Quand les mots sont usés d'avoir donné leur voix… chantait Mannick. Les mots qui ne font plus l'amour, il faut les mettre en quarantaine, et dire tout simplement je t'aime avec de la musique autour. Vassilis Alexakis a choisi une variante de musique, les mots étrangers.

Nous avons pris une b… de veste de râteau il y a quinze jours, après une série d'autres. Pour plein de bonnes raisons sans doute ; l'une de celles-ci, qui me touche directement comme blogueur, c'est que nos mots sont usés. Je l'ai ressenti ces dernières semaines : j'avais de plus en plus de mal à trouver le mot juste, la phrase qui tient, le slogan qui porte. Et comme nous n'avions que ça au Centre pour convaincre, les mots — contre ceux qui avaient le pouvoir, ceux qui avaient les non-dits, ceux qui avaient les éructations et postillons — si nous ne les avons plus, nous sommes vidés, brisés.

Une amie croisée dans le train vendredi matin me parlait de ce qui se passait "depuis cinq jours". Cinq seulement ? Ça m'a bluffé. J'étais tellement passé à autre chose, je m'imaginais que l'élection était passée depuis des semaines et des semaines.

Une décennie se termine bientôt. Le 2 septembre 2002, je rédigeais mon petit manifeste perso "pour un parti démocrate". Puis j'ai adhéré à ce qui promettait de devenir ce parti, et la promesse s'est effectivement réalisée avec le Mouvement Démocrate. J'ai été "repéré" au hasard d'un Congrès par le Président du parti, j'ai contribué comme j'ai pu à la campagne et à la construction du MoDem. Nous menions un combat qui me semblait et me semble toujours le bon, celui de l'intérêt national, d'une France solidaire, celui de permettre à notre société française de trouver sa place dans un monde nouveau.

En apparence, l'échec est complet. La société française, l'opinion publique, nous a un peu regardés, écoutés, appréciés, et jetés. Nos demi-victoires se comptent sur les doigts d'une ou deux mains. Les acheteurs des autoroutes ont dû payer un ou deux milliards de plus que prévus, mais ils ont bien eu leurs autoroutes, en gagnant encore une dizaine de milliards sur le dos du contribuable ou de ses enfants. Le fichier Edvige au nom charmant a été retoqué, mais les gouvernements en ont fait passer une série d'autres aux noms plus discrets. Jean Sarkozy a renoncé à la présidence de l'Epad, mais elle a été à Joëlle Ceccaldi-Raynaud. L'opinion publique a reconnu que la sortie de crise demanderait de "produire en France", mais a porté au pouvoir le parti le plus étranger aux entreprises et à l'économie réelle. So what?

Pour construire un avenir démocrate pour la France, il ne reste plus grand chose.

  • Un million ou deux de financement public (selon le nombre de députés ou sénateurs qui verseraient leur obole chez nous au lieu de le faire chez M. Borloo) au lieu de quatre avant : vague de licenciements en perspective ; j'espère que le Conseil National du 30 juin aura le courage d'en parler, des personnes qui perdent leur travail (plutôt que de la frustration des bénévoles battus).
  • Un immeuble qui appartient à l'UDF, et un comité provisoire de l'UDF qui va devoir décider quoi en faire, d'ici fin 2013, terme de son mandat triennal.
  • Un nom connu, François Bayrou, classé avec Mendès, Rocard, Barre ou Delors dans la catégorie des espoirs déçus.

Même nos mots sont usés, mais bon ! Les majorités électorales contraires n'auront pas ma liberté de penser.

C'est elle qui m'a conduit à créer ce site il y a bientôt dix ans, à laisser mon entreprise pour un engagement politique, à me porter cinq fois candidat aux élections. Reste à trouver comment tout ce temps passé pourra être efficace, utile, devenir une réussite.

Personne ne nous donnera la liberté. Personne ne nous donnera l'indépendance. Le voleur qui nous vole a raison, c'est vous qui avez tort de vous laisser voler. C'est tout. Norbert Zongo.

Corrections de style sur le 4ème paragraphe — 25 juin, 23:50, après les commentaires 1 et 2.