L'Institut de l'Entreprise, qualifié dans la presse de "think tank libéral"[1], vient de publier une note de Sophie Meunier, titrée "La France face à la mondialisation : se protéger ou se projeter ?" (PDF). J'y trouve les phrases suivantes, qui ne représentent pas l'ensemble du propos, mais sont sans ambiguïté :
"L'une des caractéristiques essentielles du comportement de la Chine dans l'économie globalisée est qu'elle ne respecte pas les règles. Les compagnies françaises et étrangères qui ont essayé de s'implanter en Chine ou de s'associer en partenariat avec des entreprises chinoises l'ont souvent appris à leurs dépens — du vol de technologie à la spoliation d'actifs, en passant par la corruption.
La Chine ne joue pas "fair play" dans la mondialisation, restreignant fermement l'accès à son marché tout en menant une impressionnante politique (…) d'exportation. Face à ce véritable péril chinois, l'une des réponses politiques possibles pour jouer à armes égales est celle de plus de gouvernance internationale, à commencer par plus de gouvernance européenne, et notamment la création d'organismes permettant vraiment de faire respecter les règles."
Alors, MM. Hollande et Ayrault, MM. Barroso et Lamy, on s'y met quand ?
Pendant que j'y suis, la même note conclut en faveur d'une stratégie consistant à attirer "les cerveaux du monde entier, qui donnent au pays où ils étudient et s'installent dynamisme et créativité". Nous attirons déjà, à coups de défiscalisation, les rentiers du Qatar, et nous attirions avec un euro bon marché les retraités britanniques ; mais à en croire la note de l'Institut, il ne suffit pas de faire venir l'argent des autres, il faut aussi faire venir leur désir de sinvestir.
Mais l'Institut pointe deux obstacles, qui sont matière à réflexion.
"Premièrement, la rupture entre une élite entrepreneuriale et une élite politique et technocratique, qui se traduit, notamment chez les jeunes diplômés français, par une expatriation importante, notamment vers les États-Unis et la Grande-Bretagne.
Deuxièmement, la très mauvaise image de la France, à la suite des implications de la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers, s'est répandue comme un traînée de poudre, et la France mettra sans doute longtemps à s'en remettre."
Espérons que le nouveau gouvernement saura faire oublier le précédent, c'est assez facile à mon avis ; mais que notre "élite" politico-technocratique (énarchico-Sciences Po, pour illustrer) soit remplacée par des entrepreneurs, ou plus largement des gens de "dynamisme et créativité", j'ai l'impression qu'on n'en prend pas le chemin — ni au gouvernement, ni dans l'opposition de droite.
Notes
[1] Dans l'article en lien, son directeur des études propose principalement, comme clé de la compétitivité, 20 milliards de charges en moins sur les entreprises et 20 milliards de plus sur les ménages.
c'est un peu ce que dit Jacques Sapir, l'ouverture est favorable aux "passagers clandestins" qui en détournent les règles.
Concernant l'arrivée d'étrangers dynamiques, j'entends les commerçants étrangers d'Argenteuil se plaindre de l'administration fiscale, sans que j'ai pu déterminer s'il y avait un traitement particulier, ou s'ils venaient d'un pays moins étatisé, et n''avaient pas réalisé l'écart de fonctionnement entre les pays.
"Alors, MM. Hollande et Ayrault, MM. Barroso et Lamy, on s'y met quand ?"
J'ai l'impression que cela a toujours été l'opinion de Pascal Lamy, mais sans soutien des exécutifs européens et américains, il ne fait rien. La clé est donc chez Barack Obama, peut-être après le 6 novembre. Mais les Etats occidentaux commencent a être prisonniers de la Chine pour beaucoup de sujets: fourniture des "terres rares", monopole en micro-électronique et téléphonie, financement de la dette, investissements.
Pour les entrepreneurs étrangers en France, vaut mieux avoir affaire à l'administration fiscale française qu'à la police au Maroc.
En dehors du problème de l'émigration et de l'immigration, il y a aussi des situations "clandestines" ou cachées à l'intérieur du système français. Si des gens comme Jacques Sapir acceptaient de militer pour une remise à plat des cotisations sociales et des systèmes de retraites entre la fonction publique et le secteur privé, cela permettrait d'avancer dans le sens de plus de lisibilité et plus de justice. Il faudrait bien sûr l'appliquer aussi aux élus.