Ce 24 février 2017 sur LCI :

Audrey Crespo-Mara : Tous les matins je reçois des politiques, souvent ils parlent faux. Vous, vous parlez vrai : j’avais très envie de vous entendre. Vous dites que l’agriculture en France se meurt. On va en parler.

Candidat sans troupes, sans parti, sans agent, pour que vous soyez élu il faudra soit un cataclysme, soit un miracle !

Jean Lassalle : Peut-être aucun des deux. Il y a une prise de conscience très profonde en train de se faire, je le vois partout. Chez les Américains, on a dit jusqu’au dernier moment que Trump ne gagnerait pas ! La même année, les Américains vont élire le Président le plus milliardé du monde, et les Français, le député le plus modeste.

ACM : Vous en êtes où des parrainages ?

JL : Je suis aux 500 : 17 hier d’un seul coup, ça tombe, là, maintenant ! Mais il m’en faut 250 de plus… lorsqu’on va voir que je suis un candidat dangereux, on va tout faire pour décourager mes Maires.

ACM : Qu’est-ce qui vous distingue des autres candidats, à part le béret ?

JL : J’ai toujours essayé d’être l’acteur de ma propre vie. Je me suis efforcé, et je l’ai payé très cher, de rester aussi indépendant que je pouvais l’être.

ACM : Vous avez lancé votre propre mouvement « Résistons ! » pour accompagner votre candidature, vous résistez à quoi ?

JL : Je résiste au système. Lorsque le mur de Berlin est tombé, au lieu de prolonger notre organisation démocratique, nous avons laissé la bride au cou à la finance et encouragé la spéculation. Non plus pour produire, comme (hier) M. Peugeot, M. Citroën ou M. Michelin, et se grandir par la production, mais uniquement pour amasser des fonds, (pour) les fonds de pension ou pour les aimables Qataris.

ACM : Vous avez grandi dans une famille de bergers béarnais, vous continuez à faire les foins et les travaux dans la ferme familiale, c’est ça le bonheur ?

JL : C’est un bonheur, puis une manière de souffrir et de me ressourcer — souffrir aussi, parce que dans les pentes, vous savez, c’est pas facile ! Mon frère est berger, il a 400 brebis, 20 h par jour de travail ; je pense qu’il gagne de l’ordre de 600 à 700 euros.

ACM : Le salon de l’Agriculture ouvre demain, votre frère y sera, dans un climat très lourd pour les agriculteurs français. Le malheur est dans le pré ? La faute à qui ?

JL : Nous avons perdu 3 millions de paysans au cours des 40 dernières années. C’est une véritable tragédie, comparable à celle de l’industrie, sauf qu’on ne forme pas un paysan, ni un marin, comme on peut former un ingénieur ou un architecte : c’est un art de vivre tout d’abord. Dans les dix dernières années, c’est l’effondrement total.

ACM : La faute à qui ? à l’Europe ?

JL : Ce serait trop simple, c’est aussi notre faute, la faute au système que nous avons laissé s’organiser. Il faut faire de l’agriculture française une grande cause nationale. Placée directement sous l’autorité du Président de la République.

ACM : Dans la vallée d’Aspe où vous vivez, comment vont les paysans ?

JL : Ils ne sont pas bien. Ils sont peu nombreux. J’étais déjà Maire lorsque 30 d’entre eux se sont installés, par conviction, et ils pouvaient le faire, financièrement. Aujuord’hui, il y a la fille de mon frère, peut-être qui va s’installer, et la fille de mon Adjoint : 2, pour reprendre 30 exploitations ? C’est de la survivance.

ACM : Vous avez marché 5000 kilomètres en France, vous avez vu la désespérance…

JL : La France a peur et n’a plus confiance en rien ni en personne. Si vous saviez le sentiment de colère devant la campagne que nous vivons, est-ce que Fillon, est-ce que Macron, est-ce que Mélenchon ?… Ils aimeraient qu’on parle d’eux, et de ce qu’on va faire, c’est ce qu’on va faire, je crois, par vos questions.

ACM : La première mesure que vous prendriez pour l’agriculture ?

JL : Il faut créer un état d’esprit, une chaîne bienveillante de haut en bas, et non pas de contrôleurs qui font peur !

ACM : … et de créanciers. J’aimerais Avec François Bayrou vous étiez amis intimes depuis 40 ans, comme des frères, maintenant vous ne vous parlez plus, pourquoi ?

JL : Il considère que c’est une rupture sentimentale : pas du tout ! Nous avons évolué d’une manière différente. Il était ministre quand le cataclysme s’est engagé… Il a un excellent diagnostic, nous avons le même. Mais dans les mesures à prendre ? Je ne vois pas ce qu’il veut faire. Si c’est pour accompagner la France telle qu’elle est, ça ne change rien ! C’est ce que font tous les Présidents depuis 20 ans !

ACM : Que conseilleriez-vous à Emmanuel Macron et François Bayrou ?

JL : D’abaisser leur ego, parce que sinon, ça va être très dur.

J’ai eu une relation très très profonde avec François, et dans mon esprit, elle le reste. Mais je ne pouvais plus supporter ce que nous allions faire. Je ne le supporte pas.

ACM : Est-ce que vous les croyez capables de redonner l’espoir au pays ?

JL : Non. François a beaucoup théorisé la politique, mais ne l’a pas mise en application. Quant à Macron, c’est le fils chéri de la finance spéculative. Quand on va chercher ses fonds à Wall Street, à la City, ou au Qatar, vous pouvez mesurer la part de pouvoir que vous aurez (mettant la tranche de la main droite au biceps gauche) quand vous devrez exercer votre mandat. C’set le problème de la politique française, ces 30 millions pour la campagne électorale. Pourquoi faire ? Les meetings du Bourget, où on s’enivre de ses propres propos, et on jette ensuite la désolation, parce qu’on se parjure au mois de juin, 2 mois après ?

ACM : Si vous ne parveniez pas à vous présenter, vous rejoindriez qui ?

JL : Personne. Personne.

ACM : La question off devant les caméras. En sortant de ce studio, vous tombez sur François Bayrou, qu’est-ce que vous lui dites ?

JL : La politique et nos engagements exigent que nous ayons une relation humaine. Tu connais la France. Quand tu reviens de Remiremont, que tu apprendre qu’une maternité, qui accueille 900 femmes par an, va fermer par la bêtise humaine alors qu’elle est entièrement équipée ! François, la France a besoin de nous deux, la France a besoin de nous retrouver, mais tu dois accepter ma différence et j’accepterai la tienne.

Moi à sa place, j’aurais dit : « je soutiens Jean Lassalle, comme il m’a soutenu ».