(Il est vrai que personne ne me demande de le faire).

Je ne vais pas me voiler la face, j'ai du mal à prendre une position carrée sur le "voile intégral dans les lieux publics".

Et je sais pourquoi : parce que je ne suis pas du tout représentatif. Je m'attends donc à ce que la majorité ressente les choses différemment de moi. Je m'attends à ce que, pour la majorité des Français, se cacher le visage soit interdit dans les lieux publics. Je te vois, tu me vois, comme sur Pandora.

Je ne suis pas représentatif, parce que j'ai habité deux ans au Burkina Faso à la fin des années 80. Avec mes camarades volontaires en ONG, nous avions été très bien formés avant le départ. Formés à admettre a priori, devant chaque événement qui nous étonnerait, chaque coutume qui nous semblerait absurde, chaque comportement qui nous choquerait, formés à admettre a priori qu'il y a une bonne raison. Admettre que quelqu'un comme nous, placé dans la même situation, avec la même histoire, pourrait bien se comporter pareil.

En deux ans, j'ai calé 4 ou 5 fois dans l'application de ce principe. Je me suis dit "non, ça, ça ne peut pas. On ne verra jamais ça chez nous".

C'étaient... une grève des infirmières. Les vernis à ongles vert d'eau et bleu cyan. Et les femmes "wahhabites" voilées de la tête au pied, ombres noires sous le soleil de plomb.

Tout faux : on a eu les grèves des infirmières dès 1988, les vernis beurk ont suivi de près, et les silhouettes noires dans Argenteuil.

Je ne vais pas me voiler la face. Je ne vais même pas mettre de lunettes de soleil. Je déteste ça. Je regarde les gens dans les yeux et ils peuvent voir les miens. Je te vois, tu me vois, comme sur Pandora.