Quelques micro-nouvelles… en 230 caractères chacune, parfois un peu moins ! Dans un même genre near-future Sci Fi. Participations au défi #Writever de février 2021 sur les thèmes imposés suivants :

writever_fevrier_21.jpg, fév. 2021

Le monde de “il était une fois”, sans virus, nous pouvons à peine l’imaginer, nous de l’Arche. Nous les 28 qu’AltSpace a pris à la naissance et satellisés, “Bats won’t fly that high”, leur slogan.

Imagine que tu n’as vu tes parents que par Zoom *parce qu’ils t’aiment*.


Alex était fait pour la Terre, pour le défi du poids.

Il a testé tous les trucs pour grimper dans la bulle comme un gecko, ou pour sauter d’en haut et atterrir sans crash, en général. L’aventurier.

Depuis qu’on est dans l’espace, avec son lémurien, ils se regardent.


Pour Tiv, ça n’a rien changé, de passer de la bulle au sol à la station.

Toujours plongé dans les vidéos, les photos, les enregistrements, il vit dans un autre monde. Une autre ronde, une autre tombe. Celle des oiseaux.

Il essaye d’imaginer ce que ça pouvait être.


Pascale ghoste Guy.

C’est piteux, quand tu vis dans les mêmes 1000 m3.

Mais elle n’en pouvait plus. Il la frappait. Les coups, ça ne fait pas bien mal, mais ça fait peur : et demain ?

Étranglée ?

Piquée ?

Dépressurisée ?

Combien de temps l’amour dure en orbite ?


Pascale est tombée malade. Très faible. Fièvre. Raide de partout. Petite toux sèche. Perte de goût.

Elle avait reçu un paquet de la Terre.

Passé aux UV, quarantaine au vide, tout… mais qui sait ?

Test négatif.

Jusqu’ici, tout va bien : on n’a pas eu de cas zéro.


L’épidémie, les gens, espérant du secours, qui viennent mourir devant chez nous.

La nuit, et l’aurore.

Et la guerre, j’ai vu la guerre, et la peur des gardes AltSpace.

Je les voyais, muettes, de derrière le blindage.

De la station, je ne vois plus que les nuages.


“Mato les pieds sur terre”.

Ses bourrades.

Ses termitières, sculptées façon facteur Cheval, pour l’oeil des visiteurs.

Son trou dans le jardin, et Mato rigolant de la queue aux gogues.

Mato en orbite ?… Quelque chose en lui ne tourne plus rond.

Seul avec son ça.


Les Patrick ! Patrick ! et les Y-sa, Y-sa

Les Trop bien ! Les Waouh ! Vas-y Joe !

Ces cris et leurs échos dans le dôme-prison

Ces cris qui nous soudaient autour de nos alphas

se sont éteints dès l’allumage de nos fusées

Dans l’espace, personne n’entend la groupie.


Le jeu du dôme mimait nos rêves d’évasion. Lô au sol, tous les autres en tas sur lui ; Lô, il avait 17 ans, se contracte, résiste à la pression, se soulève, se dresse, et les gamins tombent comme des pommes.

Comment il faisait ?

Mon corps flottant n’en sait plus rien.


“Antisocial antisocial antisocial antisocial antisocial antisocial antisocial antisocial antisocial antisocial antisocial antisocial…”

Quand Fred sature, on le fait sortir. On coupe le son. Il peut marmonner tant qu’il veut. Pourvu qu’il ne coupe pas la ligne de vie.


Steffie était la parfaite seconde, présente, souriante, sans idées folles ni états d’âme.

Quand AltSpace a choisi qui partirait pour l’Arche, ses grands frères se sont désistés ; elle non.

Dès l’envol, elle a semblé soulagée.

De quoi ?

Dans la station, tout se sait.


Le look de Conan — sa mèche à la mesure de son pif — a tenu vingt ans dans la moiteur du dôme.

Il détonne dans notre station, moitié chouchous moitié scalpés.

Conan se tient prêt au retour sur Terre, après l’humanité.

Aux garrigues désertes, et au mistral gagnant.


Ce qui manque à Conan, c’est la nuit.

Les soirs, il partageait bière sur bière autour du brasero solaire, puis il pionçait raide. Il fallait pour le réveiller un soleil au zénith. C’était son équilibre.

45 minutes seulement d’ombre terrestre, c’est une nuit de folie.


– Là-haut, c’est un vrai laboratoire à positions, j’ai compris. Mais l’amour ? Sans la brise, sans l’eau vive ?

– Oh l’amour… il faut tenir le couvercle fermé.

Mais, sous le blindage en verre, on en voit l’essentiel : le miel et les abeilles, et la bruyère en fleurs.


Au sol, le livre “Mangez vos soucis” en main, on vibrait pour un dé de soupe fait des trois orties folles qu’on trouvait, pour des chapatis de dix feuilles de plantain avalés à l’huile d’olive.

J’y repense en lisant sur l’aluminium : “extrait de fruit de la passion”.


Presque 16 fois par jour, on survole le dôme de notre vie d’avant. Notre réserve à histoires. 5782 chances par an d’y trouver quelque chose qui restait caché, la confidence qui bougera l’entrelacs de nos relations.

Quand la dire ? Au-dessus de l’Asie ? Du Pacifique ?


En souvenir des parties mythiques devant le brasero solaire, Conan a insisté pour qu’on continue le tarot physique. Donné 3 cartes par 3, forcément.

Au début, c’était maldonne sur maldonne. L’excuse voletait, le Monde tournoyait, la Mort se cachait.

Tout s’apprend.