Ouï d'outre-Seine, entendu de la campagne argenteuillaise, le débat institutionnel sur le Grand Paris sonne à peu près comme ça
- Ossa binamen sadoc babally oracaf ouram.
- Bel-men.
- Il dit que vous alliez vite avec lui vous préparer pour la cérémonie, afin de voir ensuite votre fille, et de conclure le mariage.
- Tant de choses en deux mots ?
- Oui, la langue turque est comme cela, elle dit beaucoup en peu de paroles.
Il y a moyen de suivre : le blog "Paris est sa banlieue" de Jean-Paul Chapon chronique avec soin ces étranges fiançailles. Mais même là, j'ai du mal.
J’ai du mal à m’intéresser au feuilleton grand-parisien, comme à son cérémonial imité du Grand Turc.
Syndicat intercommunal ou pas ? Orbitale avec ou sans rails, à dix ou vingt kilomètres, développement économique un poil plus équilibré ou un brin plus concentré dans les schémas sur papier glacé ... mais de quoi on parle, là ?
On parle d'une agglomération menacée d'explosion sociale par la ségrégation croissante entre riches et pauvres - ou on parle de se faire plaisir en coupant un ruban pour dans vingt ans ?
Cette ségrégation, qui s'est manifestée en boucle sur nos écrans de télé en 2005, n'est ni un hasard ni un odieux complot ; c'est la conséquence logique des conditions sociales, économiques, techniques actuelles. Mais il se trouve que la ségrégation des habitants et des emplois appauvrit les espaces pauvres, et enrichit à ne savoir qu’en faire les communes et départements riches. Et cela amplifie encore la ségrégation (qui aura envie de s'installer dans des rues défoncées, d'envoyer ses enfants dans des écoles vieillotes, de payer des taxes locales qui s'envolent dans des villes surendettées ?). Et cela augmente les risques d'explosion.
Ce ne sont pas un métrocade ni un soutertrain qui changeront cela.
Ce qui permettra un développement durable de l'agglomération parisienne, du Grand Paris, c'est une répartition équitable des ressources fiscales entre communes, entre collectivités locales, fonction des services qu’elles ont à rendre aux termes de la loi, et donc indépendante des revenus des habitants.
Le reste serait, je crois, trompe l’oeil et faux-semblants®.
>Frédéric, merci pour le lien vers "Paris est sa banlieue". Je me permets du coup de reproduire les deux réponses que j'ai faite à la version Facebook de ta note ! (FB arrive parfois un peu trop à assécher le flux de commentaires de blogs à son profit
Tu n'y comprends rien ? tu as du mal à t'intéresser au feuilleton grand-parisien ? Peut-être parce que tu le regardes ou essayer de le regarder sans en être acteur toi même.
Bien sûr qu'un métro ne suffira pas à lutter contre la ségrégation qui s'aggrave dans l'agglomération, mais il peut déjà aider. Seulement il y a un véritable « hold-up » de la part du gouvernement à appeler « Grand-Paris », un projet qui est uniquement centré sur une ligne de transport desservant des zones de développement.
Quant à la répartition équitable des ressources fiscales que tu appelles , comment le faire sans établir un vrai Grand-Paris, c'est à dire mettre fin à l'émiettement égoïste actuel ?
Finalement, ce n'est pas si compliqué le Grand-Paris (sauf que tout le monde utilise le mot pour y mettre n'importe quoi et brouiller les pistes). Le Grand-Paris, c'est la volonté de créer une ville solidaire, unifiée, avec des institutions démocratiques fortes.
Argenteuil est déjà dans le Grand-Paris et son autonomie de décision est réduite à la portion congrue. Le problème du Grand-Paris (ou de Paris tout court) c'est qu'il existe et que personne n'accepte de le reconnaître à sa véritable dimension, en lui donnant des institutions adaptées à cette dimension. Et on continue avec l'émiettement des égoïsmes et une gestion aberrante.
Le machin de 6 millions d'habitants, comme tu appelles le Grand-Paris sur Facebook, n'est pas incompatible avec la démocratie, et ne l'est certainement pas plus que l'émiettement actuel, dans lequel chacun joue sa carte personnelle sans cohérence ni solidarité avec l'autre : pourtant des transports qui fonctionnent c'est au niveau du machin de 6 ou même 8 millions qu'il faudra les trouver et non pas d'Argenteuil, si ce n'est une navette locale. La solidarité fiscale, c'est au niveau du machin qu'il faudra l'établir, le rééquilibrage emplois-logements, c'est encore au niveau du machin qu'il se fera, etc. Mais le machin une fois de plus n'est pas incompatible avec le niveau local. Après tout la France est un grand machin de 60 millions d'habitants, et pas un monstre, sans parler de l'Europe. Et pour finir, c'est avec un machin démocratique qu'on évitera des dérives de république bananière comme Jean Sarkozy à la Défense.
Finalement, comprendre le Grand-Paris, ça demande aussi de s'engager dans un combat pour la démocratie et la solidarité dans la Ville, plus loin que son quartier
Merci pour ce commentaire et cette publication au-delà de facebook ! Je suis d'accord sur tout ça, bien sûr. A ceci près que si on raisonne à l'échelle de toute l'agglomération jusqu'à la grande couronne, à ce moment-là, la collectivité démocratiquement élue existe déjà, s'appelle la Région Ile-de-France et a déjà compétence pour l'aménagement, surtout si on fusionne région et départements.
Créer un nouvel organe spécial pour la ville risque surtout d'autoriser l'Etat à remettre la main sur la capitale, un tiers de siècle après le rétablissement, par Valéry Giscard d'Estaing, de la démocratie municipale à Paris. Ce serait une triste régression.
Pour l'égalité des ressources entre communes, on peut certainement imaginer qu'elle soit instaurée spécialement pour Paris, mais le problème est exactement le même en province. C'est l'injustice fiscale actuelle, et l'incapacité politique à la corriger, qui a suscité la création de ces usines à gaz, génératrices de surcoûts injustifiables, que sont de façon générale les communautés d'agglomération. Si la loi établissait des ressources équitables entre communes, les agglomérations seraient réellement consacrées à gérer les questions d'aménagement d'intérêt commun. Vrai aussi pour ... les départements et la Région d'Ile-de-France, je crois.