Pendant six semaines, j’ai agi un peu à côté de mon rôle d’expert des data, pour essayer d’alerter, puis d’expliquer, ce qui se passait, avec des chiffres. Maintenant tout le monde le fait et c’est très bien ! Je suis revenu à mon “coeur de compétences” pour réaliser avec Diouldé Chartier-Beffa et l’équipe de DCAP Research ce qui est, je crois, la première étude qualitative publiée sur le Covid-19. Je suis très heureux de la présenter ici. Elle donne la parole à, ou plutôt elle écoute et analyse la parole de, 402 médecins, patients et autres personnes, sur l’épidémie.

Nous avons mené une enquête netnographique observationnelle, collectant des témoignages et conversations publiées en ligne, en anglais, autour du sujet « Traiter le Covid-19 ». Le corpus inclut des textes publiés par 402 médecins, patients ou autres auteurs, de 25 pays (une majorité des États-Unis), sur 41 réseaux sociaux ou sites web. Une classification automatique non supervisée du texte a été réalisée. La répartition qui s’en dégage des étapes et des rôles n’est pas inhabituelle dans le domaine des soins de santé, mais chaque étape ou rôle apparaît brisée par l’épidémie de Covid-19.

Cette enquête apporte des éléments pour une meilleure compréhension mutuelle entre acteurs du soin, dont les professionnels de santé, les patients, les médias et les décideurs politiques. Au-delà de cette compréhension, l’examen de chaque étape suggère des pistes pour remettre le système en état, et pour affronter plus efficacement le Covid-19.

Ça s’appelle “Pistes pour remettre en marche le système de soins de santé après la fracture du Covid-19 : enseignements d’une enquête netnographique sur les témoignages et conversations de médecins et de patients”

Un résumé très bref en français avec dessins ici (15 avril).

La version finale, au 15 avril, en anglais avec un titre plus académique (ça n’a servi à rien, le papier a été retoqué partout. Je pense que c’est le meilleur de ma carrière, mais bon).

P.S. du 24 août, alors que je re-poste cette annonce et ce lien sur ce blog après sa restauration : un ami, référence dans le domaine de la recherche sur le vécu des maladies graves (et quelques sujets connexes en recherche médicale, dont la réponse au Covid19), me disait début avril : ton papier est très bien, ça vaut la peine d’essayer de le publier ; ce qui suppose de collaborer dessus avec un chercheur ou une chercheuse académique reconnu·e. Je lui ai répondu que le temps de monter cette collaboration et de publier selon un processus classique, les conclusions seraient obsolètes : les décideurs auraient fini par apprendre, certes lentement trop tard, ce que notre étude mettait en évidence à la vitesse qui me semblait indispensable. L’ami a sans doute souri : oh non, ça ne sera pas obsolète… Et quatre mois plus tard, des 9 défis qui apparaissaient avec évidence dans les conclusions de cette enquête, 8 n’ont pas du tout été traités ; 1 l’a été, si ça peut consoler.

Bien sûr, c’est là l’expérience banale de qui croit inventer, c’est-à-dire découvrir une réponse à une question que personne ne lui a posée. Beaucoup de gens ont apporté beaucoup plus contre le Covid19, et beaucoup plus tôt, et ont fait face à la même absence d’écoute, juste parce que, en temps de crise, il n’y a plus d’interlocuteurs pour le nouveau. Chacun, à son poste, souque et écope en attendant que ça se termine. Il ne me restait plus, après ces semaines d’activisme en chambre, qu’à reprendre mes activités normales !