Une enseignante m'autorise à publier sur ce blog une lettre qu'elle a envoyée en décembre dernier à son Recteur pour raconter un incident. À l'époque des faits, je l'avais encouragée à porter plainte immédiatement. Qu'en pensez-vous ?...
Monsieur le Recteur,
J’ai l’honneur de vous informer des faits suivants :
Ce XX novembre 2008, … j’ai fait l’objet devant la porte du collège (K…) d’une menace liée à mon activité d’enseignante.
Je suis professeur de Français, en particulier pour la classe de 3ème Y, dont faisait partie l’élève A… M…. Celui-ci a fait l’objet d’un Conseil de discipline le YY décembre dernier, après avoir enflammé à l’aide d’un briquet la chevelure d’une camarade.
Le XX novembre, vers 14h20, j’arrivais à pied devant le collège, … avec la classe de 6ème Z.
À quelques mètres de la grille du collège, l’élève A… M… (3ème Y) vient vers moi et me demande de « voter pour (lui) donner une nouvelle chance dans le collège » (lors du conseil de discipline qui aura lieu en décembre). Je lui ai répondu que je serai à ce conseil pour témoigner, et que de toute façon, je n’y ai pas de droit de vote.
À ce moment, deux jeunes gens se sont interposés sur mon chemin. Ce sont deux jeunes que je ne connais pas et qui ne sont pas élèves au collège K…, mais que j’avais pu voir plusieurs fois devant le portail du collège.
L’un des deux a déclaré : « Je m’appelle A… comme M…, c’est mon copain, il faut que vous votiez ‘oui’ pour qu’il reste dans le collège, sinon on va vous faire sauter ».
Sur le coup, j’ai été interloquée ; il a répété cette menace tout en me barrant le chemin. J’ai été obligée de le repousser ainsi que son camarade, pour continuer mon chemin.
Puis je me suis arrêtée et retournée ; je leur ai fait comprendre que leurs menaces ne me touchaient pas et que je n’avais pas peur d’eux ; je leur ai dit que s’ils pensaient ainsi aider M…, ils avaient utilisé la mauvaise méthode, parce que si j’avais à « voter », leur comportement me ferait voter « non » avec les pieds et les mains, afin que leur camarade quitte l’établissement.
Je me suis alors rendu compte que d’autres élèves de l’établissement se trouvaient là, dont O…, …, … et bien d’autres élèves de 3ème dont j’ignore les noms, ainsi que …, qui était au collège l’année dernière. En voyant que je m’emportais, O… est venue vers moi et a dit au camarade : « attention, cette prof est ‘hallah’, il faut la laisser tranquille » (ce qui veut sans doute dire ‘correcte’ ou ‘honnête’). J’ai continué à dire au garçon qui m’avait menacée que je n’avais pas peur de lui, et que ce serait plutôt lui qui aurait des ennuis, avec un tel comportement. Je l’ai vu tourner le dos et s’en aller.
Je suis entrée dans l’établissement chercher le Principal adjoint ; quand nous sommes ressortis, les autres étaient encore là, mais pas le garçon qui m’avait menacée. J’ai interpellé M… en lui disant qu’il avait renvoyé son ami - il a protesté : « c’est seulement une connaissance ».
La concierge à l’accueil du collège avait vu l’incident, sans entendre ce que les garçons m’ont dit. Elle est sortie de sa loge au moment où j’entrais pour chercher le Principal adjoint ; elle est venue me demander ce qui s’était passé, et si j’avais été molestée.
Comme vous le savez, Monsieur le Recteur, « La menace, par quelque moyen que ce soit, de commettre un crime ou un délit contre les personnes, est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 € d'amende, lorsqu'elle est faite avec l'ordre de remplir une condition. La peine est portée à cinq ans d'emprisonnement et à 75000 € d'amende s'il s'agit d'une menace de mort. » (art. 222-18 du Code pénal).
Je suis allée voir le Principal du collège, …. Il m’a indiqué avoir pris rendez-vous au Commissariat de police pour que nous y allions le lendemain matin, XXX novembre à 11 heures, pour déposer plainte.
Finalement, c’est pour le mardi … matin (suivant) que le rendez-vous au Commissariat a été confirmé. Je m’y suis rendue. Le policier a convoqué, en leur téléphonant devant moi, l’élève A… M… et sa mère, pour l’après-midi du même jour. Le policier m’a convaincue de ne pas déposer plainte mais de me limiter à une déclaration de main courante, dont je vous joins copie du récépissé (2 pages). À ce que j’ai appris ensuite de la part du policier, venu jeudi 11 au collège, A… M… est effectivement venu et n’a communiqué l’identité ni l’adresse du jeune qui m’avait menacée, indiquant simplement « jouer au foot avec lui ».
Le jeudi 4 décembre, le Conseil de discipline a voté pour le maintien de l’élève A… M… au collège. Il a été affecté en 3ème T, classe dont je n’ai pas la charge, et non plus en 3ème Y.
C’est pourquoi je voulais par cette lettre vous expliquer précisément, Monsieur le Recteur, le déroulement des faits.
Veuillez trouver ici l’assurance de mes sentiments les plus respectueux,
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Je pense qu'en effet il ne faut pas laisser faire. La réaction du commissariat qui conseille une main courante plutôt qu'une plainte me paraît pleine de bon sens, avec convocation du jeune et rappel de la loi.
Il est important qu'il sache qu'il est dans un délit mais il est important aussi de ne pas l'aider à se construire une identité de "délinquant", de "gros dur". Ce qu'il a fait mérite d'être sanctionné sans trop dramatiser. Ce sont des menaces, certes, mais d'adolescents de 15-16 ans, qui veulent aider leur copain.
Bêtement, sans aucun sens des responsabilités, c'est vrai, mais pas forcément parce qu'ils sont dangereux.
Il faut espérer qu'à l'intérieur du collège on ait pu parler de ça avec les personnes concernées, les copains, et les "relations", et bien préciser que la chance donnée par le conseil de discipline n'a rien à voir avec les pressions qui ont été faites.
Par ailleurs, j'adresse des pensées solidaires à la collègue dont il est question et je comprends aussi très bien qu'elle se soit sentie agressée.
Merci samantdi, je ferai passer !
Le problème est que sans plainte, donc sans enquête, le jeune auteur des menaces ne sera pas identifié donc pas convoqué. C'est ce qui m'avait fait conseiller la plainte. Mais même avec plainte, y aurait-il eu enquête ?... Pas sûr pour un fait de cette nature.