L'Hérétique évoque "un prof de philosophie qui n'en peut plus du bavardage à l'école. Épuisé par des coupures de parole incessantes il a pris le parti de procéder à l'ancienne, punitions et exclusions de cours."
Je ne comprends pas "à l'ancienne". Pour quelle étrange raison "nouveauté" devrait-elle rimer avec "désordre" et "ancienneté" avec "attention" (ou avec "sanction") ?
Les cours de l'époque carolingienne ou féodale étaient marqués par la rivalité entre élèves (fortunés) et précepteurs ("sachants" mais pauvres), voire la rivalité de rang entre élèves, la concurrence des multiples occupations du dehors, qui rendaient chaotique la progression intellectuelle.
La classe de niveau, avec des élèves attentifs à un cours préparé par l'enseignant, est une invention moderne. Qu'est-ce qui nous obligerait à revenir à l'âge des châteaux-forts ?
Un ami-facebook, qui est aussi un de mes anciens professeurs, estime que la clé de l'élection de 2012, c'est l'Éducation Nationale :
Cette histoire d'éducation nationale est centrale dans le malaise français... et n'évoquons pas les "banlieues".
Il est tout à fait possible d'avoir des Louis Le Grand ou Henri IV dans toutes les villes de France. Bouleversement des habitus, profs libérés des servitudes stupides de l'Inspection générale, "rétablissement" des contenus fondamentaux,... changement radical des rythmes scolaires sur le modèle de (l') Allemagne… disparition des concours, pour remplacer ce (mode de) recrutement (des enseignants) unique dans le monde… Celui qui osera réglera en même temps le problème de l'insécurité !
Ce n'est pas si compliqué.
Il suffit de croire dans sinon dans sa vocation au moins dans son rôle de "maître", à tous les niveaux. Et que les "élèves" sachent se lever quand le maître entre faire sa classe. Un peu d'uniforme pour supprimer le désordre vestimentaire, un peu d'ordre pour interdire le désordre.
Je constate en effet qu'à quelques minutes de voiture de chez moi, un établissement privé sous contrat pratique le blazer cravate, et les familles du 95 sont si nombreuses à vouloir y envoyer leur enfants que les files d'attentes s'allongent, et nous sommes en 2012. Dans les établissements publics de Martinique ou de la Réunion, les élèves sont en uniforme, et ils sont aussi en 2012 que nous.
Je ne suis pas pour autant partisan de l'uniforme ; j'ai trouvé traumatisante ma première journée en uniforme (à l'âge de 18 ans), et n'ai pas spécialement envie de l'imposer aux autres.
Mais ce dont je suis sûr, c'est que l'ordre est nécessaire pour une classe efficace et une progression harmonieuse des élèves.
Tolérer en classe le bavardage permanent, le manque de respect, le travail non fait, tolérer l'absentéisme, ce n'est pas, de la part de l'Éducation Nationale, se montrer moderne, c'est se montrer démissionnaire.
P.-S. 29 janvier : Voir aussi le billet de mazzhe en réaction à un article de J.-P. Brighelli.
Mais non voyons : tu ne comprends pas ! le bavardage, en fait, c'est de la communication. Ils communiquent.
Je ne vois pas ce que viennent les rythmes scolaires et encore moins la suppression des concours.
Lorsque je répercute dans ma Revue, c'est que je suis en phase ; c'est dans le cas contraire que j'accompagne d'un mot. Que vous dire d'autre, Frédéric ? Lorsque je recevais instituteurs et leurs élèves dans mes ateliers informatique ; nous parlions déjà des fondamentaux ; mais, déjà, la mode était à la pédagogie du projet puis au de moins en moins de culture générale. J'en passe. Alors, mon avis ; je pense que, lors, vous le cernez plus ! ...
@ l'hérétique : rythmes scolaires, un vaste sujet auquel tu as consacré des billets, moi pas (ou peu). Citant l'auteur de ces propos, j'ai mis, en résumé, l'ensemble de qu'il proposait.
@ Olivier SC : merci. Et votre commentaire invite à avancer d'un pas, à faire la synthèse entre la pédagogie "des classes de niveau", rappelée dans mon billet, et les pédagogies dites nouvelles même si elles remontent au moins à Rabelais — pédagogie du projet, de la collaboration, de l'expérience, "centrée sur l'apprenant"... Pour moi la clé est là : avoir les deux à la fois, et non prétendre remplacer l'une par l'autre.
@ux deux : justement, via Facebook, mon interlocuteur apporte un complément qui me semble aller dans ce sens :
"J'ai oublié l'enseignement de l'histoire. (...) Bien sûr, je suis pour une base chronologique — sans revenir à Lavisse pour autant — et au recours aux avancées de l'Ecole des annales ensuite. Le fameux débat sur l'identité nationale en eût été facilité.
Reste, dans le domaine des mentalités et des formatages d'opinion (voire d'"illustration" programmée de l'Histoire au nom de "devoirs de mémoire" fortement stéréotypés), le problème d'une initiation à la maîtrise des messages audio-visuels.
Quand j'observe ce qui se passe" (suit un exemple), "je suis terrifié. Pas un pas conceptuel dans ce domaine depuis 30 ans ! Et les vedettes médiatiques intronisées comme philosophes, maîtres-penseurs, politologues..."
Dire que l'école est démissionnaire n'apporte malheureusement rien, les solutions d'hier n'auront que peu de prise sur ce qui est en train d'être validé par toutes les études scientifiques sur le comportement.
Les scientifiques des neurosciences tirent la sonnette d'alarme depuis longtemps, les capacités d'attention sont amenuisées par un accaparement sens cesse croissant de notre cerveau pas des distractions de notre attention intrinsèque, celle qui mobilise notre motivation personnelle à suivre un raisonnement, à être attentif à une consigne, etc. Les ennemis sont identifiés, il s'agit des écrans de télé, internet, les smartphones, les tablettes, etc. Les conséquences sont minimisées et sous-estimées. On arrive à la situation intenable pour l'enseignant de devoir faire passer des contenus qui ne sont plus digestes pour des cerveaux gavés par une sur-stimulation exogène (multipliée par 2 en 10 ans) concurrents à des savoirs et des savoirs-êtres qui sont déjà totalement étrangers à la culture au sein de la plupart des familles, aux attentes d'une société qui ne sait par ailleurs plus ce qu'elle souhaite pour le devenir de ses enfants entre un citoyen autonome, pensant par soi-même et un consommateur docile et malléable.
Je reconnais toutefois que l'inspiration des méthodes "anciennes" d'éducation peut apporter des éléments de solution aux problèmes éducatifs à condition de ne pas replonger dans les erreurs du dirigisme et du savoir descendant, mais il y a une nouvelle forme d'enseignement à inventer qui doit passer par une maîtrise des nouvelles technologies et de l'apprentissage de la distanciation par la maîtrise de soi face à ces sollicitations. Mais l'efficacité de ces nouvelles méthodes ne pourra faire l'économie d'une politique de santé publique contraignante afin de préserver l’environnement visuel et auditif de nos enfants.
Je me permets de vous faire partager ci-dessous un billet que j'ai écrit pour un autre blog :
"Les scientifiques viennent d'identifier une substance que nous ingurgitons tous, en plus ou moins grande quantité, tout les jours, et qui accroit de façon significative le risque de développer la maladie d'Alzheimer. Elle aurait une influence notable sur l'apparition des maladies cardio-vasculaires mais aussi sur les capacités d'apprentissage de nos enfants et sur la qualité du sommeil. Fait plus inquiétant, des études ont démontré leur influence sur le comportement en induisant des attitudes violentes.
Heureusement, les instances de veilles sanitaires sont en train de prendre les mesures nécessaires, le gouvernement est à pied d’œuvre, tous les Ministres ont prématurément écourté leurs vacances et le Président en personne prépare une allocution à la...
Si vous lisez ces lignes, c'est que vous n'êtes pas devant un écran de télévision. Grand bien vous fasse, car la substance dont il est question n'existe pas, il s'agit en fait des effets délétères décrits par des études de l'INSERM de Lyon concernant l'exposition au média télévisuel.
On y apprend :
que chaque heure quotidienne passée devant le petit écran entre 40 et 60 ans augmente de 1/3 le risque de développer la maladie d'Alzheimer après 60 ans,
que chaque heure d'exposition quotidienne de 5 à 11 ans augmente de 40% la probabilité de ne pas avoir de diplôme à l'âge adulte,
que passer 4 heures devant la télévision vous rend 2 fois plus vulnérables aux maladies cardio-vasculaires que si vous en passiez que 2.
que la télévision perturberait la qualité du sommeil, la capacité d'apprentissage et les performances cognitives des enfants,
qu'elle favoriserait les conduites à risque concernant les substances prohibées et les comportements sexuels.
Rien d'étonnant alors que ces études ne fassent pas la Une des journaux télévisés. Le traitement des informations semble irrémédiablement disproportionné et orienté. Cela me fait d'autant plus froid dans le dos que notre Président se dit télé-phage.
Émettons l'hypothèse que ces études ne se trompent qu'à moitié, est-ce vraiment le temps de mettre en cause le système éducatif, les rythmes scolaires ? C'est comme si on me diagnostiquait un cancer et que l'on me disait que l'urgence était de traiter ma calvitie avant la chimio.
Ce soir j’éteins la télé et je me tricote une perruque... "
Argumentaire issu de Cerveau & Psycho mai – juin 2011 – Michel DESMURGET Directeur de recherche à l'INSERM de Lyon.
@J. LURIE : je suis bien d'accord avec toi sur le fait que l'environnement et la culture familiale sont le terreau de ce qui se vit à l'école. Sans aide de la famille, l'école ne peut rien... (et bien qu'on veuille parfois croire ou nous faire croire l'inverse, pour moi l'inverse est faux.)
Point d'incompréhension si je peux me permettre : cela nous renvois pour moi sur une politique familiale et pas une politique de santé publique ? qu'en penses-tu...? (si on ne restreint pas les résultats de la politique familiale à un nombre d'enfants par femme comme l'a fait notre cher président dimanche soir...)
Quant à l'apport des méthodes "anciennes" d'éducation, elles ont à mes yeux l'avantage de structurer les choses, ce qui manque justement dans les différents médias cités. Ce qu'il faut réinventer comme tu le suggères si j'ai bien compris, c'est de faire disparaître le côté autoritaire de ces méthodes qui ne responsabilise pas le jeune (mais ça se discute tout de même), et justement la "déresponsabilisation" est aussi un des défauts de ces fameux médias.
En effet, je parle bien de santé publique, car c'est bien des conséquences physiologiques et psychologiques qui sont mesurées par les études notamment de l'INSERM. Mais tu as raison, cela ne sera efficace que doublé d'une politique familiale. Mais, une chose est sûre, les programmes pour enfants du matin avant d'aller à l'école devraient être interdits.
Concernant les méthodes d'éducation, ce qu'il faut mobiliser dans l'approche des apprentissages, ce sont les mises en situation de travail qui passent par une discipline quotidienne et des rituels amènant à la focalisation de l'attention. Les méthodes "anciennes" avaient peut-être juste dans cette approche.
Les règles de bonne conduite si elles sont bien expliquées et argumentées, voire élaborées avec les enfants, et surtout justifiées, aident l'enfant à se structurer dans un environnement sécurisant. Les enfants sans repères, à qui on a pas fixé les limites, sont souvent les plus anxieux, les plus déstructurés.
Les écueils d'une certaine éducation à "l'ancienne" n'étaient à mon avis pas un problème de cadre mais de méthode et d'approche : elle eut le défaut de fonctionner sur le mode vexatoire à partir d'évaluation contrôlante. L'enjeu en pédagogie est de faire comprendre l'importance d'une évaluation informative (qui peut passer par des notes), mais surtout, de mobiliser la motivation intrinsèque, l'enfant a besoin de se sentir compétent, il faut l'aider à faire des choix. La carotte et le bâton ne mobilise que la motivation extrinsèque et ce au détriment du plaisir d'apprendre.
En tout état de cause, il faudra mobiliser toutes les bonnes volontés et aider les familles à dédramatiser et faire baisser la pression des attentes sur les résultats scolaires qui sont de plus en plus déstabilisantes pour les enfants. Les objectifs de 80% de bacheliers vus par CHEVENEMENT, puis JOSPIN, ont induit une pression sur les études générales et les parcours longs, et ce au détriment des filières techniques et professionnelles qui elles peuvent avoir un fort potentiel de retour sur la motivation intrinsèque des enfants. Quand on réalise quelque-chose, on se réalise quelque-part... On en serait peut-être d'ailleurs pas là où nous en sommes sur une certaine forme de compétitivité industrielle dans notre pays, mais cela est un autre débat.
Dire que l'Education Nationale est démissionnaire devant les comportements pertubateurs de certains élèves, c'est un fait avéré. Mais le problème, est pour moi plutôt un problème de société qu'un problème d'institutions. De nombreux parents ont démissionné devant leurs enfants. On ne peut pas exiger de la rigueur en classe si par ailleurs, on n'impose plus de règles non négociables. En effet, certains parents passent leur temps à négocier avec leurs enfants. Quand j'étais enfant, mon père me répétait souvent quand il était lui même enfant et qu'il prenait une gifle par son instituteur pour chahut, il ne s'en plaignait surtout pas à mes grands parents de peur d'en prendre une seconde. Un professeur qui gifle maintenant un élève, au mieux, il est muté par sa hiérarchie après une pétition de parents, au pire une plainte au pénal est déposée contre lui. Sans brutalité excessive, une gifle peut être "éducative".