En attendant un billet construit sur ces élections européennes, voici un commentaire posté chez ours vert. Pour lui[1] :

Manipuler les chiffres pour tenter d’atténuer le succès électoral du FN est donc aussi efficace que de cacher la poussière sous le tapis.

(…) Ce parti n’est pas irréprochable, bien au contraire. Mais le "cordon sanitaire" a créé une frontière symbolique entre ceux qui ont le pouvoir et peuvent en abuser, et ceux qui ne l’ont pas… et sont donc présumés irréprochables.

(…) Il en va de même quand années après années des partis ne tenant pas leurs promesses succèdent à d’autres partis qui ne les tiennent pas non plus. La déception conduit à l’abstention, la rancœur au vote FN.

(…) Pour comprendre (…), il faut d’abord sortir de Paris et des centres-villes des grandes métropoles (ou "idéopoles"), véritables OVNI politiques…

L’époque est au "rayonnement" des grandes métropoles, sous prétexte de Mondialisation. Mais sur quoi rayonnent-elles aujourd’hui ? Sur des quartiers en relégation et des périphéries qui se désintègrent. La concentration des moyens financiers sur les cœurs de métropoles n’est pas un fantasme, et elle sera encore renforcée avec la loi de métropolisation. (…)

Pour couronner le tout, on redécoupe leurs cantons, on les raye de la carte, on joue avec une paire de ciseaux sans se soucier des communautés que l’on découpe. Et maintenant on s’attaque aux départements, aux régions. On les fait disparaître. (…)

C’est toute cette France périphérique des petits propriétaires, des courées, des pavillons de banlieue qui a été trahie, et qui décroche. (…) Aujourd’hui, ils sont devenus prisonniers de leur maison après s’être saignés pour l’acquérir. Leur rêve est devenu un cauchemar.

(…) Cette ascension du Front national nous tétanise autant que l’évolution du monde tétanise légitimement les électeurs FN, et de nombreux abstentionnistes. Que valent nos convictions (…) ?

La première des urgences, c’est de sortir de la stigmatisation des électeurs frontistes, de cesser de les qualifier de fascistes, d’idiots ou de beaufs. D’en finir avec les grands discours de soirées électorales où l’on se lamente d’en revenir aux "heures les plus sombres de l’Histoire" dès que le FN fait score à deux chiffres. Chaque cri d’orfraie est un argument pour le FN. Les "intellectuels", "éditorialistes" et autres donneurs de leçon sont du pain béni pour ce parti, tant ils renforcent la frontière entre les élites et les habitants des territoires en déclassement, entre les "bobos parisiens" et les "invisibles" comme aime à le répéter Marine Le Pen.

(…) Ecouter, rencontrer, rétablir le dialogue, c’est la priorité. Pour sortir de la confrontation du front contre front, modèle contre modèle, fascistes contre antifascistes. L’insulte n’a jamais convaincu personne, la violence n’a jamais permis la paix. (…)

L’ouverture que nous prônons, appliquons la à notre manière de faire de la politique, en allant vers l’autre, en rétablissant le dialogue (…)

Ce changement sur la forme doit s’accompagner bien sûr d’une révolution idéologique (…) pour donner du corps à ce qui est encore aujourd’hui une coquille vide : l’égalité des territoires. Sinon dans quelques années, la gauche, écologistes compris, sera à 60% dans les centres-villes des idéopôles, à 10% ailleurs et le FN sera majoritaire. La France sera alors menacée de désintégration, et nous serons réduits à la contemplation.

Ça me rappelle une enquête comparant la situation des gens dans les régions françaises, enquête à laquelle j'ai participé, vers 2010. On avait notamment un % par région sur le bilan de la crise récente : était-elle, selon les répondants, vraiment différente de la situation des années précédentes.

J'ai utilisé le résultat comme "quizz" auprès de quelques amis travaillant de près ou de loin dans les études d'opinion ou le marketing : 'selon vous, dans quelle région les habitants mesurent-ils le plus la gravité de la crise depuis 2008 ?' Chacun de mes interlocuteurs a proposé : "l'Ile-de-France ?". Or l'Ile-de-France était au contraire la seule région dont la majorité des interviewés répondait, à l'inverse, que la situation depuis 2008 était du même ordre que les années antérieures.

Ma petite conclusion : rien de surprenant si les dirigeants "parisiens" de grandes entreprises et de partis (UMP, PS, FdG, EELV…) tiennent le même discours qu'avant 2008, en espérant que ce discours marche toujours, peu ou prou. Sans doute croient-ils sincèrement que la situation est à peu près la même. Rien de surprenant si beaucoup d'électrices et d'électeurs se disent, en entendant Mme Le Pen "il y en a au moins une qui se rend compte qu'il y a un problème".

C'est dur pour des leaders, même pour des simples militants, de se mettre à l'écoute de ceux, parmi les citoyens, qui votent pour le parti à l'exact opposé des valeurs que nous défendons. De se mettre à leur écoute franchement, c'est-à-dire, en partant du principe qu'ils ont quelque chose à nous apprendre.

J'ai senti cette difficulté au MoDem après les cantonales de 2011 où déjà le FN avait fait un tabac. La tentation est grande de se réfugier sur la majorité, même petite et décroissante, des gens qui votent encore pour les partis "raisonnables". La tentation est grande de se limiter à faire la morale aux électeurs qui votent mal (j'entends France Inter, c'est ça en quasi continu depuis quelques jours).

Il faudrait pourtant commencer par reconnaître que les politiques menées depuis plus de 20 ans n'ont rien apporté de sérieux au pays. Par reconnaître que la com' et l'attente d'un rebond de la conjoncture mondiale, ne sont pas des substituts efficaces à l'action politique. Par constater que les décisions de 1944-45, de 1958, de 1968-71, de 1976-79, par exemple, étaient d'une autre trempe, d'une autre efficacité, d'un autre niveau. Et que c'est de politiques de cette ampleur, que nous avons besoin aujourd'hui.

Mes 2 centimes ;-)

Notes

[1] Cette longue citation est largement coupée et biaise son propos, qui est d'abord celui militant Vert, j'invite à lire le billet complet !