J'ai fini hier de lire "Conversations entre adultes, dans les coulisses secrètes de l'Europe", le récit par Yanis Varoufakis de ses cinq mois comme ministre des Finances de la Grèce[1].
« Parmi les meilleurs mémoires politiques de tous les temps », était-il écrit sur le bandeau de l'éditeur, citant The Guardian.
C'est certainement le cas. Je recommande ce livre au même niveau que la biographie de Steve Jobs par Walter Isaacson, et pour la même raison : vous voyez soudain l'intérieur de ces belles mécaniques qui font l'actualité. Comment ça marche, qu'est-ce qui décide de quoi. La Silicon Valley. L'Europe économique et financière.
Un récit personnel n'est certes pas objectif, comme le rappelle brent ici. Mais c'est une grosse part de vérité. Varoufakis a enregistré toutes ses conversations. Par prudence ; et aussi parce qu'il était conscient de vivre de l'Histoire. Par endroits, je suis peiné pour les personnes dont des confidences personnelles sont citées, Wolfgang Schaüble par exemple ; mais bon, entre temps il a annoncé prendre sa retraite. Par endroits, j'ai plutôt trouvé ces révélations "bien méritées", quand des responsables politiques s'expriment en public, et décident, de façon tellement opposée à ce qu'en privé, ils prétendent penser. Le ils est mérité, pour le coup : ces ir-responsables sont tous des hommes.
L'argument de Varoufakis est simple : il est arrivé au gouvernement avec une proposition gagnant-gagnant pour restructurer la dette grecque. Les détenteurs de cette dette étaient surtout les institutions européennes, qui l'avaient rachetée aux banques françaises (surtout) et allemandes pour sauver celles-ci de la faillite. Les institutions européennes n'ont pas voulu de restructuration, ont préféré jouer perdant-perdant ; et le gouvernement d'Alexis Tsipras s'est incliné, faute de se sentir assez fort, et surtout assez uni, pour gérer seul la faillite.
Les lecteurs et lectrices de ce blog ont l'habitude : j'ai expliqué de mon mieux ce qui se passait, et sans trop de retard je crois. J'ai tenté à mon minuscule niveau de lutter contre la désinformation des grands médias, dont Varoufakis se plaint tout au long du livre.
J'ai tout de même appris de ce livre deux choses essentielles.
J'ai appris que tous les grands dirigeants savaient l'absurdité des politiques qu'ils imposaient (et continuent à imposer) à la Grèce. Même Schaüble. Désolé pour ma naïveté : je croyais certains d'entre eux naïvement abusés par leur propre baratin. Les fonctionnaires, oui, se laissaient abuser ; les grands dirigeants non. Le problème, c'est que la décision revenait souvent aux fonctionnaires. Parce que le "Mécanisme européen", la "troïka", sont des êtres sans existence légale, sans démocratie, purement bureaucratiques. À la fin, tout de même, c'est Angela Merkel qui décide. L'auteur ignore quelles ont été les raisons de la Chancelière. Peut-être simplement le fait que la crise avait trop duré pour que, à ses yeux, il reste le temps de trouver une solution.
J'ai aussi appris que, dans ce vide de la décision politique, de la démocratie, ce sont les grands intérêts privés qui l'emportent. Les retraités et les chômeurs grecs ont payé pour les oligarques et les banques. Désolé pour ma naïveté : j'avais écrit à l'arrivée de Syriza : "Bonne nouvelle pour l'Europe : un pays se débarrasse de la caste politico-affairiste qui a coulé les finances du pays." Je m'étais trompé. La caste était bien infiltrée jusque dans le parti, le gouvernement, la banque centrale de Grèce. Parce qu'il n'y a pas moyen de faire sans elle. Les grands intérêts privés l'ont emporté sur les nôtres.
Je vais continuer à crier dans le désert. Avec le FMI, ce qui console un peu.
En cette triste journée du 13 novembre, Abou Djaffar rappelle son billet du 21 novembre 2015, dont il ne "regrette pas un mot. Pas un seul."
moi éternel ricaneur, d’un seul coup je ne ricane plus car je ne vois pas une faille, mais un tas de cadavres, plusieurs tas, en fait, devant des bars, dans les rues, dans une salle de concert, dans un quartier où l’essence même de notre pays, joyeuse, métissée, a été fauchée. Mais non, n’est-ce pas, tout va bien, tout s’est passé comme prévu ? J’imagine que c’est ce que vous allez expliquer aux familles, n’est-ce pas ? D’ailleurs, n’est-ce pas ce que vous célébriez le vendredi 13 dans la journée ? Moi, qui étais alors loin de la France, je ne trouvais alors sur le compte Twitter de la Place Beauvau, tandis que les morts s’accumulaient dans nos rues, que de misérables manifestations d’autocélébration.
Rien n'a changé. La bureaucratie étatique se complait dans un divertissement au sens de Blaise Pascal : une multitude de petites actions, sans portée, qui lui permettent de ne pas faire face à la réalité, au défi, au danger du terrorisme islamiste.
Que nos armées aient réduit en amas de gravats les grandes villes tenues par "l'État islamique", comme l'armée américaine avait anéanti Falloujah, comme les armées syrienne et russe ont anéanti le centre d'Alep,… qui peut imaginer un quart d'instant que cela démotive les candidats-terroristes ?
Pour trouver de la réalité, il faut écouter un ministre de la Défense dépossédé de sa Défense, celui du Niger (plus diplomate sans doute que Varoufakis ? Le fond est le même), ou un scientifique au nom étranger, de la bonne ville de Grigny.
La trahison est venue des chefs, des élus, des responsables.
La guerre continue donc, ouverte et permanente, en "terres d'islam" du Yémen, de Syrie, d'Irak. Épisodique, par flambées d'assassinats, chez nous.
Pourquoi ? Je passe du constat à l'hypothèse : sans doute pour la même raison que la dette grecque.
Parce que l'oligarchie n'a rien à y perdre et tout à y gagner. Elle n'est pas terrorisée du tout, au contraire, elle est "en embuscade".
Et parce que, face à elle, la décision politique, la démocratie, hypnotisées par les kamikazes, tremblotent, se réchauffent avec des bougies, des mantras laïcistes, de la langue de bois militariste.
Varoufakis a emprunté le titre de son livre à Christine Lagarde, qui voulait avoir à faire à "des adultes". La démocratie grandit. La bureaucratie infantilise.
@Fred,
Ai lu ce billet et vos derniers tweets.
Que dire?
Ai suffisamment perdu mon temps à déposer des liens vers l'analyse de très proches.
M.Varoufakis me semble vouloir construire son propre story-telling, car bien avant lui, WG avait publié depuis plusieurs années.
Cqfd
A quoi ont servi nos efforts de divulgation et explications à cette époque?
Rhalala...qu'à des sottises en vérité.
Mais peut-être que l'histoire nous rendra justice un jour, d' avoir pris le maquis.
Ai suivi via tweet, assez ironique de lire les supporters AJ et EM essayer d'aider soudainement Jean. Je sais ce qu'il m'en a coûté...Mais l' ai fait avec plaisir pour aider nos enfants.
En ce qui concerne l'Europe, ne cèderai pas.
Dslée pour FBayrou. Il aurait du mieux savoir écouter et être plus respectueux à une époque du travail d'autrui.
EM, n' a plus besoin de lui pour les européennes, telle est la réalité.
C'est parce que je suis très européenne, que je ne cèderai pas sur ce thème.
Même si je retrouve des bribes de mes propos déposées chez l' héré ou chez Flo en préparation de celles de 2009.
@Fred,
Assez consternant qu'EM ne comprenne pas qu'un pays ne se gère pas comme un portefeuille d'actions.
Ou il ne comprend pas certains coup de semonce de l' UE, ou il préfère jouer à poker/menteur.
Car sa réforme concernant la taxe habitation injuste et non constitutionnelle face à l' impôt, tout comme son augmentation de la csg supportée par la seule classe moyenne, majoritairement retraitée...
Gonfle les déficits de l' État, et je n' évoque même plus son CICE, très borderline quand aux textes européens.
C'est très affligeant et consternant.
D' autant plus que dans ma ville, pour dégager des fonds, les édiles ont choisi de vendre des bijoux de famille aux sociétés immobilières sans plans d' aménagement routier, sans prise en compte de rus enterrés etc.
Le désespoir en ligne de mire.
Rhalala, vraiment du n'importe nawak. ????