Les "dotations d'horaires", c'est-à-dire les effectifs d'enseignants, sont actuellement communiqués aux collèges, et l'aberration annoncée se confirme : dans les collèges du Val d'Oise, les effectifs de collégiens augmentent, les effectifs d'enseignants baissent.

Par quoi veut-on les remplacer ? Des vidéos de maths sur dailymotion ? de l'éducation civique sur YouTube ? Ce gouvernement a déjà inventé les samedis matin à la maison devant les dessins animés pour les élèves du primaire, que va-t-il trouver de génial pour les collégiens ?

Ça risque de secouer, dans le Val d'Oise comme en Essonne ou ailleurs.

Au collège Jean-Jacques Rousseau d'Argenteuil..., classé ZEP, le "supplément de dotation au titre de l'éducation prioritaire, qui ... permettait de faire du soutien en maths et en français, va pas­ser de 60 heures à 20 heures en deux ans"... (vousnousils, source AFP).

Et dans le même temps, les enseignants sont appelés à mettre en place le "socle commun" au collège. Avec quel temps, quels moyens ? Ou cela doit-il se faire aux dépens des cours, des classes, des programmes, des élèves ?

Si ce "socle commun" signifie : porter plus d'attention à chaque élève en retard par rapport au programme, trouver précisément quelles compétences ou connaissances lui manquent, et lui faire faire des exercices "de remédiation" correspondant à ces lacunes… je trouve ça plutôt bien. Ne faisons plus semblant de croire que tout le monde digère le même programme à la même vitesse ; ne renvoyons pas toute la responsabilité de l'Éducation nationale sur le seul élève incapable de suivre ou sur sa famille. Ça me semblerait une bonne chose qui s'inspirerait de ce qui se fait de mieux ailleurs, en Finlande par exemple. Et il y a urgence : les résultats des dernières évaluations PISA montrent qu'hélas, le retard de la France se creuse, et que l'enseignement est de plus en plus inégal et inégalitaire chez nous.

MAIS … cela suppose beaucoup de personnel et un effort spécifique, individualisé, hors heures de cours, auprès de ces élèves en difficulté.

Or le gouvernement fait l'inverse : il supprime les postes complémentaires dédiés aux élèves en difficulté, a réduit à plusieurs reprises les effectifs de surveillants ou autres personnes en renfort. Qui devra faire ce travail de "remédiation" sur le "socle commun" ? Si je comprends bien, les enseignants eux-mêmes, en particulier sur leurs heures de cours (si j'ai bien compris). Ne va-t-on pas aussi, par obsession d'égalité formelle, exiger que tous les enseignants notent tous les élèves sur les grilles très détaillées de "compétences acquises ou non acquises"… qui peuvent être utiles aux élèves en retard, ceux qui n'acquièrent pas les fameuses compétences dans le rythme normal du programme ?

Mettre une telle charge sur les enseignants en plus du travail normal de leurs classes, c'est enclencher un cercle vicieux : programmes non suivis, enseignement de niveau réduit, moins de temps pour préparer les cours ou noter les devoirs, au final, baisse de qualité de l'enseignement, et du niveau d'ensemble.

Il faut se rendre compte que les parents apprécient généralement la valeur d'une école pour leur enfant sur le niveau moyen de sortie des élèves (le % de réussite au brevet ou au bac…). Sacrifier le niveau des élèves moyens au profit de ceux plus en difficulté, c'est encourager les parents responsables à faire fuir leurs enfants, c'est renforcer la ségrégation scolaire, c'est concentrer encore plus les jeunes en difficulté dans des collèges de jeunes en difficulté … dont les enseignants eux-mêmes voudront fuir … Et les victimes seront, au final, ces jeunes en difficulté.

Il y a des élections dans 6 semaines, nous votons pour les Départements, autorités en charge des collèges : mobilisons-nous[1] avec un parti qui défend l'école, les élèves, les parents et les enseignants !

Notes

[1] L'Hérétique y a été également de deux billets, un sur le MoDem, un sur les effectifs d'enseignants.