Est-ce que je rêve, ou est-ce que la crise financière fait bien avancer à grande vitesse le débat politique - et, excusez-moi de le penser, fait avancer à grande vitesse les solutions proposées depuis longtemps par les démocrates en général et François Bayrou en particulier ? Remet à grande vitesse au premier plan "le principe de responsabilité" ?
J'ai raconté ailleurs comment, pendant la campagne présidentielle, nous faisions le gros dos face aux offensives de divers groupes et lobbies, qui voulaient des engagements en faveur du crédit hypothécaire, "comme ce qu'a annoncé Nicolas Sarkozy". (selon qui les ménages français n'étaient pas assez endettés, les peureux !). On dirait que l'air du temps n'est plus à ces sornettes.
Nous nous étions battus contre la privatisation des autoroutes - j'y reviendrai un de ces jours quand j'aurai le temps de ressortir mes fichiers. La privatisation nous était vantée par la droite, et auparavant la gauche, comme un moyen de financer l'État tout en rendant ces entreprises plus productives… François Bayrou concluait : "Cette affaire concentre tous les visages du mal français : gestion imprévoyante, revirements constants, gaspillage, oubli de l'intérêt général pour le plus grand bénéfice d'intérêts privés, mépris du Parlement et désinvolture à l'égard de la loi. C'est une preuve de plus qu'il faut changer les choses en profondeur." Nous avons vu dans le monde bancaire les mêmes maux à l'échelle 10.
Le besoin de travailler à l'échelle européenne pour faire face à la volatilité des marchés financiers, François Bayrou l'évoquait dans son programme de campagne de 1999, Nicolas Sarkozy y vient, je ne m'en plaindrai pas !
Le site udf.org a malheureusement été mis hors ligne, mais peut-être retrouvera-t-on quelque part sur le web copie de nos travaux, dans les Commissions du Bureau politique de l'UDF, sur les régulations futures, en particulier le rôle futur du FMI, le rôle d'une éventuelle taxe Tobin et autres passionnants sujets. Les tartines actuelles sur le capitalisme qui ne vaut que par sa capacité à servir l'intérêt collectif, sur le besoin de moraliser, non seulement c'étaient des standards à l'UDF, mais… c'était ce que droite et gauche lui reprochaient - doctrine de bisounours nous disait-on, les marchés ne peuvent suivre que leur logique propre. Qu'il faille se féliciter de cette "destruction créatrice" (droite), ou s'en méfier et préférer l'État et les services publics (gauche).
Citée par un argumentaire anti-Bayrou du PS, je retrouve cette phrase de François Bayrou sur l'environnement : "Si nous laissons les choses aller selon leur propre logique, en prenant en compte uniquement les besoins immédiats, uniquement les marchés, uniquement les intérêts financiers de court terme, alors nous sommes certains d’aller dans le mur." (discours du 22 avril 2006)
Dès avant la crise financière, le sujet de l'environnement était une excellente jauge - un bon moyen de tester la solidité des argumentaires sur l'économie. Je garde un grand souvenir de l'intervention de l'économiste libéral Philippe Chalmin, spécialiste des matières premières et peu suspect d'angélisme, à un colloque de l'UDF :
"La main invisible du marché est efficiente, mais aveugle. Le pays où elle est la moins contestée est en même temps celui où la notion de solidarité, de communauté, est la plus forte (les Etats-Unis). L'économie de marché ne fonctionne que si on intègre en son cœur l'amour du prochain."
François Bayrou définissait à l'été 2007, dans la revue Commentaire, le projet démocrate :
"Quand la réussite personnelle se mesure seulement à l’aune de la réussite matérielle et financière, la société a changé de nature. Pour dire vrai, elle n’est plus société, association, vie en compagnonnage, elle devient collection de solitudes et de compétitions individuelles."
"L’économique ne devrait pas pouvoir se définir en dehors de l’écologique, comme il ne devrait pas pouvoir se définir en dehors du social, tant le principe de responsabilité devrait être reconnu comme déterminant."
"La défense et la promotion d’un tel projet sont en résistance à l’ordre naturel des choses, (aux) rapports de force. Seule la capacité politique peut, en ressaisissant le volant, faire dévier le rouleau compresseur …"
Voilà pourquoi le vote des députés sur "le Grenelle de l'environnement" me fait bien plaisir, par exemple la formulation, qui me semble très juste, sur les déchets :
Le coût "d’enlèvement des ordures ménagères (devra) intégrer, dans un délai de dix ans, une part variable pouvant prendre en compte le poids des déchets et leur nature."
C'est du droit à l'état gazeux - délai, variable, "pouvant" - mais ça donne une direction claire. Sur ce tout petit sujet. Il en reste d'autres !
Oui. C'est dans le chaos qu'on est le plus créatif.
... et on avait raison sur toute la ligne. La difficulté, maintenant, ça va être de le rappeler sans avoir l'attitude du "je vous l'avais bien dit".
eh oui Frédéric, tu as tout à fait raison.
Le problème est que c'est traditionnellement difficile d'être Schumpéteriens, car on est obligés de réfléchir.
D'autre doctrines sont tellement plus simples et réconfortantes ...
... jusqu'au mur.
@ Lisette : "sans avoir l'attitude du "je vous l'avais bien dit"." Moui moui… ça fait en fait assez longtemps que je fomente ce genre de billets sans oser les faire, juste pour cette raison. Et puis je me suis dit : basta, à chacun de se faire son opinion. On va bien rechercher les sottises passées des hommes politiques, pourquoi pas aussi leurs intuitions justes ?
... D'ailleurs on voit aussi, en creux, ce que nous démocrates n'avions PAS dit ! Sauf erreur de ma part, nous n'avions pas estimé, en tout cas publiquement, que la croissance récente des marchés financiers était une simple bulle spéculative. Et je crois que - comme les autres - nous en sommes encore au tout début, pour ce qui est de définir de "nouvelles régulations".
Parce que je ne crois nullement que le capitalisme soit "devenu fou" et qu'il lui suffise d'une aspirine, ni "devenu irresponsable" d'une injection de moraline. À mon avis, il n'a pas changé ; ce sont les technologies qu'il utilise, qui sont nouvelles (réseaux mondiaux / temps réel connectés aux paradis fiscaux et bancaires, maths financières, globalisation du marché). Et les sciences ne font pas marche arrière.
Bonjour Frédéric,
Pardon de ne lire ce billet qu'aujourd'hui mais je suis tout à fait d'accord avec ton analyse : ce sont les nouvelles technologies utilisées en finances qui faussent tout effectivement. Nous nous sommes piégés et il nous faut repartir sur ces nouvelles données. Inventer à partir de cet autre cahier des charges une autre façon de raisonner.
Amicalement.
Françoise