Une pile haute comme ça de choses à faire, de mails à répondre, de boulot en retard, de personnes à rappeler. Mais on est dimanche et jour de fête, la patronne a mis un rôti au four, au lieu de bosser, pourquoi pas un détour buissonnier sur le net ? Une fois vidé le lave-vaisselle et étendu le linge, s'entend.
Sur mon vélo ou en courant par les bois et les rues, souvent je fomente des mots, je prends des photos, matière à bloguer. Je n'ai pas le talent de veuve Tarquine : aussitôt rentré, au lieu de faire ces billets pour de bon, je passe à autre chose. Cette fois-ci je me suis promis de concrétiser. Parce qu'il y a du changement sur les buttes du Parisis.
La ferme de Mainville a fermé, m'avait-on dit. Je n'avais suivi que de loin ses péripéties. Je l'ai longée ce matin en allant vers la plaine d'Argenteuil, et hélas c'est vrai : plus de chameaux, plus de lamas, plus de poneys, plus de fête du cheval. Son bric-à-brac est devenu friche menacée par les moto-cross.
On a ouvert la cage aux oiseaux, les stalles des chevaux n'ont plus de toit. Une "fonte des neiges" comme en peignait jadis Hélène Roy. Un gâchis où je peine à trouver les germes du printemps.
Au retour des hauts de Cormeilles, j'ai fait un détour par un endroit étrange, repéré il y a quelques années : un petit réseau de routes goudronnées clos, sans construction, entre Sannois et Franconville. Peut-être les restes d'un hébergement d'urgence, fin des années 60 ? plus tard ?
En y arrivant, surprise : un chantier de terrassement.
Je me dis : au retour, vite, aller sur Google Maps prendre une photo souvenir.
Et puis, en faisant le tour du chantier, je retrouve un bout des rues d'hier. .
Et un panneau - bonheur de la transparence démocratique ! - explique le terrassement : ce ne sera pas une cité d'urgence, pas un terrain d'accueil pour gens du voyage, pas une unité psychiatrique, non, entre forêt et autoroute, ce sera un "établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes". Pour la peine, je refais un tour des bois, ça me fera mon heure et quart de sortie.
Voilà : je vous parle de gens, de la façon dont notre société marche, notre économie, notre démocratie, notre environnement,... et pourtant, ce que j'ai de mieux à vous montrer, ce sont des photos avec personne dessus, des routes barrées, des bâtiments provisoires ou cassés, des travaux. Un monde qui naît sans se montrer. Une gestation cachée, heurtée.
Je me suis dit que ça résumait bien mon travail. À chaque rentrée scolaire, mes enfants ont besoin de savoir qu'écrire en face de "profession du père", et j'hésite. Un médecin du travail jeudi 26 à Capinghem, une amie vendredi dernier à l'INRIA, m'ont donné, sans le savoir, le mot : je suis évaluateur.
Ce mot, je l'utilisais déjà pour expliquer mon activité auprès des pouvoirs publics. Mais, je m'en rends compte, il décrit bien tout mon travail, y compris en marketing, en RH, en modélisation statistique, en analyse du web 2.0, en mesure de satisfaction, en audit de systèmes d'information, en méthodologie d'enquêtes.
Évaluer : mener l'enquête, trouver les indices et indicateurs multiples, croisés, des chiffres, des images, des faits, qui vont permettre de parler des gens et des sociétés. Qui vont révéler des potentiels, des points forts, des opportunités. Trouver dans les réalités d'aujourd'hui des promesses pour demain.
Et puis, comme le Petit Prince s'en va une fois le puits trouvé et l'avion réparé, passer le bébé à ceux qui sauront le faire grandir. Lâcher prise quand il faut mettre la pâte dans le pétrin. La conduite du changement, la vente, l'organisation, la gestion, le portage de projets, ce sont d'autres métiers, d'autres talents.
Je regarde, je crois, les grands patrons et les employés, les petites ONG et les multinationales, avec le regard qu'on a sur les nouveaux-nés. Tant pis si ce n'est pas conforme aux leçons d'analyse transactionnelle, tant pis si souvent, cela m'exclut des jeux des Grands, des jeux de pouvoir.
Déjà faire sourcier, ce n'est pas mal, trouver l'eau ; et après c'est le travail du puisatier. À lui bien sûr le gros des contrats, l'inauguration, les photos et les interviews. Le sourcier, poor lonesome cowboy, est depuis longtemps sur d'autres sentiers, mais l'eau coule.
Ce dimanche matin, la messe télévisée était dans la paroisse d'un de mes frères, et un autre frère était sur place dans la production de l'émission. Que j'ai donc regardée. Surprise, le sermon était dit par un camarade que j'apprécie, par ailleurs "au gouvernement". Il a parlé de la Transfiguration ; il a commencé par évoquer ces moments de la vie où nous voyons un de nos proches, dans une situation nouvelle, se révéler, "transfiguré".
Quand est-ce que quelqu'un m'a fait cet effet, à moi, évaluateur de potentiels humains ? C'était il y a sept ans en voyant cette photo de ma fille. Alors je l'ai utilisée comme faire-part. Quand on a célébré le baptême, ça a un peu embêté le prêtre que je lui demande de prendre, comme Évangile, celui de la Transfiguration (j'étais bien le premier à le choisir, en x centaines de baptêmes).
Mais je n'allais pas vous laisser sous la grisaille vide, entre préfabriqués démolis et terrassements à l'arrêt.
Lumière !
Je ne l'ai pas cité dans le billet, mais il est sur l'image, et je crois en avoir gardé la tonalité - je l'ajouterais donc volontiers dans le lecteur deezer "Airs du blog" - mais "Caterpillar" d'Alain Souchon n'est malheureusement pas disponible sur deezer.
Bonjour Frédéric,
Quelques mots seulement pour saluer ton originalité. Car tu es bien le seul à "oser" parler de toi jusqu'à la "transfiguration" ! Je m'incline devant ton talent !
Comme tu as parlé de l'analyse transactionnelle, j'ai trouvé à l'instant un site qui explique en quelques mots simples les "attitudes (d'écoute) de Porter". Bien fait aussi me semble-t-il. Je te mets le lien.
http://www.communicationorale.com/p...
Amitiés.
woops !!! merci merci pour cette intervention ! qui me permet de corriger la phrase, qui évidemment prêtait à contresens. (Donc, correction faite, c'est la phrase qui commence maintenant par "Quand est-ce", en fin de billet).
Le lien vers Porter montre bien en quoi l'évaluation n'est pas une attitude de dialogue (mais bien de recueil d'information, à travers le dialogue ou autrement). Je ne suis sans doute pas très doué pour le dialogue
Cependant je crois très important de distinguer l'évaluation des systèmes sociaux / économiques / environnementaux (mon métier, en gros), de l'évaluation des personnes - dont il s'agit dans le lien que tu donnes, et que je n'ai jamais pratiqué, en tout cas professionnellement ! Par exemple ma récente mission en RH pour l'UNESCO, comme participant à une équipe franco-canadienne, portait sur l'évaluation et l'amélioration de la politique et des méthodes de recrutement de cadres.
Frédéric, tu as une énorme qualité qu'il faut te reconnaître, c'est que tu es capable sans cesse de te remettre en cause (sauf sur un point qui est de ne pas convenir avec moi que tous les départements n'ont pas une démocratie interne correcte tel le tien...).
Tu as un souci d'amélioration continue qui tourne même à l'auto-"flagellation" (ah ah, bien amené non ?) puisque mon allusion à la "transfiguration" n'était pas un reproche, bien au contraire.
Oui les attitudes de Porter sont intéressantes à "se garder" en mémoire. Quelquefois, croyant bien faire, nous coupons carrément le vrai dialogue.
Les "interrogatoires" les plus justes sont ceux qui se font sous forme d'interview semi-directifs. C'est à dire que les questions sont ouvertes (pas de yes/no) et l'entretien se déroule avec une simple écoute chaleureuse sous "pensée nuancée". La pensée nuancée amène un plus, puisqu'elle permet de ne pas dire ses propres convictions mais encourage l'interlocuteur à être sincère. Il suffit pour cela de recevoir chaque phrase de l'interlocuteur comme "vraie". Et après seulement l'on peut comprendre, en cherchant le vrai contexte, la "vérité" des dires et des faits.
Chacun a sa vérité n'est ce pas ?!
Toi tu penses que les élections internes ne sont pas à refaire parce que tout se passe bien dans ton entourage : et tu vois effectivement les points forts...
Moi je vois les fautes graves qui ont eu lieu dans certains départements, dans certaines grandes villes : je vois les points faibles. Cela m'affecte terriblement et je suis convaincue que "refaire toutes les élections en interne" seraient l'unique solution.
Dis-moi qui en a peur finalement ?!
1) Ceux qui savent ne pas être en accord avec les principes qu'ils prônent eux-mêmes.
2) Et ceux qui, comme toi, ne voient pas suffisamment le mal
Tu vois, chacun "sa vérité". Je respecte la tienne et je sais que tu en fais autant.
Bonsoir Françoise et merci pour ce développement ! Tout à fait d'accord sur l'utilité des entretiens semi-directifs (seul leur nom est désagréable : je les appellerais bien entretiens ouverts ciblés).
Sur le sujet politique, précision, je n'ai aucun avis sur l'utilité de refaire ou non des élections internes ; je n'ai pas du tout de vision nationale de ce qui se passe. Je t'ai juste précisé que dans mon département, personne ne conteste les résultats de ces élections (bien qu'il y ait eu une campagne mouvementée), si bien que ce serait donc plutôt un facteur de découragement des militants, et de division des équipes, si on devait faire une nouvelle campagne interne. Pour les 99 autres départements, je n'en sais rien ! Nous sommes donc bien d'accord sur ta conclusion
salut fred,
je suis toute retournée tant ton texte/article est emprunt d'humanité, d'humanisme même...
et je ne peux que saisir mon clavier et bafouiller un sommaire commentaire :
qd on voit ce qu'un évaluateur qui jogg est capable de dire, j'aurai aussi envie d'ê évaluatrice qui jogg !!! je ne suis que la moitié de ça, le reste est moins reluisant ; mais après tout, on est maitre de sa vie, non ? à moi de la faire briller : trouver un boulot ce serait chouette ; mais en même temps si je bossais, je ne serais pas tombée sur ton blog... alors finalement, encore une preuve que tte situation est bonne à prendre et présente toujours des points positifs.
A + le frère-joggeur-humaniste-époux- papa-argenteuillais -évaluateur (ds l'ordre)
clo
En tant qu'évaluateur et vrai frère, je détecte un potentiel infiniment supérieur à l'auto-évaluation. Il va falloir une méthodologie de pointe pour réconcilier les estimations.
Bises !
transfiguréé, vous voulez dire, la descente de l'esprit saint en soi par le haut de la tête et jusqu'au creux du ventre, courir par delà toutes les pièces de sa maison et crier "je suis sauvée", avoir les yeux qui brûlent tellement ils sont illuminés, sentir jésus niché au creux de vous et tout son amour sur chaque regard croisé, chaque chose observée, être à 3 cm du sol, regarder tout autour de soi et se dire c'est le paradis ici, se sentir attachée au ciel par un fil au milieu du front, prier avec d'autres âmes plus belles que la mienne... 7 jours de bonheur infini car vous aimez comme dieu nous aime et puis plus rien?je voudrai partager cette expérience avec d'autres, comprendre le pourquoi cette grâce. indiquez-moi s'il vous plaît un site sur lequel je puisse communiquer en direct avec des personnes qui ont vécu la même chose que moi. merci. myriam
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