Après Martine Aubry, Jean-François Copé, François Hollande, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Arnaud Montebourg, Hervé Morin, Ségolène Royal et Manuel Valls dimanche dernier, passons au banc d'essai François Bayrou et Jean-Louis Borloo.

Je prévoyais de lire d'abord le livre de François Bayrou, mais il vient de donner des interviews à l'Express et au Figaro dans un format à peu près comparable à celui des autres politiques passés au banc ; ça permet de faire le comparatif dans les mêmes conditions.

J'arrive à 19 : c'est bien plus convaincant et solide que toute la concurrence, encore insuffisant pour sauver le pays, mais il faut sûrement s'y mettre à plusieurs pour y arriver !

  • Le déficit et la dette sont cataclysmiques, le chômage l'est aussi, mais c'est parce que, dans un nombre impressionnant de secteurs, nous ne produisons plus. Ça rejoint tout à fait la conclusion à laquelle j'arrivais, à ma propre surprise, cet après-midi en comparant les budgets des 60 dernières années grâce aux chiffres de l'INSEE ; mais l'interview de François Bayrou ne propose que des stimuli assez flous le soutien à l'entreprise, aux PME, en transformant la fiscalité et la répartition des charges sociales et travailler sur l'image de marque de la France, le Fonds de soutien à l'investissement doit être redirigé vers cette politique : la direction est certainement juste mais ce banc d'essai porte plus sur des solutions à court terme. Entre 0 et 2, disons 1 point.
  • nous devons imposer la mondialisation loyale. L'utilisation par la Chine d'une monnaie sous-évaluée est un attentat contre la loyauté de la concurrence. C'est un sujet central et profond : les échanges mondiaux se font dans deux monnaies de singe, surévaluées par effet de bulle (parce que les superbénéfices de la mondialisation se stockent dans ces monnaies), le dollar et l'euro. Mais la Chine réévalue, depuis plusieurs années. Et les raisons technologiques de la mondialisation sont plus fortes que les raisons monétaires. Là encore, entre 0 et 2, 1 point.
  • François Bayrou donne en exemple l'Agenda 2010 de l'Allemagne qui a accepté la mondialisation, assoupli le marché du travail, puissamment incité à l'emploi, certes avec une période de modération salariale : l'arbitrage en faveur de "plus d'emplois", la lutte en priorité contre le chômage de masse, me semble absolument essentiel pour sortir de la crise. Dans le banc d'essai, seule Martine Aubry lui donnait la même importance. Ça vaudrait 3 points direct, mais les solutions sont encore générales, et "assoupli le marché du travail" veut dire quoi ? Ce qu'il faut assouplir, c'est en priorité l'entrée dans l'emploi ; les sorties se font hélas déjà. Donc, à discuter : 2 points.
  • J'ai combattu la loi sur les trente-cinq heures. Je la combattrais encore si c'était à refaire. Elle a semé un désordre inouï et coûteux, par exemple à l'hôpital. Le comble est qu'à l'époque personne ne la demandait. Et elle a coûté des dizaines et des dizaines de milliards. Les 35 heures à l'hôpital et plus généralement dans la fonction publique ont causé effectivement des surcoûts énormes et lourdement contribué au déficit public. Une solution à ce problème vaudrait 3 points, mais elle est difficile — d'ailleurs aucun autre politique du banc d'essai n'a osé l'aborder ! Sujet à discuter (2) mais propositions concrètes attendues (0), disons 1 point.
  • la sanctuarisation des moyens de l'éducation en échange d'un contrat de résultats. L'approche proposée des difficultés de l'Éducation Nationale et des solutions (partir des classes qui marchent) me semble ce dont on a le plus besoin, mais sur le sujet du banc d'essai, l'impasse financière reste : "non noté".
  • réduire les dépenses, les interventions de l'Etat : il me semble très juste de remarquer que les dépenses qui peuvent être réduites, ce sont surtout les "interventions", plutôt que le reste, c'est-à-dire que les salaires des agents publics. Achats d'armement, subventions, transferts financiers à d'autres organismes eux-mêmes dépensiers… À discuter certes pour préciser. 2.
  • récupérer 20 milliards d'euros sur les niches fiscales : ça me semble un ordre de grandeur très juste de ce qui est possible et efficace. 3 points.
  • augmenter la TVA de deux points… C'est un impôt imparfait, mais sûr. En Allemagne, il y a eu une hausse de trois points de la TVA. La société allemande l'a bien supportée. À en juger par l'expérience du gouvernement Juppé (+ 2 points), et par le fait que les socialistes, qui avaient combattu cette hausse, en ont ensuite gardé la moitié (-1 point seulement), François Bayrou n'a pas tort. Et ça ferait près de 20 milliards d'euros. 3.
  • J'instaurerais une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu à 50 % pour les revenus élevés : OK, environ 2 milliards selon mon estimation d'avant-hier concernant Hervé Morin, mais avec des inconvénients : 1 comme pour M. Morin.
  • diminuer le train de vie de l'État et de ses dirigeants : c'est important même si les bénéfices à en attendre sont modestes. 1 point si on regarde l'aspect comptable.
  • passer un contrat de modération avec les collectivités locales : 2 comme pour Hervé Morin et pour la même raison.
  • rééquilibrer les comptes sociaux : c'est-à-dire ceux de l'assurance maladie et des retraites. 2 pour la même raison que précédemment : il faut déjà le dire, et presque personne ne l'ose. Il faut ensuite discuter les moyens.

(Jean-Louis Borloo : à ajouter plus tard, j'ai pris du retard !)