Un post Facebook de l'excellent Jean-Michel Billaut me fait remarquer "Les guerres de l'X", un article très clair des Échos sur la réformette de Polytechnique :
Tout commence le 6 juin, lorsque Jean-Yves Le Drian promet une « révolution ». L'Ecole est « trop limitée en taille », « trop peu visible à l'international », déplore-t-il, en vantant « une stratégie de croissance clarifiée ». (…)
« Pendant que nous glosons à l'infini sur les meilleurs moyens de préserver les subtilités de notre système, les grands pôles américains et asiatiques ne cessent de gagner du terrain… Sous peu il sera trop tard » (selon le) rapport (Bernard) Attali. (…)
La communauté polytechnicienne, qui rassemble l'Ecole, l'Association des anciens et la fondation de l'X, est divisée. Les uns rejettent en bloc le rapport. Les autres prônent un « soutien exigeant », critique. Cette ligne l'emporte, avec l'élection, le 9 juillet, d'un nouveau président de l'Association des anciens, Bruno Angles.[1](…)
Début décembre, Jean-Yves Le Drian fait valider par François Hollande les grandes lignes des annonces qu'il fera à Palaiseau, le 15 (janvier 2016). L'Ecole va rester sous la tutelle du ministère de la Défense, la solde des élèves sera maintenue, aucune loi de nationalisation ne dépossédera les anciens de l'X de leur hôtel particulier du 7e arrondissement, il n'y aura pas non plus d'admission post-bac comme à Sciences po, ni de fusion des écoles d'ingénieurs. L'admission post-bac, que les polytechniciens voyaient comme un risque de « dilution de l'excellence », va devenir un bachelor. Ce diplôme d'inspiration anglo-saxonne, en trois ans, accessible après le bac, devrait attirer les étudiants internationaux et apporter des ressources financières nouvelles.
En d'autres termes, le projet de révolution a accouché d'une réformette, de la création d'une formation croupion — comme bien d'autres écoles d'ingénieurs ou de commerce l'ont fait, histoire "d'étirer leur marque" — et c'est bien dommage de n'arriver qu'à cela.
Mais les "révolutionnaires" du CAC 40 partaient sur de très mauvaises bases : "grossir" rien que pour faire plaisir au classement de Shanghaï !
Imaginez si on disait la même chose aux start-up : tiens, vous êtes trop petite et peu visible, fusionnez avec vingt autres et vous monterez dans les classements… Si en quinze ans d'innovations mondiales, "small is beautiful" reste ignoré, c'est triste.
Sans avoir participé aux débats, j'ai l'impression que l'Association des Anciens, l'AX, a fait un travail remarquable sur ce projet de réforme. Qu'elle a su éviter, comme Les Échos le montrent, un blocage réactionnaire.
Il reste à entretenir et élargir le mouvement pour faire la révolution technologique, iconomique. Pour que l'X devienne un foyer de la transformation numérique, et non plus le vivier de recrutement de la caste industrielle et financière… celle qui "glose à l'infini sur les meilleurs moyens de préserver les subtilités de notre système" et de ses privilèges hérités, incarnant à elle seule le déclin français.
Notes
[1] Déclameur : je suis diplômé de la même promotion que Bruno, pour lequel j'ai la plus grande estime !
Bonne année Frédéric.
Je pense que l'X (dont je ne suis pas ancien élève doit sortir de sa Tour d'Ivoire, tout en gardant son identité et ses spécificités.
Une discussion assez riche là dessus, mais dans le cadre du Plateau de Saclay.
https://rachelgliese.wordpress.com/...
Je sais bien que ce n'est pas votre tasse de thé, mais puisque l'X est sur le Plateau depuis 1972, autant qu'elle participe à ce qui s'y fait.
Avec le fameux point de vue X.
Les autres grandes écoles devront défendre leur identité de toutes façons.
@ XS : merci pour ce commentaire ; oui, je trouve que les regroupements sur le Plateau de Saclay sont un énorme gaspillage (et une perte d'opportunités) alors que Paris est un site parfait pour l'enseignement supérieur et l'essentiel de la recherche… mais puisque l'X y est, et y était déjà de mon vieux temps, autant qu'elle participe à ce qui peut s'y faire d'utile, tout à fait d'accord avec vous.
Le billet que vous mettez en lien exprime parfaitement le ridicule de tous ces regroupements / toutes ces articulations décrétées d'en haut. Quand l'État ne sait pas quoi faire, il joue au meccano.
Mais que ce soit dans le cadre institutionnel ainsi défini, ou en-dehors, je suis certain qu'il y a plein d'opportunités à saisir pour faire du Plateau de Saclay un foyer de création intellectuelle… riche de la diversité de ses cultures estudiantines.