Olivier Berruyer fait le point sur les températures de novembre (chaud en France, froid en Roumanie)… occasion de reparler climat, grâce au lien qu'il donne vers une note de Bruno Rebelle.

Le bilan de Durban est très simple : rien de sérieux. Si les spécialistes ne s'en plaignent que modérément, disent que ce n'est pas si mal, c'est parce que ce résultat nul était déjà acquis après l'échec de Copenhague et de Cancun. Mais nous simples citoyens, ça devrait nous mettre en colère encore plus, ces échecs enchaînés, cette irresponsabilité mondiale organisée et actée sous les flonflons !

Nous voilà donc en route vers les +4/+5° de réchauffement global, c'est-à-dire, à vue de nez, +6/+7° pour les continents.

Aussi Bruno Rebelle appelle-t-il à

un réveil des forces citoyennes d’une rare ampleur pour inverser cette tendance et pour que les dirigeants, et les lobbys qui les pressent, comprennent qu’un autre chemin est ... le seul possible pour préserver le climat planétaire et relancer une dynamique économique ... Il nécessite ... une prise de responsabilité collective et individuelle, des consommateurs aux chefs d’entreprises, des citoyens aux responsables des grandes institutions, des électeurs aux chefs de gouvernements…

Merci à lui, mais cet espoir est désespérant. Si les décideurs, informés, aux manettes, sont incapables de faire quoi que ce soit, comment espérer que tout le monde sauve spontanément le climat, par une mobilisation citoyenne spontanée ? C'est espérer la naissance d'un nouveau modèle politique, une sorte d'anarchie caritative, où chacun, spontanément, ferait passer l'intérêt collectif avant le sien propre. Ça ne me semble pas un espoir crédible. Le bien commun est l'affaire de la collectivité.

Bien sûr, les pouvoirs politiques élus répondent aux attentes (ou à l'absence d'attentes) de leurs citoyens électeurs. Le "réveil des forces citoyennes" est donc indispensable pour arrêter l'emballement du climat planétaire. Mais pour se concrétiser, il lui faudra, je crois, la force contraignante de la loi. C'est-à-dire, concrètement, l'autorité des Etats. Lesquels devront s'appuyer sur le seul dispositif international contraignant disponible, celui de l'OMC. Comme le rappelle, d'ailleurs, Bruno Rebelle :

les seuls accords qui comptent vraiment en termes d’engagement sont ceux promulgués par l’OMC, parce que justement ils s’adossent à l’Organe de Règlement des Différends qui juge, émet des sanctions commerciales et veille à leur application.


Je saisis cette occasion de revenir à ma marotte : le cas crevette-tortue. Une petite affaire apparemment[1], mais qui était pour les juges de l'OMC l'occasion d'affirmer un principe essentiel, valable aussi pour la grande affaire qu'est le réchauffement climatique : il est légitime de restreindre les importations de produits qui, par leur mode de production, mettent la planète en danger.

Ainsi la "taxe carbone (ou taxe-GES) aux frontières de l'Europe" serait tout à fait conforme aux règles de l'OMC, à condition de s'appliquer aussi aux productions européennes.

Certains libéraux parleront de protectionnisme ? C'est l'inverse. Ce n'est pas une protection contre le commerce ou les échanges, c'est une protection contre l'injustice ou l'irresponsabilité dans les échanges. C'est en fin de compte une protection pour les échanges, une protection qui permet que le commerce devienne gagnant pour tous, et non perdant pour l'humanité.

En octobre, la Cour de Justice européenne a déclaré légal un plan de taxe carbone appliqué aux transports aériens, et applicable au 1er janvier 2012. Les Etats visés ont riposté. C'est de bonne guerre : ceux qui refusent d'agir à Durban n'aimeront pas y être contraints. Il faudra plus que de la bonne volonté pour avancer : de la force aussi.

Notes

[1] Les Etats-Unis ont le droit, affirme l'OMC, de refuser l'importation de crevettes pêchées en Thaïlande, car le filet qui y est utilisé par les pêcheurs met en danger une espèce protégée de tortues. Une espèce protégée est un bien commun de l'humanité. Il est légitime pour tout État de combattre, y compris par la fermeture des frontières, une technique de pêche qui, pour produire moins cher, consomme ce "capital" commun de l'humanité. La seule obligation qui pèse sur cet État, c'est de ne pas faire de discrimination : les États-Unis n'ont pas le droit d'interdire les crevettes thaïlandaises tout en acceptant celles d'autres pays qui feraient courir le même risque aux tortues. Voir le site de l'OMC.