Le Monde titrait en novembre 2010 : "Banques européennes : le fiasco des « stress tests ». Le naufrage des établissements irlandais discrédite le travail de simulation mené par les régulateurs."

L'Anglo Irish Bank et l'Allied Irish Bank, qui viennent d'entraîner leur pays dans l'abîme, avec des besoins en capitaux estimés à plusieurs dizaines de milliards d'euros, avaient, toutes deux, passé les épreuves avec succès. Et ce, même si l'Allied Irish se situait dans une zone à risques du point de vue des régulateurs, avec des fonds propres jugés tout juste suffisants pour affronter une nouvelle crise.

Surtout, et c'est là le point capital, les tests européens n'ont pas donné lieu à un mouvement de recapitalisation massif du secteur bancaire, comme ce fut le cas aux Etats-Unis, en 2009, après la publication de stress tests similaires.

L'économiste Nicolas Véron déclarait dans cet article "au lieu de renforcer leurs banques, les Etats ont préféré continuer à vivre sur la fiction d'un système bancaire suffisamment capitalisé pour affronter d'autres chocs. La crise irlandaise a montré que ce n'était pas le cas.", mais il gardait quelque espoir : la troisième vague de tests, en 2011, serait peut-être la bonne ! Tout en avertissant :

L’alternative (à la restructuration, au démantèlement ou à la nationalisation des banques pourries) est pire : la prise en otage toujours plus coûteuse de la décision publique par un système bancaire malade, au risque de perturber les équilibres politiques fondamentaux de l’UE.

Eh bien, si je sais lire le blog du banquier Georges Ugeux (qui me corrigera si j'erre), nous y sommes.

Les efforts de la Commission européenne, et de Michel Barnier en particulier, se heurtent, une fois de plus, à des oppositions en ordre divers des Etats Membres : cela confirme malheureusement le manque de pouvoir de la nouvelle European Banking Authority, qui n’a d’autorité que le nom. Pourquoi avoir pris la peine de créer une telle institution (sans) lui permettre de faire le travail (…) ?

Cela ressemble à s’y méprendre aux tests précédents (…). La démarche ressemble de plus en plus à un déni.

Le test (demandera) un ratio de fonds propres de 5%[1]. C’est d’autant plus insuffisant que (la règlementation) Bâle III prévoit un taux de 8% a un horizon proche.

… Certaines banques (refusent) de communiquer — on ne parle même pas de publier — leurs encours de dettes des Etats de l’Eurozone. Cela ne peut que créer la suspicion, et (laisser penser) que certains gouvernements tentent désespérément de cacher les risques de leurs banques pour ne pas devoir intervenir.

Cette politique de l’autruche ne peut qu’entacher la réputation de l’ensemble des banques européennes, dont certaines, en raison de l’état des finances publiques de leur pays, doivent se financer à des taux exorbitants et ne pourront survivre aux conditions actuelles.

Au lieu de poursuivre une politique courageuse d’intervention sur les cas difficiles, les Gouvernements européens ont effectivement repoussé le problème jusqu’au moment où les mauvais fruits auront contaminé l’ensemble des fruits du panier. Ce sont eux qui auront pris la responsabilité de la prochaine crise financière qui viendra probablement d’Europe, en raison du manque de courage des dirigeants actuels.

Si je comprends bien :

  1. Les banques sans capitaux assurent les fins de mois des Etats surendettés, avec l'argent qu'elles n'ont pas,
  2. Les Etats surendettés renflouent ou garantissent les banques sans capitaux, avec l'argent qu'ils n'ont pas.

Un monde qui marche sans argent : un bonheur d'alter-sarko-mélenchonno-lepénistes-décroissants !


Complément, 9 avril : je découvre avec retard un autre billet de Georges Ugeux "Dette européenne: droit dans le mur?", qui malgré son "?" dans le titre, est tout à fait affirmatif et donne une date :

En juin, le marché des obligations européennes (c'est-à-dire des emprunts d'Etat) sera un bain de sang. Les grands investisseurs américains annoncent qu’ils se débarrassent de leurs obligations souveraines européennes. Le compte à rebours a commencé.

Notes

[1] C'est-à-dire, sauf erreur de ma part, que les banques seront encore autorisées à prêter, à leur compte, 20 fois plus que l'argent dont elles disposent ! Précision importante (9 avril 2011) grâce à un commentaire facebook : dans la phrase précédente, "l'argent dont elles disposent" désigne leurs capitaux propres, c'est la "première couche de fonds propres" (tier 1). Dans les 95% qui restent et que prêtent les banques, il y a aussi de l'argent qu'elles ont elles-mêmes emprunté.