Le changement de comportements dans la masse de population influe beaucoup moins sur l'épidémie, que le changement de comportement de ces personnes ou des personnes en contact direct avec elles. Ce qui précise le point précédent. Et explique que la "déprise du préservatif" dans les bars gays depuis quelques années (Cf. par exemple http://sexes.blogs.liberation.fr/ag...), inquiète particulièrement les militants contre le sida.
Ceci dit une fois de plus, je pense que les propos du pape ont dépassé sa pensée, et qu'il précisera celle-ci dans les prochains jours, peut-être pour se rapprocher de ceux de Mgr di Falco ! Je pense aussi qu'il n'est pas le seul à tenir un discours un peu étroit sur la prévention du Sida. Le discours "ne parlons que de préservatif et de risque pris par chaque individu" me semble un peu étroit aussi.
Je pense surtout que je n'y connais pas grand chose et, sur un sujet aussi tragique, ferais mieux de la fermer
Je trouve au contraire que tu as pas mal de connaissances sur le sujet, et suis particulièrement intéressé par tes travaux de modélisation. J’avais tendance à penser qu’il fallait (en gros) multiplier le risque de transmission individuel par le nombre de partenaires, mais tes conclusions montrent que ce n’est pas si simple.
Bien sûr que tout le monde aimerait que le pape dise : “Abstinence, fidélité, et s’il n’y a pas d’autre solution préservatif”. Seulement, une fois qu’il aura dit ça, il n’y aura pas de marche arrière possible (et tu vois d’ici les grands titres des journaux). Donc, il est prudent. Le pape a quand même “autorité” sur l’ensemble de l’Eglise, à la différence d’évêques comme Mgr di Falco qui peuvent se prononcer “localement”, pour une population donnée… sans être pour autant désavoués par Rome.
... J'ai oublié de te remercier pour avoir attiré mon attention sur le mot "distribution" (de préservatifs), qui m'avait échappé. Et qui augmente la vraisemblance de l'hypothèse "il a poursuivi trop loin sur sa lancée" en s'en prenant en suite "aux" préservatifs. Il y a plusieurs traductions divergentes, pourtant j'imagine que le pape, répondant à M. Visseyrias de France 2, s'exprimait en français ! Cf. http://www.dhnet.be/infos/monde/art... et la source officielle : "Si on n'y met pas l'âme, si les Africains n'aident pas [en engageant leur responsabilité personnelle], on ne peut pas résoudre ce fléau par la distribution de préservatifs: au contraire, ils augmentent le problème." http://www.vatican.va/holy_father/b...
Comme toujours, il faut revenir à la source En fait, l’interview s’est passée en italien, comme on peut le voir ici : http://espresso.repubblica.it/multi...
Le texte officiel est donc celui-ci : http://www.vatican.va/holy_father/b...
“… non si può superarlo con la distribuzione di preservativi: al contrario, aumentano il problema.”
“aumentano” = “ils augmentent” (les préservatifs) --> donc, OK avec ta version. Il aurait dû dire “aumenta” = “elle augmente” (la distribution). De là à rapporter que le pape prétend que le préservatif augmente le risque de SIDA lors des rapports sexuels, il n’y avait qu’un pas que nos chers journalistes n’ont pas hésité à franchir !
Trop fort Yannou.
C'est beau, l'info libre et disponible, mais il faut savoir trouver l'info de 1ère main plutôt que de se noyer dans les milliers de réponses google - qui arrivent en tête parce qu'elles sont redondantes, citant les mêmes agences de presse.
Ceci dit, n'enfonçons pas la presse au point de lui attribuer que "rapporter que le pape prétend que le préservatif augmente le risque de SIDA lors des rapports sexuels"- enfin, si des journalistes l'ont tourné comme ça, ça devait être un dans la presse satirique, j'espère !
Non, pas tous les journalistes, bien entendu ! Mais bon, un titre “SIDA : le pape conteste l’efficacité du préservatif” chez France Info, comment dire… http://www.france-info.com/spip.php...
Argl ! je suis fait ! j'avoue avoir une conception personnelle du satirique