Ils ont eu 5 ans pour remettre le pays d'aplomb. C'était facile : ils avaient le programme Bayrou sous la main, il est resté en ligne sur internet tout ce temps-là !
Au lieu de ça, ils ont défiscalisé leurs copains français ou qataris, franchisé les soins de santé, réduit les horaires de l'école primaire d'un neuvième, accordé un morceau de Géorgie à la Russie, déroulé le tapis rouge du 14 juillet aux pires dictateurs de la planète, capitulé devant Coyote, fait travailler le dimanche, et multiplié les sommets européens de la dernière chance sans autre résultat que l'explosion des pyramides de dette.
Et voilà que 4 semaines avant la présidentielle, ils se découvriraient "les mêmes idées que nous" ! Ce serait drôle, venant de gens moins distingués que MM. Fillon et Raffarin, ou Mme Kosciuszko-Morizet, sans parler de Mmes Boutin et Yade, M. Morin ou M. Borloo. Tristes contorsionnistes.
Jacques Chirac, entre les deux tours de je ne sais quelle élection, face au candidat battu qui voulait poser ses conditions, lui tendait une feuille blanche "écris ce que tu veux, je signe". En politique française, les engagements valent rarement le papier sur lequel ils ont été signés.
Georges Pompidou, entre les deux tours de la présidentielle de 1969, débattit à la radio avec Jacques Duhamel, le leader parlementaire du Centre : Pompidou accepta en direct toutes les demandes de Duhamel, et Duhamel le soutint pour le 2ème tour,… contre le candidat du Centre ! Deux ans plus tard, la majorité de droite débarquait brutalement le premier ministre réformiste Chaban-Delmas (et son conseiller Jacques Delors avec lui), et le "pompidolisme immobilier" vivait ses plus belles heures.
Pour ce qui est de "rouler dans la farine avant de faire frire" le Centre, Nicolas Sarkozy a eu là deux grands modèles. Arrivera-t-il à les dépasser ?
Les déclarations d'amour des proches de Nicolas Sarkozy[1] nous font le même effet que les déclarations de mépris de la gauche : nous encourager à continuer le combat pour le gagner.
Seule la volonté des Français, exprimée dans les urnes, permettra au Centre démocrate d’arrêter la course du pays vers sa ruine.
Quant aux engagements pris la main sur le coeur, par la gauche ou par la droite, je crois qu'on pourrait, dès le 20 heures après l'élection, en dire avec Shakespeare[2] ;-) :
Whither are they vanish’d ? Into the air ; and what seem’d corporal melted as breath into the wind.
Où se sont-elles évanouies[3] ? Dans l’air : et ce qui semblait avoir un corps s’est fondu — comme un souffle dans le vent…
Notes
[1] Ce billet est repris et augmenté d'une réponse à Guillaume Tabard, qui évoquait sur son blog des Echos "la danse du ventre effectuée par certains dirigeants UMP".
[2] Et malgré le louable attachement de SimplyLeft pour les programmes.
[3] Traduction ajoutée ce 10 avril 2012 grâce à wikisource.
On en mesure d'autant le mérite de Jean Arthuis qui pendant 4 ans a essayé de garder le lien entre le Nouveau Centre, les radicaux et le Modem, pour finir par soutenir Bayrou. Ce serait intéressant de savoir ce qu'il en pense.
En fait, si MM. Fillon et Raffarin, ou Mme Kosciuszko-Morizet ont les mêmes idées que François Bayrou, la porte est grande ouverte. Qu'ils quittent le coeur apaisé les libéraux, sécuritaires et bling-bling de l'UMP: Copé, Ciotti, Guéant, Buisson, Hortefeux et j'en passe. Je rappelle que l'UMP va (dixit le Canard Enchaîné, toujours bien informé) exploser en cas de défaite. Autant qu'ils partent maintenant.
On peut aussi se poser des questions sur Jean-Louis Bourlanges qui devrait jeter enfin son amertume à la rivière. Le reproche de populisme fait à Bayrou n'est pas pertinent quand Sarkozy drague l'électorat rouge-brun, villipende les corps intermédiaires, et que Hollande devient l'otage de Mélenchon. Un centre fort est nécessaire dans tous les cas.
Si on revient à l'analyse de la gueule de bois de Attali, il est probable qu'après l'élection de Hollande ou de Sarkozy, les législatives se passent bizarrement: majorité courte, bisbilles entre verts et rouges à gauche, abstention inédite. Puis une année 2013 catastrophique? On peut penser que le pouvoir sera lessivé aux régionales de 2014. L'occasion d'un changement d'alliance? d'un autre côté, un pouvoir Sarkozy-Guéant essayerait de se maintenir coute que coute ..
@ XS : tout à fait d'accord ; d'ailleurs les médias, qui venaient de reprocher à F. Bayrou son populisme, lui reprochent maintenant son élitisme. C'est vrai que si les journalistes eux-mêmes se plaignent, comme au Figaro ou à Libé, que leur journal roule en sens unique pour l'UMP ou le PS,… ils sont bien placés pour le savoir !
Sur le dernier paragraphe, ma foi, je n'en sais rien. La perspective de voir le PS ou l'UMP contrôler le pays est aussi angoissante que déprimante et réciproquement, et je préfère me concentrer sur l'espoir que la France fasse le choix de François Bayrou le 22 avril !
@ FLN
Je crois que toi, tu as senti un peu plus tôt que nous autres que les forces externes qui avaient porté Bayrou en 2007, et qui depuis lors avaient transité par les écolos, se portaient sur Mélenchon cette fois-ci.
Bon, pour le reste, s'il y a recomposition, tant mieux. Oui, la France a besoin d'un centre fort et d'une démocratie efficace et non manipulée, avec des pouvoirs judiciaire et médiatique indépendants.
J'espere, par cohérence, que si Bayrou n'arrive pas au second tour, il n'appelera pas à voter pour quelqu'un en particulier, et qu'il restera libre !