Vous qui trouvez twitter aussi léger que répétitif… les blogs existent toujours !

Et ce genre de conversation capitalise sur le long terme : plusieurs mois !!!

Voyez cet exemple : Art Goldhammer donnait en novembre une excellente interview au blog The Current Moment. Interrogé sur les protestations du type "Occupy Wall Street" et "Indignés", il appelait à des réponses non seulement politiques mais intellectuelles :

Manifestement, il y a quelque chose qui cloche dans notre compréhension de l'économie, spécialement pour ce qui est des systèmes monétaires et de la stabilisation macro-économique. Tant qu'on n'y verra pas plus clair, les décideurs politiques échopperont sur ces problèmes dont ils saisissent mal les origines, et les gens demanderont des solutions… en fait incohérentes et potentiellement destructrices. (…) Dans l'intervalle, il faut redistribuer les revenus vers le bas, les élites doivent relâcher leur étranglement, rendre de nouveau possible l'ascension sociale par l'éducation[1].

Fin janvier, un auteur de The Current Moment reprenait :

Obama, Hollande et d'autres veulent un retour à des valeurs plus traditionnelles, où l'argent compte moins que les gens et que le bien commun. Il y a des limites évidentes à cette critique. Le capitalisme est de nature systémique, il est construit sur un ensemble de relations sociales, qui sont plus que l'accumulations d'intentions individuelles (morales ou amorales). À défaut de s'attaquer à l'ensemble spécifique de relations sociales qui est le socle du capitalisme financiarisé actuel, les appels à une société meilleure ou plus juste ne nourriront que la déception, car rien ne changera[2].

Et en commentaire :

Obama, Hollande et d'autres ont bien saisi la tonalité, essentiellement morale, des mobilisations. Comme pour les mouvements Occupy et Indignés en général, le danger est que la frustration, due à l'inefficacité de cette critique (morale), rende demain la mobilisation plus difficile[3].

Finalement le blog a consacré fin février un billet entier au cas de François Hollande, repris aujourd'hui en français chez Courrier International :

En critiquant le système de façon moralisatrice, Hollande le préserve (…) Ce genre de chose marche en Italie pour le moment, car les Italiens se félicitent de la fin de l'orgie berlusconienne. Hollande parie que cela marchera pour lui dans les élections à venir. Ce sera peut-être le cas, en particulier si les riches de France comprennent que Hollande n'en a pas après eux mais qu'il est leur sauveur.

Et là, je ne suis pas tout à fait d'accord : les riches, pour autant qu'ils soient propriétaires fonciers ou investis d'autres façons sur le territoire national, sont en grande partie dans le même bateau que les pauvres ; au sens où la faillite du pays, qui serait accélérée par l'incapacité du programme socialiste à s'attaquer aux racines de la crise, les frapperait tout autant. Un peu plus tard seulement, puisqu'ils sont dans le même bateau, mais sur le pont supérieur.

Notes

[1] Traduction libre et hasardeuse de : There is clearly something wrong with our understanding of economics, especially in the areas of monetary systems and macroeconomic stabilization. Until we achieve new clarity in these areas, politicians will flail at problems whose origins they do not fully grasp, and people will demand solutions that are incoherent and therefore potentially destructive. (…) In the meantime, income must be redistributed downward and elites must loosen their stranglehold on upward mobility through education.

[2] Traduction libre et hasardeuse de : Obama, Hollande and others call for a return to more traditional values where money matters less than people and the common good. There are obvious limits to such a critique. A defining feature of capitalism is its systemic nature: it is based upon a set of social relations that are more than merely the accumulation of individual intentions. Without uncovering the specific set of social relations that are the basis of today’s financialized capitalism, invocations towards a better, fairer society will only breed disappointment as changes fail to appear.

[3] Traduction partielle, libre et hasardeuse de : The problem with the ethical critique is indeed not that it is insufficient but that it is wrong. But Obama, Hollande and others have correctly read the mobilisations themselves. Stripped of a systematic critique of financialisation, their own stance was essentially a moralistic one. Which has now been taken up by the political establishment. As with the Occupy and Indignados movements more generally, the danger is that frustration at the ineffectiveness of this critique will make mobilisation more difficult next time around.