Les lecteurs de "Démocratie sans frontière" auront pu remarquer que j'utilise beaucoup, ces derniers mois, le terme "prédation" (économique) - doublet en français hexagonal de la "pwofitasyon" made in Gwadlup. Je dois le terme au livre "Prédation et prédateurs" de Michel Volle, qui a bien voulu m'en demander une recension en 2000 caractères, format de "La jaune et la rouge". Voici les 2000 caractères que j'ai proposés !
Michel Volle livre, opus après opus, les clés de lecture de l’économie actuelle.
Dans « e-conomie » (Economica, 2000), il les trouvait dans le système technique contemporain.
Dans « Prédation et prédateurs », Michel met le projecteur sur la part d’ombre de cette économie : elle encourage structurellement la prédation, aux dépens d’un entrepreneuriat responsable. Une « inconvenient truth », jumelle de celle proclamée par Al Gore.
D’une part, la croissance non maîtrisée des systèmes d’information met blanchiment et paradis fiscaux à quelques clics de l’économie réelle.
D’autre part, la concentration des coûts industriels sur la phase de conception nous met dans une « économie de casino » : quand la rentabilité dépend, non plus d’une production efficiente, mais de positions de monopole, tous les coups sont permis, surtout en l’absence de règles et de croupier. L’économie féodale n’est pas loin (chap. 7).
Si le livre décrit les différents aspects de la prédation, de sa rationalité économique à la psychologie du prédateur, c’est pour éclairer les voies et moyens d’une réponse.
Comme les constructeurs de communautés en ligne, Michel montre l’importance du « commerce de la considération ». Avec les évangélistes de la nouvelle économie, il appelle à une « économie de la qualité », de la diversité, qui restaure une saine concurrence. S’inspirant de théoriciens militaires, de la « guerre au sein de la population », il suggère que l’entreprise peut affronter la prédation sur le terrain de l’opinion et de la décision démocratique. Citant Gregory Bateson et Pierre-Gilles de Gennes, il s’intéresse à la formation, notamment scientifique, et appelle à une « écologie de l’esprit ».
Il y a peu de temps encore, combien de lecteurs auraient accepté de regarder cette « inconvenient truth » ? Aujourd’hui, chacun la voit en pleine lumière sur son écran de télévision. Raison de plus pour comprendre, avec « Prédation et prédateurs », d’où vient cette « anti-économie », et comment reconstruire.
Amazon, volle.com, site de l'éditeur. J'avais déjà rédigé cette recension début 2008.
Bonsoir Frédéric,
J'ai bien aimé la comparaison que tu as fait de Michel Volle avec le "lapin blanc" d'Alice dans ta recension de 2008...
Pour comprendre tous les mécanismes de la prédation tu nous envoies au Moyen Âge et je ne sais pas pourquoi j'ai pensé aussi au temps des organisations de "clientèles" romaines. Avec déjà le même fonctionnement de courtisans assujetis à leurs patrons tels les grands groupes des dirigeants actuels ou même certains partis politiques et leur... prédation !
http://fr.wikipedia.org/wiki/Client_(Rome)
Et à cette époque certains dénonçaient déjà la corruption...
@ Françoise Boulanger : oui, bien sûr, casino va avec cour et clientélisme.
Dans un discours de 2005 ("Aux racines du mal français"), François Bayrou citait longuement une superbe description des fonctionnements de cour, oeuvre du Premier Ministre de l'époque. http://www.bayrou.fr/discours/bayro...
Merci Frédéric. J'avoue que je n'avais pas encore lu ce document de François Bayrou. Je comprends mieux ton engagement à ses côtés.
Cependant, à la lecture supplémentaire de tels propos, une interrogation me mine constamment : avec une telle vision du rôle que devrait avoir l'Etat, une vision tellement juste et incisive, comment se fait-il que notre président du Mouvement Démocrate ("et humaniste" comme il voulait le nommer) n'accepte pas encore pour lui-même de fonctionner intégralement avec ce regard-là ?! C'est pourtant lumineux.
Tu n'es pas obligé d'y répondre, c'est mon interrogation.
Merci également ! Mon travail m'a donné la chance de connaître un peu François Bayrou au-delà du personnage public, le respect de la confidentialité m'interdit, naturellement, d'utiliser cette information sur mon blog.
Ceci dit, chacun peut vérifier que François Bayrou est certainement, parmi les leaders politiques français, le plus allergique au culte de la personnalité, le plus imperméable aux manoeuvres de flatterie, et celui qui passe le moins de temps à gérer des réseaux ou des clans.
Ces réflexions me semblent particulièrement pertinentes... dommage que je n'aie pas eu connaissance du livre plus tôt. Merci pour le discours de FB ^^
"Ceci dit, chacun peut vérifier que François Bayrou est certainement, parmi les leaders politiques français, le plus allergique au culte de la personnalité, le plus imperméable aux manoeuvres de flatterie, et celui qui passe le moins de temps à gérer des réseaux ou des clans."
Cela fait vraiment plaisir de vous l'entendre dire car, si c'est aussi ce que j'aime à croire, je n'ai pas l'impression, malheureusement, que chacun puisse le vérifier, comme vous le dites. Trop de personnes prétendent même l'inverse et l'on en viendrait parfois à douter.
Merci pour ces propos, qui venant de vous, inspirent toute confiance.
Et merci pour votre blog que je consulte régulièrement et dont j'apprécie la rigueur à la fois intellectuelle et morale.
@ Christine : merci, trop d'honneur ! Et un jour, quand j'aurai été irradié dans une expérience qui tourne mal montée par un savant fou, j'arriverai même à le rendre un peu rigolo, ce blog =-O