Y a pas que les milliards de dette ou les % du PIB, dans la vie. Y a pas que la productivité, le cours de l'euro et le AAAAA.

Il y a aussi des entreprises réelles, plus ou moins performantes, plus ou moins bien dirigées, plus ou moins attirantes pour leurs salariés, clients ou partenaires…

Et la sortie de crise, c'est tout simplement de créer les conditions pour qu'elles réussissent mieux, pour qu'elles soient plus nombreuses à réussir. À créer efficacement des biens et services utiles, à recruter, à essaimer, à prospérer.

Michel Volle s'inquiète, avec moi, d'un débat politique trop "macro" pour atteindre la réalité de la production. Il adresse une "lettre ouverte aux présidentiables" :

Votre expérience de la politique est riche, vous vous préparez à exercer la plus haute fonction, mais comme vous n'avez jamais travaillé dans une grande entreprise vous ne pouvez pas savoir ce qui s'y passe. (…)

(L'informatisation) a déstabilisé l'organisation des institutions, l'échelle des degrés de légitimité, la structure des priorités et orientations.

Le slogan de la « création de valeur pour l'actionnaire », à la mode depuis le début des années 1980, a … incité beaucoup de dirigeants à trahir l'entreprise en se détournant de la qualité des produits, de l'efficacité de la production, de la satisfaction des clients et des compétences des salariés pour se focaliser sur le cours des actions et sur leurs propres stock-options. Il en est résulté un faisceau de décisions qui, toutes, conspirent, sous prétexte de « faire des économies », à détruire le potentiel productif. (…)

Ainsi apparaît le problème politique essentiel. S'adressant au marché mondial, l'entreprise contemporaine est internationale même si ses racines sont nationales. Dès lors elle entretient avec le pays le même rapport que les grands seigneurs à l'époque de la Fronde : pour promouvoir leurs intérêts et ambitions un Turenne, un Condé etc. ont servi tantôt la France, tantôt ses ennemis. (…)

Nous avons besoin d'hommes d’État qui sachent utiliser les ressources de la diplomatie comme de la force pour instaurer l'équilibre économique du système technique contemporain, tourner au profit du pays son rapport avec les entreprises et contenir les prédateurs (…).

Michel Volle rejoint ainsi, me semble-t-il, le Livre Blanc des Ingénieurs et Scientifiques de France "à la classe politique française ainsi qu’aux principaux décideurs de notre pays". Les ingénieurs alertent, dès les premières lignes, sur l'illusion de modèles — mathématiques ou rhétoriques — déconnectés de la réalité technique, économique et sociale :

Comment réindustrialiser la France, réhabiliter l’entreprise et encourager l’innovation ? (…) Autant de questions qui ne figureront peut-être pas au hit-parade des campagnes politiques[1], mais que veulent mettre en exergue ingénieurs et scientifiques (…)

Plutôt que de se résigner, la France a les moyens de prendre son destin en main, c’est à dire évaluer avec justesse la situation, faire le compte de ses ressources matérielles et surtout humaines, identifier les objectifs à atteindre en priorité (…) Tout cela lui est possible à une seule condition : avoir confiance en elle-même, en ses ressources et en ses talents. (…)

Il est … essentiel que dans l’approche de tout problème la différence soit faite entre le “modèle” établi sur des bases théoriques et souvent associé à une simulation numérique, et le réel qui ne lui est jamais totalement réductible. (…)

Cette exigence des ingénieurs et scientifiques va à contre sens d'une dérive assez générale. Elle devra se traduire par le souci de préserver un bon équilibre entre un virtuel qui nous fascine, et le réel. De l'éducation de base jusqu'aux études supérieures, elle doit souligner l'importance de respecter l’observation directe (…)

Les ingénieurs apprécieront aussi l'appel de Charlotte Cabaton sur débat&co, "Osons soutenir l'industrie française" :

En cause, un déficit chronique d’investissements. Il faut (des) dispositifs fiscaux permettant d’orienter le capital vers les entreprises – plutôt que vers l’immobilier.

Soutenir l’industrie française doit cependant cesser de se faire au détriment des secteurs les plus exposés et des petites entreprises (…)

500 000 emplois ont été perdus dans la crise de 2008-2009. Principalement en raison des déficiences du dialogue social. Il serait préférable, en temps de crise, … à l'instar du pacte social en vigueur en Allemagne…, de privilégier le chômage partiel et les baisses de salaire aux licenciements.

Notes

[1] !!!