Tout le monde commence à comprendre la crise, mais le rôle des politiques n'est pas seulement de comprendre. Après avoir compris, il faut réagir. Proposer un chemin pour en sortir. Et se battre pour que le pays prenne ce chemin.

Je me permets donc, à la manière de Marc Cohen sur causeur.fr, de passer au banc d'essai les propositions des principaux leaders[1].

Je vous propose l'échelle de notes suivante :

  • 3 : OK, élément de solution
  • 2 : ça peut éventuellement apporter quelque chose, c'est à discuter
  • 1 : infime, très insuffisant
  • 0 : creux avec du vide à l'intérieur
  • -1 : contre-productif
  • -2 : dangereux
  • -3 : grand n'importe quoi, à mettre à la retraite d'urgence.

La note globale d'un politique sera simplement la somme des notes données à ses différentes propositions — ce qui donne une chance supplémentaire à ceux qui proposent beaucoup, et pénalisera évidemment ceux qui débloquent beaucoup. Les silencieux sont à 0 par définition. Je compléterai donc volontiers cette revue si vous indiquez en commentaire des liens vers d'autres propositions (faites explicitement par les politiques concernés eux-mêmes[2]).

Dans ce comparatif, par ordre alphabétique : Martine Aubry, Jean-François Copé, François Hollande, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Arnaud Montebourg, Hervé Morin, Ségolène Royal, Manuel Valls.

À l'arrivée, les gagnants sont proches du centre, mais les réputés extrémistes ne sont pas toujours en queue de classement, ou n'y sont pas les seuls.

C'est parti :


Hervé Morin s'en sort très bien, à ma surprise[3] ! 10 points !

De nombreuses propositions en effet, selon une dépêche AFP d'hier.

  • augmenter la TVA de 0,4 point pour atteindre 20%, ce qui rapporterait immédiatement 3 milliards d'euros de recettes nouvelles : 2 points. Le calcul est juste ; mais 3 milliards, ça ne fait pas lourd. Et augmenter plus fortement la TVA soulèverait beaucoup d'oppositions.
  • réévaluer le taux appliqué à certains produits qui ne relèvent en rien de la première nécessité, comme le Coca-Cola qui est aujourd'hui taxé à 5,5%. 1, car c'est fort imprécis : si on veut vraiment des recettes, il faut aller très au delà du Coca, et en particulier, supprimer la TVA à 5,5% sur la restauration (qui ne fait certes pas partie des produits de 1ère nécessité), une mesure emblématique du gouvernement dont Hervé Morin faisait partie.
  • réajuster l'imposition des revenus du patrimoine, qui restent largement moins taxés que ceux du travail : 2 : c'est très flou, et la réduction desdits impôts est là encore à mettre au débit de la présidence Sarkozy, mais la direction est la bonne.
  • créer une tranche marginale de l'impôt sur le revenu à 45% : 1 : pas grand chose à en tirer : ça représenterait environ 1 milliard de recettes en plus (la tranche maximale est déjà à 40%), et c'est une forte incitation à l'évasion fiscale ou aux investissements foireux défiscalisés.
  • poursuivre le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, même s'il faut être attentif au secteur de l'éducation : quelque chose entre 1 et -1, disons 0 : certes, il y a des sureffectifs dans certains secteurs, mais ce ne sont rarement ceux touchés par le fameux "non-remplacement" ! Et cette politique a rapporté jusqu'ici… presque rien". Elle mériterait d'être réétudiée plutôt que "poursuivie".
  • d'importantes marges de manoeuvres sur les niches fiscales et sociales: il n'y a absolument aucune raison que de grands groupes, comme Total ou les banques, bénéficient d'exonérations de charges. 2 : il y a pourtant bien des raisons, à commencer par les 35 heures payées 39, qu'il a fallu compenser ! et cette proposition reste très générale. Mais enfin comme pour le patrimoine, la direction est juste.
  • Les collectivités locales devront également participer à l'effort : 2 : hyperflou et non chiffré, mais M. Morin est l'un des premiers à le dire[4], alors que les embauches massives des collectivités ont plus que compensé, hélas, les gains de productivité de l'État. Ça mérite donc ses deux points.

Manuel Valls, dans Libération, donne du grain à moudre. Plein de petits bouts d'idées, qui ne traitent pas forcément le fond des problèmes, mais lui permettent de finir 1er ex aequo avec Hervé Morin avec 10 points.

  • créer une gouvernance de la zone euro, passer au fédéralisme économique. 1 point (Cf. F. Hollande).
  • Le fonds de stabilité financière doit pouvoir racheter de la dette des Etats : oui si c'est à leur valeur de marché, et dans ce cas, il doit pouvoir les revendre aussi souvent, il n'aura pas besoin de beaucoup d'argent… et ne servira que très ponctuellement. 1 point (Cf. aussi A. Montebourg).
  • l'UE doit lancer un grand emprunt européen. Aïe, face au surendettement, encore un grand emprunt (-1 point…) ? Admettons qu'il s'agisse des euro-obligations proposées depuis des années par François Bayrou ; mais avec quoi on gage et rembourse l'emprunt ? Avec la dette des Etats, dont il s'agit simplement de moyenner les capacités de remboursement ? Avec une recette nouvelle, laquelle ? Disons 1 point en attendant des précisions (pas 2, parce que ça ne résout en rien le défi du surendettement).
  • Réduire nos dépenses en décentralisant davantage, en simplifiant les structures administratives – par exemple en supprimant les départements – et en réformant la fiscalité locale. : 1 point, parce que ce qui est indiqué là ne rapporte pas lourd !
  • Revenir sur la réforme de l'ISF : ce serait 1 milliard à peu près de récupéré. 1 point seulement, parce que cet impôt ne marchait pas bien, et qu'un taux de 2% annuel, c'était, dans le principe, quasi-spoliateur.
  • Revenir sur la baisse de la TVA dans la restauration... que M. Morin oubliait apparemment de mentionner. C'est quelques milliards et c'est du bon sens. 3 points.
  • la création d'une «TVA antidélocalisation» … une augmentation ciblée de la TVA … nous pouvons créer de nouveaux taux de TVA et cibler davantage un certain nombre de produits, faire en sorte que les produits de première nécessité ne soient pas concernés. C'est au moins aussi flou que chez Hervé Morin, et quid de la critique de celui-ci contre le Coca Cola ? Au moins, parler de TVA a le mérite, côté gauche de l'échiquier, d'affronter un tabou. Entre 0 pour le manque de substance et 2 pour "à discuter", disons 1 point.
  • une fusion de la CSG avec l'impôt sur le revenu : oui je sais, c'est dans le projet socialiste, et alors ? on voit ce que ça coûte (un an de revenus qu'on ne fiscaliserait pas), mais qu'est-ce que ça rapporte, en soi ? Entre 0 et -2, disons -1 point.
  • taxer la rente et l'argent qui dort : cliché traditionnel de la gauche, qui a du sens ces temps-ci, soit. 2 comme pour Hervé Morin sur le même point.
  • Nous ne pourrons pas dépenser un euro supplémentaire sans mettre un euro de plus en face. 300.000 nouveaux emplois jeunes ne sont pas possibles. On ne pourra pas revenir non plus sur la retraite à 60 ans. Ces généralités ne rapportent rien (non noté), ce discours d'équilibre aurait été valable en 2007. Ça a le mérite de retarder moins que les fifty-fifty de Martine Aubry.

François Hollande, calé paraît-il en finances publiques, répond effectivement sur le fond au Monde. Mais entre "il faut", "vrai" et "éventuellement", on n'est pas sortis de l'auberge. 7 points.

  • il faut mettre en place un mécanisme de participation des acteurs privés, les banques. Elles doivent accepter le rééchelonnement, l'allongement de la durée des prêts consentis à la Grèce. : 2. Le principe est bon, ça s'appelle en français courant la faillite de l'État grec, en bon ordre. Mais c'est très insuffisant ; il faudra réduire le principal des dettes, pas seulement un rééchelonnement. Et pour l'Italie ou la France, on fait quoi ?
  • il faut emprunter à la place de la Grèce avec des meilleurs taux d'intérêt, par des bons du Trésor européens. : cela veut dire soigner le surendettement grec avec plus de surendettement européen. Acceptable pour de petites sommes et à très court terme, quelques mois, le temps de mettre en place des solutions garantissant durablement l'équilibre. Lesquelles ? 2 points.
  • créer à l'échelle européenne une taxe sur les transactions financières, quelque part entre 3 pour rapprocher la spéculation de l'économie réelle, et -1 car l'économie financière est mondialisée, ça peut être coton, disons 1 point.
  • créer éventuellement un impôt écologique européen : c'est très flou et en recul sur les débats récents (eurotaxe carbone…), c'est trop complexe pour s'appliquer dans les mois qui viennent, mais ça fait partie des solutions qui peuvent concilier l'écologie et un commerce à la fois libre et juste. Entre 0 creux et 2 à discuter, disons 1 point.
  • l'Europe doit se doter d'une vraie gouvernance économique. : oui, d'accord, puisqu'on partage une même monnaie ; mais ce genre de généralité creuse aurait valu pour les élections européennes de 1999. Elle fait vraiment quoi, la vraie gouvernance ? Entre 0 creux et 2 à discuter, disons 1 point.

Pour Jean-Luc Mélenchon, je m'appuierai sur Le Monde et sur son interview à France 2[5]. C'est du n'importe quoi dans lequel on trouve des morceaux sauvables : 3 points.

  • protéger les travailleurs, ne pas réduire les protections sociales, ne pas réduire les budgets de l'éducation… ce ne sont pas les marchés qu'il faut rassurer, ce sont les entreprises et les salariés : ça ne rapporte rien en soi et ça coûte, mais c'est juste et ça fait partie des perspectives de solution à long terme. OK donc pour chercher l'argent ailleurs — mais où ? C'est tout le sujet.
  • la BCE doit racheter les titres de la dette publique des Etats. : elle n'a pratiquement pas de capital pour cela. C'est donc un ajout virtuel à la dette de tous les Etats membres. Ce genre d'astuce peut marcher à très court terme, de façon transitoire, en gestion de crise… si la BCE peut rapidement revendre ces titres de dette devenus sains. En d'autres termes, elle ne devrait les acheter qu'à leur valeur de marché. Il semble que ce soit le cas actuellement. Allez, disons 2 points.
  • il faut accepter la dévaluation de l'euro qui pourrait en résulter comme un bienfait. On a besoin d'une devise qui vaut moins d'un dollar. Un peu de dévaluation pour crever la bulle actuelle, soit, mais perdre un tiers de la valeur de notre monnaie (et de nos salaires, et de notre portefeuille à la pompe à essence, etc.) par rapport au dollar, certainement pas, vue la direction que prend le dollar ! -1 point.
  • des barrières à l'entrée de l'Europe, la fin du libre-échange et le début de la coopération internationale : c'est presque contradictoire, prêcher la coopération en élevant des barrières ! Le protectionnisme est dangereux (-2) mais la coopération ferait partie des solutions (2), disons 0 point.
  • une partie de (la) dette est injuste, on (la) fait payer cher parce qu'il y a un risque, mais où est le risque ? Il n'y en a jamais ! C'est donc une dette indue. Payer des intérêts excessifs aux banques, c'est de la très mauvaise dépense. Il y a toujours un risque avec les Etats : celui de dévaluation de leur monnaie ou d'inflation (si bien que l'argent récupéré par le prêteur ne vaut plus grand chose), ainsi que celui de faillite. Donc -3 points pour incompétence manifeste. Mais… il y a là une juste dénonciation du raisonnement "c'était normal que les Etats empruntent sur le marché privé, avec une prime de risque, et c'est tout aussi normal de les empêcher de faire faillite"… drôle de jeu qui fait, à tous les coups, gagner les banques et perdre les Etats ! Ce bon sens — qui impliquerait à mon avis la faillite des Etats surendettés — mériterait 3 points. Disons 0 au total.
  • re-remplir la caisse en augmentant les impôts des tranches supérieures et des grandes entreprises : les banques ont fait 21 milliards de bénéfice l'an dernier, avec quoi ? : oui, certes, mais ça reste flou sur le montant et les moyens de le faire. Les grandes entreprises ne sont pas des robinets qu'il suffirait de tourner. Disons 2 points.
  • des grands travaux, c'est de la bonne dépense, car il y a dette et dette ; il y a donc des dettes qui sont saines… parce que ça produira dans l'avenir : on peut lire en creux une dénonciation de la "mauvaise dette", comme celle des retraites ou de la Sécurité sociale, qui ne correspond à aucun investissement ! Ce bon sens mériterait 2 points. Mais cela conduit directement au raisonnement "empruntons encore et encore, puisque nous faisons tant d'investissements", qui est fort dangereux (-2). 0 au total.

Martine Aubry "détaille son plan anti-crise" dans le JDD. Voyons voir… Total : 1 point. Oops.

  • supprimer 10 milliards de niches fiscales sur les 70 milliards créés depuis 2002 : ça mériterait -3 points pour incompétence. Il n'y a pas eu 70 milliards de niches créées depuis 2002, c'est d'une part une mauvaise lecture du rapport Carrez qui parle de l'ensemble des baisses de recettes ; c'est d'autre part de l'amnésie car la période couverte par le rapport commence en 2000, et le rapport indique que la baisse des impôts a été particulièrement rapide de 2000 à 2002 : que faisait Mme Aubry à l'époque ? Mais ça mérite aussi 3 points pour le chiffre, assez raisonnable, de 10 milliards de déductions fiscales en moins. Disons 0.
  • baisser à 20% l'impôt sur les sociétés qui réinvestissent notamment les PME et le monter à 40% pour celles qui privilégient les dividendes : certes, les dividendes se sont envolés scandaleusement au-dessus des capacités mêmes des grandes entreprises à en verser — certaines même s'endettent pour cela !!! Une mesure contre ce délire mériterait 3 points en première analyse. Mais les dividendes sont des revenus fiscalisés de diverses façons, et pas le réinvestissement : la mesure pourrait donc être à court terme nuisible aux finances publiques (-1 point). Et j'ai une prévention personnelle contre ce genre d'usine à gaz — ce serait d'ailleurs la 1000ème fois que l'on cherche à différencier ces deux taux d'imposition, et 999 fois on est revenu penauds à un taux unique ; j'aurais envie de mettre -2 ou -3. Disons 0 par indulgence.
  • financer un plan d'action pour l'emploi des jeunes en supprimant les subventions absurdes aux heures supplémentaires qui bloquent les embauches dans un pays qui souffre du chômage : 3 points pour la 2ème partie ; ces subventions étaient absurdes dès le départ, malgré le rapport écoeurant de Rexecode. Mais si l'argent sert à financer un plan d'action pour l'emploi des jeunes, quelqu'un peut m'expliquer où on trouve de l'argent pour payer les salaires et les retraites ? Évidemment, l'emploi (pas seulement des jeunes), c'est une condition de la sortie de crise, mais enfin, vous avez bien lu comme moi que Martine Aubry propose encore une dépense nouvelle ? ça mérite -2 points. On pourrait généreusement admettre que le bénéfice est rapide et que le coût le sera un peu moins, soit une petite économie à court terme : 1 point.
  • qu’en matière de notation, soit créée une agence indépendante des banques : euh, les agences de notation sont déjà indépendantes des banques (mais payées par les États notés ![6]). Ça mériterait -3, mais comme c'est hors sujet, disons "non noté".
  • création d’une taxe européenne sur les transactions financières de 0,05% : cela limitera la spéculation et apportera 200 milliards d’euros pour réduire les dettes et financer une partie des investissements d’avenir. : D'accord sur le principe (Cf. François Hollande), ce qui vaudrait 1 point, mais prétendre qu'elle rapporterait 200 milliards, c'est très optimiste ; ce serait au mieux 1 point de PIB (120 milliards) qui se traduirait par 40 à 60 milliards de recettes en moins pour les États, donc, net, trois fois moins que ce que prétend Martine Aubry. Disons donc 0.
  • On a bien fait de secourir les banques en 2008, mais il aurait fallu que l’Etat entre dans leur capital pour orienter l’argent vers l’économie et les PME, et de la régulation pour enrayer la spéculation. : si c'était un engagement de le faire, ça vaudrait 3 (Cf. Ségolène Royal). Là, il ne s'agit que d'une rétrospective de café du commerce, qui mériterait la note 0. Disons 2.
  • Je prends un engagement très fort : affecter 50% des marges de manœuvre financières –suppression des niches fiscales, croissance- à la réduction des déficits, et 50% au financement d’investissements d’avenir c'est-à-dire aux priorités que j’affirme : emploi -tout pour l’emploi-, l’éducation, la sécurité. Cet engagement "très fort" était déjà celui du gouvernement Jospin : la pendule de Martine Aubry retarde de 14 ans, elle parle d'un État qui décidait ce qu'il voulait. Mais 35 heures, UMP et sarkozysme l'ont coulé, il serait peut-être temps de s'en rendre compte ! Affecter 50% des économies à de nouvelles dépenses, c'est continuer le sabordage du bateau ! -2 points.

Arnaud Montebourg, dans Le Monde et Libération, me déçoit avec 0 point.

  • Il est impossible d'imaginer qu'on puisse mener la France dans la réalisation du projet socialiste, même a minima, si nous n'avons pas vaincu les marchés. Il faut interdire au marché de se comporter comme il se comporte, et briser leur pouvoir qui empêche d'exercer le nôtre. Il y a à la fois quelque chose de juste — pas de démocratie possible si les politiques sont dictées par la pensée unique, fluctuante et parfois aberrante, des marchés financiers — et un délire orwellien si "on" mène la France dans un "projet socialiste" qui se prétendrait supérieur à la liberté économique. La dictature socialiste n'a pas valu mieux que celle de Goldman Sachs ou de ses consoeurs, que l'on sache. J'hésite entre 2 et -2, disons "non noté" parce que ce n'est pas une proposition concrète.
  • j'ai proposé la mise sous tutelle du système bancaire avant que les banques ne mettent les citoyens et les Etats sous tutelle. (Le Monde) ; Il n'y a plus d'autre choix que des mesures dirigistes et de prohibition. Le moment n'est plus à la régulation, qu'il aurait fallu faire il y a quinze ans. (Libé). Voilà qui est plus concret. Soit, dans une période de crise : mais une tutelle n'est jamais une bonne solution de long terme. C'est comme la dictature romaine : une blessure faite aux institutions, à la démocratie économique qui devrait être instaurée, à la séparation des pouvoirs. Entre 3 points et -2, disons 1.
  • Je propose un abandon de créance sous forme de restructuration de dette à hauteur de 30 %,... Ces remèdes ont permis à l'Argentine, à la Pologne et à l'Islande de retrouver le chemin de la croissance après une faillite retentissante. : oui, très bien, enfin quelqu'un qui chiffre concrètement le défaut grec éventuel. A ceci près que 30%, ce n'est pas assez : les banques ont déjà provisionné 21% de décote, ça ne ferait que 9 points de plus ! La dette grecque (et les autres) ne seront soutenables qu'à moins de 60% du PIB, ce qui ferait une décote de 60% pour la Grèce. Disons 2 points.
  • démantèlement des agences de notation : n'importe quoi. Et des journaux, aussi ? Et des universités ? Et d'internet ? Casser un thermomètre mérite -2 direct.
  • interdiction de la spéculation sur les marchés financiers pour tout établissement bancaire qui dispose d'une licence sur notre territoire et ses filiales. : n'importe quoi : tout investissement comprend un pari sur l'avenir, une spéculation. M. Montebourg veut-il interdire toute activité de banque d'affaires ? Ça mérite -2 en étant très indulgent.
  • mutualiser chaque dette publique nationale des Etats de la zone euro due à la crise, dans une agence européenne chargée de racheter cette dette, financée par une taxe sur les transactions financières de la zone euro. Avec un tel dispositif, il n'y aurait aucune crise des dettes souveraines, et aucun plan de rigueur : Mutualiser une partie de la dette, cela veut dire créer des euro-obligations ou euro-bonds ; c'est une idée défendable s'il y a une recette propre équivalente en fait, qui viendrait s'ajouter aux recettes des Etats, non les réduire ou concurrencer ! Pas évident ! La taxe sur les transactions financières, si elle rapportait net 50 milliards par an, permettrait de faire face à 1500 milliards de dette : un morceau de solution, au mieux. Contrairement à ce que rêve M. Montebourg. Allez, 1 point.

Ségolène Royal, dans Le Parisien de ce jour, se présente comme la présidente des solutions. Aïe, je trouve un total de -1 point.

  • construire ce que j’appelle un ordre international juste dans lequel les banques obéissent et cessent de mordre la main qui les a nourries, à savoir les Etats et donc les peuples qui souffrent : 0, vous voyez que je suis généreux. Obéissent à qui, en fait ? un gouvernement international juste ?
  • je propose que les dépenses nouvelles soient gagées par des économies : 1 : ça aurait été bien de le proposer en 2007, quand la dégringolade pouvait encore être arrêtée. Là, le fait même de parler de dépenses nouvelles est inquiétant (même s'il y en aura forcément, le monde change donc l'intervention publique aussi).
  • Je propose l’ouverture d’états généraux sur la réforme des prélèvements et de l’impôt puis un référendum pour stabiliser les règles pendant cinq ans. : 0. Ça aurait eu un sens en 1999, à l'époque des discussion sur la RTT et la CMU. On ne fait pas des Etats généraux en pleine tempête, situation où personne de sensé ne peut prétendre promettre à 5 ans.
  • L’Etat s’est aussi surendetté en renflouant les banques sans aucune contrepartie. Je propose l’entrée de l’Etat au capital des banques qui sont aidées… : ça mérite entre -3 (les banques ont remboursé avec intérêt, elles n'ont pas surendetté l'État de ce fait) et 3 (il faudrait que l'État participe à la gouvernance des banques françaises, plutôt que les banques françaises au gouvernement de l'État). Disons 0.
  • Je propose ... l’interdiction de la spéculation sur les dettes publiques. -3 : tout investissement, par exemple dans un titre de dette, est une spéculation. Interdire de "spéculer" c'est interdire de placer de la dette. Et accessoirement, ce n'est pas la spéculation qui fait plonger les États… c'est d'abord le surendettement lui-même.
  • je propose de commencer par lutter contre les injustices fiscales et la fraude. : quelque chose entre 0 (luttons aussi contre le mal dans le monde…) et 2 (il y a bien des milliards à trouver dans cette direction). Disons 1.

Ségolène Royal conclut : je me suis trop laissée dénigrer. Par des gens qui, en plus, n’avaient aucune légitimité pour le faire, n’ayant pas le dixième ou le centième de mes compétences et de ma loyauté : oups, dans le mille…


Jean-François Copé répond au Monde … eh bien, ne répond pas grand chose, sinon deux platitudes qui peuvent valoir -1 point au total, en étant très généreux.

Concernant la Grèce, dit-il, le nouveau plan d'aide doit être appliqué très rapidement, pour rassurer tous les acteurs financiers et ne pas laisser le champ libre aux spéculateurs, ce qui peut mériter 1 point, si on est très optimiste sur ce plan très flou et très lent.

Il prétend que le FMI a ... salué la gestion française de la crise tout en réévaluant nos prévisions de croissance, ce qui est carrément comique puisque le FMI indique que, pour atteindre l'objectif, il faudra «des mesures supplémentaires» à celles annoncées… et que la réévaluation est à la baisse. Ce n'est pas exactement de l'incompétence (-3), c'est un enfumage dangereux (-2).


Marine Le Pen, dans sa réponse au Monde, met les pieds dans le plat, ce qui est sympathique, mais son tir part ensuite dans le décor, ce qui est stressant. -1 point au total.

  • il faut sortir de la monnaie unique : la solution a certes des partisans (cela permettrait, disent-ils, de dévaluer), mais réfléchissons un instant : 1) dévaluer appauvrirait les Français, réduirait le pouvoir d'achat des salaires et des retraites, etc. ; 2) dévaluer rendrait notre dette (libellée en euros) encore plus insurmontable ; 3) à ce qu'on lit, la France est à peu près dans une situation intermédiaire : en cas d'éclatement de l'euro, la drachme ou la lire s'effondreraient, le mark s'envolerait, mais le franc serait à peu près inchangé. Alors, à quoi bon mettre un pareil b… dans le fonctionnement des entreprises et des États ? -2.
  • La Grèce n'est pas sauvable. Elle ne pourra jamais rembourser sa dette. On est en train d'acheter du temps qui nous coûte une fortune. Il faut cesser de verser pour rien des dizaines de milliards d'euros dans le trou de la dette grecque. La seule solution pour les Grecs consiste dans le retour à leur monnaie nationale. : parfaitement exact jusqu'à "la seule solution", car ce n'en est pas une, pour la raison indiquée juste au dessus. La seule solution pour la Grèce est la faillite publique. 3 pour la première partie et -2 pour la 2ème.

Bien sûr, François Bayrou me semble mieux parti que la concurrence. Et pour sortir le pays de la crise, il faudrait bien pour 20 ou 30 points de solutions. Y a-t-il de l'espoir ? Quatre jours de suspense jusqu'au 18 !

Notes

[1] Sauf le mien, François Bayrou, dont j'attendrai les réponses annoncées dans les bacs le 18 août !

[2] P.S. : Il resterait déjà à ajouter celles-ci et J.-L. Borloo.

[3] J'ai comme l'impression qu'il a été aidé par le spécialiste, ce qui serait une excellente chose.

[4] L'un des premiers de notre comparatif. C'était évidemment dans le programme Bayrou 2007.

[5] Lien non direct.

[6] OK, c'est une simplification.