En 2008 on rafistolait pour quelques mois ; cet été pour quelques semaines ; à Bruxelles pour quelques heures ; voici venue à Paris la rigueur micro-ondes : un mélange d'ingrédients de fond de frigo, réchauffé vite fait dans les cuisines de l'Elysée, servi fumant par le Premier Ministre devant les caméras, inconsistant au premier coup de fourchette, défraîchi au second — il suscitera au mieux sur les marchés, un sonore "triple Ah" (Ah, ah, ah !).

Faisons la liste avec l'aide du Point :

  1. Création d'un nouveau taux intermédiaire de TVA : aubaine pour les éditeurs de logiciels de compta qui pourront vendre une nouvelle version, galère pour les entreprises comme pour les administrations qui devront se farcir cette nouvelle version, tout ça pour augmenter de 1,5 points sur une sélection de produits et services… là où il aurait suffi, pour économiser deux ou trois fois plus, de repasser la restauration aux 19,6% d'où elle était venue. NUL.
  2. Suppression du dispositif "Scellier" en faveur de l'investissement locatif : voilà qui est presque substantiel, puisqu'il coûtait environ 1 milliard. L'économie réalisée est donc de… ZÉRO EURO, sachant que le Scellier prendra fin… à la date qui était déjà prévue dans la loi qui l'instituait !
  3. Autres suppressions de niches fiscales : estimées à 1,6 milliard. Ben, il en reste encore 50 ou 60, paraît-il, les conseillers en défiscalisation peuvent prospecter tranquille. BOF.
  4. "L'application du passage de l'âge légal de départ en retraite à 62 ans est avancée d'un an (2017 au lieu de 2018)" : ça ne rapporte rien à court terme, mais économisera au total 4,4 milliards d'ici 2016. Le plus incroyable est le culot avec lequel le gouvernement revient sur cette réforme des retraites qu'il vantait comme son grand oeuvre. Il admet donc, quelques mois plus tard, qu'elle était loin d'assurer l'équilibre des régimes. Bon, d'un autre côté, le gouvernement était le seul à croire à son bobard. Et le phasage de 4 mois en 4 mois prévu par la réforme faisait bizarre, l'unité de compte étant le trimestre pour les retraites… Voyons ça comme un rectificatif.
  5. "Réduction des surfaces occupées par les administrations portée à 5 % pour les trois prochaines années et programme de cessions immobilières accéléré pour atteindre 500 millions d'euros par an." Plus facile à dire qu'à faire, mais bon : si on passait les services centraux de l'État au régime canadien et le Parlement au régime Weight Watchers, il y en aurait des immeubles dans le VIIème à revendre.
  6. "Assurance maladie : progression des dépenses ramenée à 2,5 % à partir de 2012, au lieu des 2,8 % prévus au départ (500 millions d'euros d'économies)" : sans dire comment ? je rêve, ou le gouvernement veut en remettre un coup dans les franchises et les déremboursements ?
  7. "Prestations sociales : revalorisation hors minima sociaux et revenus de remplacement gelée à 1 % pour 2012-2013, soit le niveau de la croissance prévue par le gouvernement. Économie escomptée de 500 millions d'euros." Si je comprends bien, le gouvernement se contente d'écrire là qu'une plus faible croissance lui permet quelques économies sur les allocations. Écrivez, écrivez…
  8. "Grandes entreprises : majoration de 5 % en 2012 et 2013 de l'impôt sur les sociétés des entreprises dont le CA dépasse 250 millions d'euros, "pour un rendement de 1,1 milliard d'euros", précise Matignon." Le ridicule du chiffre (un mois de bénéfice d'une de nos multinationales…) n'a d'égal que la vanité d'une mesure ponctuelle, face à un problème structurel — si l'extrême-gauche a raison sur quelque chose, c'est bien là-dessus[1].
  9. "Impôt sur le revenu : gel du barème en 2012 et 2013 au niveau de 2011, … Le rendement s'élève à 3,4 milliards d'euros, dont 1,7 milliard d'euros en 2012." Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer en quoi un "gel" constitue une économie nouvelle ?
  10. "Prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) sur les dividendes et les intérêts porté de 19 % à 24 %, disposition qui doit "générer 600 millions d'euros de recettes"." Voilà une mesure que j'approuve volontiers. Bravo. En revanche je suis étonné qu'elle rapporte si peu ! Cela signifie que seulement 12 milliards de revenu du capital sont soumis au prélèvement libératoire ? Et les autres revenus du capital, ils sont taxés comment ? Encore moins ?
  11. "Gouvernement, partis politiques et collectivités : le salaire du président de la République et des ministres est gelé "jusqu'au retour à l'équilibre des finances publiques" ; réduction de 5 % du plafond de remboursement des dépenses des campagnes électorales et des aides aux partis politiques ; rapports annuels des régions, départements et communes de plus de 10 000 habitants sur leurs dépenses dans un souci de "transparence"." Là, il fallait citer l'intégrale tellement c'est ridicule. Les budgets des collectivités sont votés, publics, en tout cas consultables… Et le salaire du Président de la République, il aurait pu judicieusement être ramené au niveau de 2007. Non ?

Mes recommandations sur ce plan de rigueur et sur ce gouvernement tiendront en deux lignes :

plan_de_rigueur.jpg

Il y avait bien mieux à faire, pourtant.

Notes

[1] Et Jean Peyrelevade aussi, quand il dénonce les bidonnages de l'extrême-gauche sur ce même sujet, et le niveau insuffisant de marge des entreprises, prises globalement.