On ramasse les corps en Côte, on compte les morts, et l'addition sinistre va monter. On compte les armes, lourdes et légères, dans les cours et les sous-sols du palais présidentiel. Où l'on voit que même l'orthographe est parfois malmenée.

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Et puis, il y a des chiffres qui disent qu'il faudra reconstruire l'entente nationale façon Aya de Yopougon.

Dans ce quartier "pro-Gbagbo", Yopougon, Alassane Ouattara avait tout de même obtenu 41,5%.

Dans le quartier "pro-Ouattara" d'Abobo, Laurent Gbagbo avait tout de même obtenu 41,2%.

Et ainsi de suite : 740 693 voix au second tour, dans le district d'Abidjan pour Laurent Gbagbo (51,90%) ; 686 427 voix pour Alassane Ouattara (48,10%)[1] [2].

Les raccourcis des médias nous suggéraient que les préférences étaient homogènes, les villes et les quartiers en guerre les uns contre les autres ?

Eh non, les gens qui se craignaient (et se craignent toujours), s'affrontaient, parfois se bombardaient, parfois se brûlaient vifs, ne vivaient pas des deux côtés d'un mur de Berlin. C'étaient des voisins.

Formons le voeu que la vérité et la justice soient le terreau de la réconciliation, après toutes ces années de crise, de fragilité et d'inquiétude.


Au passage, aux Blancs non-Ivoiriens qu'un livre un peu ancien et bavard n'effraie pas, je me permettrai de recommander vivement "Petits Blancs, vous serez tous mangés", de Jean Chatenet.

À qui découvrait, à l'occasion de cette crise, la politique africaine - et son côté tragique, celui de la politique tout court quand les institutions sont faibles - je recommanderai les ouvrages magnifiques d'Ahmadou Kourouma, de son grand classique, bref et léger, "Les soleils des indépendances" (malgré, déjà, l'ombre de la guerre civile et de la répression façon Houphouët-Boigny), au cours méthodique de politique que constitue "En attendant le vote des bêtes sauvages". On y trouvera, au détour d'un chemin de plantation, un portrait en creux, mais tout à fait épicé, d'Henri Konan Bédié, le "troisième homme" de la présidentielle, .

Notes

[1] Les résultats détaillés de tout le pays en PDF

[2] Post-scriptum, 28 avril : j'avais mentionné ces chiffres dans un commentaire sur le blog de Pierre Scherb, démentant au passage que Laurent Gbagbo ait obtenu 55% à Abidjan, comme l'affirmait un autre commentateur, "Deh". Ces chiffres - officiels et incontestés - ont été remplacés par un "..." par l'auteur du blog. J'ai déjà eu quelques commentaires coupés par des blogueurs ou médias sans doute gênés par les faits que je rappelais ; mais pour des chiffres, c'est la première fois. "Bravo", M. Scherb.