(Développement d'un commentaire chez Hervé Nathan)
Il me semble que nous avons à faire avec une crise de mauvaise foi générale, à droite et à gauche, dans le patronat et les syndicats (sans parler d'une partie de l'intelligentsia[1]).
Du jour au lendemain, ou de juin à septembre, la dette et le déficit ne seraient plus un si gros problème, la faillite de l'Etat et des services publics ne serait plus un risque, l'essentiel serait la bonne vieille relance qui sûrement (comme en 1975, 1981, 1993, etc. etc.[2]), rendrait à la France sa prospérité passée, et l'emploi bien sûr, sans autre conséquence qu'un chiffre de dette qui change.
Comment expliquer cette hallucination collective ? Je pense que le responsable est le taux d'intérêt très bas que paye actuellement la France, grâce aux deux AAA qui lui restent (et à la perte de ce AAA par nos voisins, qui oblige les prêteurs à venir chez nous). C'est donc "embrassons-nous Folleville" : surendettons-nous tant que, par ce miracle, c'est bon marché. Bien sûr, ainsi surendettés, nous perdrons dans la foulée, et les AAA, et la possibilité d'emprunter encore. Bien sûr, la faillite en aura été accélérée : mais au moins, on aura pu se raconter des histoires 6 ou 12 mois de plus. Ce qui n'a pas de prix.
Autre explication possible à cette illusion générale : une sorte de rationalisation, après coup, de la défaite de François Bayrou à la présidentielle. Puisqu'il donnait la priorité au sauvetage de l'État, et puisqu'il n'a pas été élu, c'est que l'État ne coule pas.
Ah ben oui, tiens. Les salaires, retraites, remboursements Séc Soc, viennent sûrement de compartiments étanches ! Sûr, les chefs d'État successifs ont planqué aux Caraïbes quelques centaines de milliards pour payer demain les fonctionnaires et les retraites. Comptons dessus.
Notes
[1] Complément 6 septembre : et une personne aussi éminente qu'Olivier Passet, de Xerfi, appelle à "se faufiler entre les mailles du Pacte de stabilité". Tout en le votant ?
[2] Les nouveaux venus sur ce blog l'auront compris aussi bien que les anciens : c'est une blague, certes vaseuse. Il y a plus de 40 ans que les stratégies de relance ne marchent plus, et ne servent qu'à creuser la dette.
Certes, mais pour parodier une réplique** de "embrassons-nous Folleville" :
"On ne peut pas ne pas aimer notre président normal !"...
** "On ne peut pas ne pas aimer ma fille !" (Argument ultime de Manicamp, scènes II, VIII et IX)
La fin des énergies carbonées peu chères, à la fois pour des raisons de ressources et à la fois pour des raisons d'émissions de CO2, empêche définitivement d'espérer un retour à la croissance; qu'il suffise d'ailleurs de songer qu'une croissance lissée sur dix ans de plus de 2% est un souvenir qui remonte aux années 70. Et l'on entend encore les politiques parler de croissance pour un retour à l'emploi et une inversion de la tendance du chômage. Il y aurait pourtant une opportunité de voir le mur qui s'approche et de changer de modèle; le changement - le vrai - attendra encore et sans doute se fera-t-il dans la douleur à force d'attendre le dernier moment. En attendant, c'est "jusqu'ici, ça va; jusqu'ici, ça va; jusque ici..."
(voir notamment le site de Jean-Marc Jancovici, et en particulier: http://www.manicore.com/documentati...)
Lorsque vous serez lassé de raconter des clowneries:
"paye actuellement la France, grâce aux deux AAA qui lui restent "
Merci!
@ Françoise Boulanger : bravo !
@ Laurent Quivogne : d'accord avec Jean-Marc Jancovici sur le fait qu'entre l'économiste et le physicien, je ferai plutôt confiance au physicien ; pas d'accord pour en déduire que la décroissance de la valeur produite, est inévitable : la seule décroissance certaine est celle de l'énergie fossile consommée. Il reste à nos économies à apprendre à faire plus de valeur avec moins d'énergie fossile, et, par exemple, plus de "cerveau d'oeuvre" pour s'en passer.
@ Martine : je me réjouis que votre commentaire ne comporte aucune attaque personnelle, ce qui me permet de le laisser ; je regrette qu'il soit si mal informé et si peu constructif.
"rendrait à la France sa prospérité passée" : d'accord à 100% : il est temps de sortir de cette illusion : la terre a continué à tourner depuis l'après-guerre, mais nos (vieux) politiques actuels l'ont-ils vraiment intégré ? Il est plus que temps de changer vraiment de génération politique : mais j'ai l'impression quand je vois les candidats à la présidence de l'UMP et du PS que ce n'est pas gagné !!!...
@ Martine : vous vous faites du mal, pourquoi ne pas fréquenter des blogs qui ne vous mettent pas dans cet état ?
Changer de génération politique, ça semble sympa dit comme ça. Sauf que les 18 - 25 ans votent en majorité FN...
@ J.LURIE : en fait j'avoue que je ne vois pas le rapport entre le vote FN des jeunes et une hypothèse de changement de génération politique. Mais peu importe... La vraie question, c'est pourquoi ils votent FN ? (si ce que vous dites est vrai... y-a-t-il une source ? car cela m'intéresse) Car évacuer la chose en disant "de toute façon ils votent FN" est un peu facile, et c'est justement l'ancienne génération qui évacue les problèmes de cette sorte (Chirac, Hollande pour les exemples) : finalement, l'ancienne génération fixe en quelque sorte un bien et un mal politique : voter FN serait mal et donc à évacuer totalement. Bizarre... Ma réflexion serait plutôt de dire : si la majorité des 18-25 ans vote FN, alors une raison de plus pour changer de génération politique. Facile à dire ? Pourquoi ? Moi je trouve surtout facile à faire : quand on élit des présidents soixantenaire, il ne faut pas s'étonner qu'ils raisonnent en permanence comme des retraités !!! (désolé pour l'attaque personnelle : mais cela vaut pour tous les présidents !) Bien que la tête de l'Etat demande de la sagesse, si on attend d'elle qu'elle résolve des problèmes économiques, il faut surtout des hommes innovants. Quant à la sagesse, je crains que nos derniers hommes d'Etat n'aient pas vraiment cette qualité, alors...
Illustration, il me semble que Tony Blair avait des ministres très jeunes (moins de 30 ans à vérifier pour les pros du net...) et que cela ne posait aucun problème...
Autre illustration : en 1991, Hollande et Moscovici écrivaient un livre ensemble "L'heure des choix" : 20 ans plus tard, ils se retrouvent au pouvoir... il était temps d'une certaine manière, mais j'espère qu'ils ont changé de proposition de recette en 20 ans ??
Dans le genre mauvaise fois, le proclamé économiste Jacques Sapir:
http://www.lemonde.fr/idees/article...
Bien sûr, sans l'Euro, toute l'Europe va se mettre à bien fonctionner et les crises monétaires n'existeront plus. Tout le monde sait cela. Et d'ailleurs un ancien ministre brésilien le dit ..
Pour le vote FN des jeunes, l'IFOP ( http://www.tns-sofres.com/_assets/f... p 6) annonce 23% et 24% de vote M.Le Pen le 22 avril chez les 18-25-34 ans. Derrière Hollande, et très légèrement devant Sarkozy (et son discours droitisant).
L'IFOP ( http://www.ifop.com/media/pressdocu... ) lui donne 21% de vote Le Pen chez les moins de 35 ans. (derrière Sarkozy et Hollande du coup). Et le vote FN des moins de 35 ans musulmans n'est que de 3% (on comprend!). Ce qui veut dire que le vote FN chez les moins de 35 ans non musulmans serait 24 ou 25%. C'est mauvais d'ailleurs que le clivage politique se double d'un clivage religieux. Encore une fois, on ne remercie pas Sarkozy.
D'accord avec jbl pour changer de génération politique. Ras la casquette du "je bouge pas pour pas perdre mes électeurs !". Pour répondre à J. LURIE, s'il y a d'autres candidats jeunes (càd < 50 ans comme Marine Le Pen), le vote se répartira naturellement mieux qu'actuellement.
A l'échelle collective, les jeunes sont en moyenne plus préoccupés par le long terme que les vieux, cela semble également naturel.
Le gouvernement actuel semble plus préoccupé par sa cote de popularité que par la crise. C'est important d'être populaire pour emmener la nation dans une direction, mais j'ai quand même le sentiment qu'il ne prépare pas de plan d'action à la mesure de la situation...
Reste un frein au renouvellement des élus : les électeurs plus âgés étant de plus en plus nombreux et votant plus facilement pour leurs pairs...
Moralité : notre société pâtit de son vieillissement, et pas seulement pour payer les retraites.
Comment sensibiliser tout le monde aux enjeux de long terme ? Médias et élus politiques, au boulot !!
Vous laisse bien volontiers à vos médisances FLN," deux AAA" , rien ne vous choque?
Dois etre trop terre à terre, je suppose.
@ Martine : il y a 3 grandes agences de notation, dont 2 notent la France AAA (ici la France = l'État comme emprunteur).
@ jbl, J. LURIE, ZigHug : je crois en effet que le vote FN traduit une conviction que les politiques sont impuissants, ou sourd-aveugles : dans ce cas, autant voter pour un incompétent qui criera plus fort. L'antidote à ce type de partis, c'est un gouvernement conscient, capable et courageux. L'avons-nous ? Le cas échéant, il lui reste quelques semaines pour le démontrer.
"gouvernement conscient, capable et courageux" : force est de constater que cela fait quelques années que ce n'est pas le cas, et que, malgré les semaines de surcis que tu lui donnes, ce n'est pas non plus le cas du gouvernement actuel. Le gouvernement, c'est avant tout des hommes et des femmes, donc si ça ne fonctionne pas, on change les hommes et les femmes !