Petite réponse au clin d'oeil de jbl, qui mettait un lien vers ce "cri d'alarme" signé "Jean-Marie Rouart de l'Académie française" :
On est en France, pays où toutes les passions s’affrontent et où les querelles de société n’ont fait que remplacer les vieilles disputes théologiques. Les sujets changent, les passions demeurent. La nouvelle pomme de discorde qui enflamme les esprits concerne une innovation linguistique, l’écriture inclusive. Sujet qui n’est en fait qu’une queue de comète de la question épineuse de la féminisation de la langue.
C'est très précisément ça. Aussi féminine que soit déjà la langue. Ou aussi féminin que soit déjà langue.
L'académicien indique un peu plus loin que
l’usage, le bon usage, prévaut sur toute autre considération à l’Académie (et) accordera probablement droit de cité, à l’avenir, à « la ministre », de la même façon qu’il accordera le droit de féminiser certains mots. (…) Il est évident que la féminisation se fera par l’usage sans vrai dommage pour le français.
Pour aussitôt enchaîner :
Mais cette concession faite, on ne peut sans lui faire courir un danger mortel détricoter la langue en détruisant son principe fondamental, sa pierre angulaire : en français, le masculin est aussi le neutre.
Le couvercle de ma boîte à méfiance s'ouvre automatiquement quand un orateur, si bien intentionné soit-il, estime que le principe qui justifie sa position est LE principe fondamental. Sans parler de l'image étrange de "pierre angulaire" ! Je vois mal pourquoi le masculin-neutre serait à l'angle de la maison langagière[1].
Je suis tout aussi gêné que Jean-Marie Rouart, quand je lis — ce sont les exemples qu'il donne — « agriculteur.rice.s », ou encore : « artisan.e.s ». Parce que ça me fait mal aux yeux et ralentit ma lecture. Ça n'est pas du bon usage, ce n'est pas user-friendly. Alors que la langue ne sert qu'à être utilisée par ses utilisateurs. Et utilisatrices.
Utilisatrices, donc. Le standard prétendu du "masculin-neutre" me fait mal, pas seulement aux yeux. C'est bien joli de prétendre que le masculin est aussi neutre. Mais ce qu'on entend dans "utilisateurs", c'est bien un masculin, celui d'un mot qui aurait aussi pu être féminin. Et le cerveau réagit à ce qu'il entend.
En lisant
"la langue ne sert qu'à être utilisée par ses utilisateurs",
quelle image mentale vous vient : l'image d'hommes qui parlent, ou celle de femmes ?
Cette convention du masculin-neutre a le grand inconvénient de laisser les femmes dans l'ombre, de mettre les hommes au premier plan de la représentation mentale que se font celui qui parle et celui qui entend. Que l'on parle de participants à un trail, d'académiciens, d'agriculteurs, d'artisans… de militants… La vanne "quand je parle des militants, j'embrasse aussi les militantes" est un peu hors de saison.
J'essaie, avec plus ou moins de bonheur, d'embrasser les hommes et les femmes quand j'écris, ici ou ailleurs… sans alourdir la lecture, sans appauvrir le texte. Par exemple, j'essaie de poser au début du texte une image mixte, comme, dans le billet cité "150 hommes et femmes venu·e·s reconnaître le parcours du Trail des Châtaignes" ; en espérant que cela permette ensuite d'utiliser ce fameux masculin-neutre, plus fluide : "les concurrents"… "se sont inscrits"…, etc.
J'utilise le point médian (·, alt-maj-F sur Mac), appris de Matti Schneider, merci à lui. D'une part, "venu·e·s" est plus fluide visuellement que "venu.e.s" ou "venuEs". D'autre part, le · est nouveau dans la typographie courante, et peut donc jouer sans ambiguïté ce rôle. En laissant au point, et à la majuscule, leurs usages familiers de point et de majuscule[2].
Mais surtout, je suis heureux de ce débat. Même si, en France, quand on parle de la langue, tout le monde part au quart de tour et parle trop facilement d'assassinat, de mort de la civilisation, et pire, de fin des haricots. Les émotions, c'est bien aussi ; c'est même meilleur que les zaricots.
Incontestable que le combat pour l’égalité des sexes edt primordial. Notre société a des progrès à faire. Mais je me demande s’il n’y a pas un renversement de causalité. Est-ce que la langue, par sa dissymétrie, contribue à cette inégalité ? Où est-ce que la conscience grandissante de cette dernière nous la fait voir dans la langue. Certes, les masculin « l’emporte » et dans « ils sont venus », les femmes disparaissent. Mais, d’une certaine façon les hommes aussi car on ne sait pas s’il n’y avait que des hommes ou un seul. À l’inverse, les femmes ont un genre pour elles rules. Comme s’il y avait une distribution individuel/collectif qui recouvre la distribution de genre.
Je m’inquiete bien davantage de la négligence, dans l’education, dans les publications, vis-à-vis du langage. Pour être franc, l’ecriture Inclusive me semble être une maltraitance.
Reste la légitime question de la féminisation. Pour les mêmes raisons, de je n’en suis guère pour l’invention de féminins. Mais peut-être pourrait-on rendre complément féminin certains noms de profession. Dire par exemple une notaire ou une auteur pour les femmes comme pour les hommes. De la même manière que le francais’ distribue les genres: une fourchette, un couteau, une assiette, un verre, sans hiérarchie.
Et désolé pour les fautes de frappe (tapé sur téléphone). Pour un zélateur de la langue, ça la fout mal...
@Fred,
Pour moi en langue française le neutre est le sujet "on" construit sur la même forme de conjugaison que le "it" chez les anglophones par exemple et encore...
@Fred,
Je vais provoquer, mais vous pouvez retirer mon commentaire sans aucun problème, je l'accepterai.
Je ne comprends pas trop, l' intérêt de compliquer quand il y a possibilité de simplifier.
Les langues vivantes qui ne savent pas évoluer sont vouées à mourir, l' histoire nous l' a prouvé.
Suis complètement ok, pour éradiquer les accords cod coi avec le sujet, il me semble que le sujet se suffit à lui même.
Cependant, je sais que certaines subtilités de style linguistique peuvent-être source de reconnaissance du statut social à l' insu de son plein gré.
Peut-être ce que ces féministes enragées souhaitent?
S'il s'agit de tout casser, simplement pour faire valoir sa différence et se faire un nom dans les livres d' histoire, je trouve la démarche nulle.
Faites ce qui vous semble le mieux avec mon com.
en fait c'était plutôt la déclaration officielle de l'académie française que je voulais te mettre mais j'ai fait ça à la va-vite... sans même lire l'article que je t'ai mis dans mon post... (ok c'est pas classe...)
là voilà cette déclaration officielle :
http://academie-francaise.fr/actual...
à vrai dire, je pense que ça ne te convaincra pas plus que l'interview de JM Rouart, et d'ailleurs ce n'est honnêtement pas très convaincant.
mais je préfère ça (interview d'Hélène Carrère d'Encausse) : http://www.europe1.fr/societe/helen...
même si les arguments manquent encore de tranchant, je le reconnais.
pour moi : c'est juste grave que des idéologues veuillent changer les usages qui servent simplement à se comprendre (et qui ne posent de problème à qui que ce soit) au service de leurs théories. En tout cas, la force de frappe de ces idéologues est quand même impressionnante et fait peur. Après, on s'étonne qu'il y ait toujours des théories de complots qui traînent, mais quand tu veux changer la langue pour une idéologie et que tu as de tels moyens, ça pose de sérieuses questions sur notre liberté ! (et en même temps que j'écris, cela me fait penser - alors que ce n'était pas le but du tout - aux récentes réformes "mariage pour tous" et celles qui nous sont d'ores et déjà promises. En tout cas dans la manière dont c'est fait et introduit dans le débat public.)
@ Laurent Quivogne #1 : cartésien, va ! Bien sûr que "on ne sait pas". Mais en l'absence de savoir, qu'est-ce que "on" imagine ? C'est une expérience de pensée, certes : en écoutant la phrase "ils sont venus", juste ça, je pense que la grande majorité des gens imagineront un groupe composé exclusivement ou majoritairement d'hommes.
@ Martine #4 : je me sens bien d'accord avec votre avant-dernière phrase : la langue doit servir à communiquer, elle n'est pas un monument en soi. La phrase citée par Libé http://www.liberation.fr/france/201... et à laquelle J.-M. fait référence, «grâce aux agriculteur·rice·s, aux artisan·e·s et aux commerçant·e·s, la Gaule était un pays riche», est illisible, on ne lit bien que la dernière partie. Pas à cause du point médian, mais à cause de «agriculteur·rice·s» qui n'est pas un mot sensé, prononçable. Tout ce qui reste de la lecture de cette phrase est l'affirmation de l'importance de genrer les métiers au masculin et au féminin simultanément ; l'économie de la Gaule s'y perd.
C'est aussi pour ça que le communiqué de l'Académie, jbl, me semble grotesque (comme un peu à toi). L'Académie ferait mieux de visiter certains des pays de la francophonie, puisqu'elle s'en revendique dans ce texte. Elle aussi manifeste une idéologie "fixiste", comme si le langage n'était pas fait pour les gens, et que les gens ne pouvaient pas changer. En 1ère, je crois, donc en 1980 ou 81, on nous avait fait faire une dissert' ou un commentaire composé sur un texte de Jean d'Ormesson ; un extrait de son discours de réception, à l'Académie française, de Marguerite Yourcenar. Son propos était simple : la tradition (cette splendeur que revendiquaient les "masculinistes" opposés à cette élection d'une femme), c'est l'ensemble des innovations qui ont réussi.
Dans cette volonté de féminiser ou de neutraliser la langue française, il y a un réservoir d'innovations. Parmi elles, 99 échoueront sans doute ; mais il y aura peut-être aussi une réussite
@ Fred : mon ressenti (je choisis le mot car je ne suis pas du tout un littéraire) est que l'académie française n'a pas spécialement été conservatrice ces dernières années. Ça reste du non-factuel ce que je dis là...
@ à tous et à toutes
J'ai suivi de loin la polémique sur ce qu'on appelle l'écriture inclusive.
En ce qui me concerne, c'est la "foutaise" de quelques intellectuels en manque de reconnaissance.
Non pas que je considère que le genre masculin doit prévaloir à tout prix sur le genre féminin.
Le Français est une langue vivante et comme toute langue vivante, chaque année de nouveaux mots ou de nouvelles expressions font leur apparition dans nos dictionnaires.
Mais restons sérieux un instant.
Quand 150 000 jeunes sortent chaque année sans le moindre diplôme du système scolaire,
Quand dans certaines facultés, on donne des cours de français niveau collège aux étudiants,
Quand des sociétés voire des grands groupes mettent en place des comités de lecture car les courriers envoyés sont bourrés de fautes d'orthographe donnant une mauvaise image de la société (un exemple personnel : la jeune secrétaire de la maison de retraite dans laquelle résidait un membre de ma famille confond dans un courrier le futur "j'aimerai vous rencontrer..." avec le conditionnel "j'aimerais vous rencontrer..." Elle voulait vraiment nous rencontrer pour signer des documents administratifs, ce n'était donc pas un souhait mais une formule plus polie que "je veux vous rencontrer")
Quand les commentaires laissés sur les réseaux sociaux ou sur les sites internet des journaux sont aussi bourrés de fautes....
Pourquoi vouloir à tout prix compliquer notre langue et son expression écrite.
Et puis en toute sincérité, écrire cela :
"les commentateur.trice.s de ce blog sont tous.te.s des militant.e.s"
Vous arrivez à lire cette phrase vous ?
Ben moi pas !
@Fred,
Ai lu vos derniers tweets...
Les thèses de Bourdieu, me semblent sous-jacentes...Dans les interventions de certain-e-s. ????????
Sinon, en harmonie avec un de vos tweets quand au dosage dans les classes, le secteur privé sous contrat sait faire, où du moins savait faire il y a quelques années.
Je crains fort que victime de son succès, il soit un peu beaucoup débordé.
Mais, il y a des savoir faire dont il serait judicieux de s'inspirer. ????