Depuis quelque temps, je suis étonné par la forte pression qui circule dans certains milieux sociaux pour aller manifester le 13 janvier. Quel est le moteur, la source chaude, la source de légitimité aussi, pour tant de pression sociale ?

Bien sûr, on peut être pour ou contre ce projet, et vouloir manifester, pour ou contre (pour ce qui me concerne, j'ai donné mon avis il y a 4 mois, c'est bon). Mais pourquoi ce projet-là soulève-t-il avec tant de force, plutôt qu'un autre ?

C'est la question que je me pose avec "Baroque et fatigué"[1], blog que je viens de découvrir grâce à sa reprise sur rue69, h/t mr_matth sur twitter.

Mais ce qui m'a semblé le plus juste, c'est ce que j'ai lu hier soir dans "La nuit, les yeux ouverts" ; une citation de Daniel Sibony[2], à un autre propos, mais n'importe. Elle évoque

une épreuve précise, celle de voir le "différent" revenir au même, et celle de voir le "même" devenir différent. En effet, si les "autres" sont là (…) à vivre et jouir comme "autres", ça gêne peu ; mais s'ils se mettent à être comme vous, si leur mode d'être s'infiltre dans le vôtre — bref, si l'autre qu'ils sont revient au même, alors pour certains c'est l'angoisse, radicale, insurmontable, comme si leur avenir leur était confisqué.

Peut-être est-ce le fait de vivre un mariage mixte (par la couleur, qui n'est pas bleu-blanc-rose) qui m'immunise contre cette angoisse-là : le même n'a guère eu de place visible chez moi.

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J'ai reçu pour la 2ème fois ce soir, sur le parvis de Saint-Lazare, un tract de la "Manif pour tous". En gros caractères et avec point d'exclamation, il appelle à dire

Non au projet de loi "Mariage et adoption pour tous" !

En petits caractères et sans point d'exclamation, il appelle aussi à dire

Non à l'homophobie et à toute les formes de haine et de mépris

Voilà ce qui me rassure : derrière les affrontements apparents, chaque camp a cru devoir reprendre les thèmes et l'allure de l'autre. "Les cathos" manifestent en rose et ne brandissent surtout pas leur Bible, "les gays" arguent de l'intérêt de l'enfant et ne font surtout pas allusion à la moindre différence.

Ainsi peu à peu, dans le théâtre de la rue et des écrans, ceux qui partaient autres reviennent mêmes.

Notes

[1] Avec un commentaire, apparemment pas encore paru et que je n'ai pas sauvegardé.

[2] Dans Les trois monothéismes, Seuil 1992, p. 308.