Aequalis a lancé et Thierry P., avec l'enthousiasme du néo-blogueur, répercute cette chaîne : si la démocratie directe existait (suffrage des citoyens sur une question précise, bref un référendum...), quel sujet je proposerais ?
Dans la situation actuelle du pays, la réponse me semble s'imposer avec la masse de 1500 milliards d'euros de dette : le sujet des finances publiques.
Bernard Perret l'a observé à plusieurs reprises : l'intérêt du citoyen est pris en compte par les décideurs à de multiples titres - ceux de chasseur, consommateur, salarié, investisseur, automobiliste, etc etc., à une grande exception : celui de contribuable. Pour les décideurs politiques - je veux dire, ceux qui ont du sens politique, ceux qui naviguent selon les rapports de force - le déficit et la dette sont des abstractions, parce qu'il n'y a personne pour les payer : les générations futures ne votent pas, ne défilent pas, ne pétitionnent pas. L'Histoire les jugera ? Eh bien, qu'elle prenne son temps...
C'est pourquoi j'ai proposé un jury citoyen, et un débat public organisé à grande échelle, sur la dette, les impôts et les dépenses publiques. Il pourrait conduire à des orientations de nature constitutionnelle, donc à un référendum.
C'était aux "Entretiens des civilisations numériques" il y a presque 3 ans pile, le 25 janvier 2007.
L'administration d'État fonctionne comme si elle restait convaincue de détenir une vérité révélée, de connaître l'intérêt général qui doit s'imposer à tout intérêt particulier. L'évaluation des politiques publiques, qui pourrait informer le citoyen, qui devrait dépendre des représentants du peuple, c'est-à-dire du Parlement, continue à dépendre de l'administration, qui confine l'évaluation à des sujets anecdotiques ...
Dans la société nouvelle, il faut passer à un modèle exactement inverse. Non plus décider d'abord, improviser des mesures pour le journal de 20 heures, en lançant une machine vouée à s'embourber dans la complexité sociale, mais s'appuyer sur la complexité sociale pour arriver à une décision applicable efficacement.
Il faut que les représentants du peuple, les détenteurs de pouvoir, écoutent la société, écoutent les demandes, les attentes, les propositions. Regardent ce qui se dit sur internet.
Pas seulement regardent s'il y a débat, mais aussi le lancent, le mettent en scène, le suscitent, enquêtent, car le débat ne se développe pas toujours spontanément, ....
Il faut par exemple ouvrir des sites de débat où sont proposés des éléments de réflexion, de façon neutre et non publicitaire. Enquêter auprès des simples citoyens, et ouvrir à la discussion les résultats de l'enquête. On a fait débattre, il y a dix ans, un groupe de simples citoyens sur les OGM, alors pourquoi ne pas le faire sur la dette publique, pourquoi pas sur l'allocation du budget de l'État ? C'est bien plus facile à comprendre que les OGM !
À ma droite à la tribune, le député PS Christian Paul, en politique averti, a soufflé : "Chiche !..."
De fait : le pouvoir d'État organise bien plus aisément des débats en préfecture sur des choses qui le dépassent, comme l'identité de la Nation, que sur ce qui est de son irresponsabilité propre.
Quelle réactivité, merci de t'être prêté au jeu.
C'est une très bonne idée qui de plus trouverait un fondement constitutionnel dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (article 15) :
"La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration."
D'autant plus que :
art. 14 DDHC - "Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée."
Les grands esprits se rencontrent ! Ce samedi 23, commençant la lecture de l'excellent livre de Corinne Lepage "Entre colère et espoirs", je trouve sa chronique du 9 décembre 2007 titrée "Evaluation et contrôle des fonds publics" qui commence comme ceci :
<<Parmi les dispositions les moins connues par nos concitoyens de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen figurent probablement l'article 14 aux termes duquel "tous les citoyens ont droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l’ assiette, le recouvrement et la durée" et l'article 15 qui rappelle que "la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration". … Ces dispositions qui auraient pu établir le fondement d'un véritable contre-pouvoir de nature financière, au regard de l'étendue du pouvoir exécutif sont en réalité, dans notre système constitutionnel, bien loin d'avoir abouti (à) un réel contre-pouvoir.>>
http://bayrou-modem.exprimetoi.net/...
Très bonne idée, notamment au vu des articles de la DDHC cités.
On pourra toutefois s'interroger sur (au moins) certains aspects évoqués dans cet article :
http://www.monde-diplomatique.fr/20...
L'article du diplo (juillet 2008) n'est pas franchement faux mais est affligeant tout de même. En tout cas, même les gens qui tenaient ce genre de propos il y a 18 mois n'osent plus aujourd'hui. J'ai fait pas mal de billets là-dessus (sur la dette sur les points évoqués dans le diplo) sur ce blog, tag finances publiques. Lire aussi (et surtout ) le blog de Jean Peyrelevade et les discussions en commentaires, par exemple http://peyrelevade.blog.lemonde.fr/2009/10/13/le-role-de-letat-2/
En substance : sous le gouvernement Barre, le patrimoine de l'Etat était plusieurs fois supérieur à sa dette. Aujourd'hui, il est très inférieur. Quant au patrimoine national (privé) que l'on peut rêver de taxer pour rembourser, il est essentiellement constitué par le sol français et les bâtiments qui y sont construits. Si on devait les confisquer en bloc et les vendre à la découpe, imaginez la décote.
Ceci dit votre réaction est importante car beaucoup de gens pensent sans doute ainsi (comme sur l'effet de serre), un raisonnement du type : "ça fait des années qu'on nous parle de catastrophe et nous sommes toujours là, alors, est-ce vraiment si grave ?"
Eh bien, en matière écologique comme économique, on peut gouverner de façon irresponsable pendant des décennies, et c'est la génération suivante qui récolte les crises. L'histoire l'a amplement prouvé.