Je me souviens.

De ces temps lointains de pré-campagne présidentielle, où il fallait répondre à la critique ressassée "L'UDF / François Bayrou / le centre n'a pas de programme économique".

Je me souviens des pauvres réponses que j'avais : la régulation, l'environnement des affaires, l'information ... et la bonne gestion.

Réponses pauvres, car aucune d'entre elles ne valait un clou sur le marché des idées. Le débat c'était les 35 heures, la TVA sociale ou non, le taux de CSG et autres distractions.

C'étaient des temps lointains. La régulation est un mot à la mode maintenant. Tout le monde a compris qu'on ne peut guère faire de politique économique dans les frontières nationales, quand la majorité des actifs sont logés dans des paradis fiscaux.

On n'est pas pour autant tous d'accord ;-)

Pour l'éminent Hérétique, les paradis fiscaux sont "des bouc-émissaires idéaux", "le moyen idéal de détourner des regards les véritables causes de la crise financière" ... "alors que les véritables questions de fond, ce sont les normes comptables et la régulation des fonds propres des banques." Quant à "la volonté de faire payer une taxe aux banques", elle "est idiote et montre bien l'inanité et la bêtise (l'ignorance ?) crasse de la classe politique".

Mais comment réguler à quelques encâblures d'espace de non-droit, plus exactement de dissolution organisée du droit ? Et si on parle de taxer les banques, n'est-ce pas justement l'aveu qu'on ne parvient plus à saisir, par les mécanismes comptables et fiscaux normaux, ce qu'elles gagnent ?

Le monde réel est à mille lieues d'une concurrence pure, parfaite et transparente. Il est opaque donc parfois frauduleux, il est spéculaire (la valeur apparemment créée par les uns dépend de celle que les autres prétendent avoir créée et réciproquement), et la concurrence y est fortement limitée par la concentration et les ententes.

Le politique doit donc réguler, y compris parfois en prenant ou donnant de l'argent, y compris à la main au cas par cas.

Or c'est très difficile. Car lui-même, le politique, est victime non seulement d'obstacles similaires (opacité, spécularité, ententes !) mais aussi d'une relation chaotique aux médias et à l'opinion.

Jusqu'à maintenant, beaucoup (Gordon Brown, la droite française...) en déduisaient que, "malgré ses imperfections", laisser jouer le marché financier reste ce qu'il y a de mieux. Cette erreur d'appréciation a coûté plusieurs milliers de milliards d'euros aux simples contribuables d'aujourd'hui et surtout de demain : le système bancaire dans son fonctionnement global (et non seulement quelques fraudeurs opportunistes) s'est comporté en prédateur géant sur l'économie réelle.

Je ne prétendrai donc pas qu'une taxe ... s'impose. Je suis certain en revanche qu'elle n'est pas absurde.

Pour moi, être démocrate en 2009, ce n'est pas simplement respecter les institutions et les élections comme un moyen du compromis ou de l'alternance (à ce prix là, notre Président de la République ou G. W. Bush seraient démocrates, ce qui se saurait).

Ce n'est pas simplement la recherche du consensus, l'ouverture aux autres etc., dans la sphère politique partisane.

Les valeurs de la démocratie doivent orienter l'ensemble de la politique des pays, en premier lieu dans les deux domaines les plus sensibles et urgents aujourd'hui : l'économie et l'environnement.

Finalement, c'est presque plus facile pour l'économie. Pas besoin d'être grand clerc pour comprendre que cacher aux îles *** la valeur d'actifs détenus en France bafoue la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Ce qui manque, c'est surtout le comment : comment faire marcher, face à une économie sans frontière, une démocratie économique sans frontière.

La question du rapport entre démocratie et écologie est plus profonde. Certes l'écologie, comme idéologie, s'est développée parmi des démocrates (chrétiens-démocrates façon Illich et socialisme démocratique), et pourtant les générations futures ne sont pas représentées dans le mécanisme démocratique classique. Bien des écologistes convaincus souhaiteraient que leurs thèses s'imposent d'elles-mêmes, soient acceptées par un consensus des décideurs, faisant preuve de "courage politique", bref court-circuitant la démocratie[1].

Ouh là. Je me rends compte que, partant de commentaires récents chez l'Hérétique et ici même, je reboucle sur un article d'il y a 7 ans[2]. Je radote, il faut que j'arrête et que je me mette au boulot.

PS 21 nov. - Sylvie Tassin écrivait le 1er novembre : Les écolos ont une lucidité qui se pare souvent d’accents catastrophistes. ... On vote (plutôt) pour celui qui promet la lumière. Il va falloir trouver le moyen d’entraîner les électeurs, ce sont les seuls à pouvoir contrer les lobbies ... qui font la loi chez les politiques ... Travaillons à réconcilier écologie et optimisme, écologie et confiance en l’Homme.

Notes

[1] Précisons tout de suite que Corinne Lepage et Cap21 ont toujours associé étroitement écologie et démocratie, et ont pas mal d'années d'antériorité sur la question discutée ici !

[2] "De la nature à l'environnement : un glissement fatal du macro au micro ?, partant d'une réflexion de Maurice Ronai.