L'Europe institutionnelle, c'est-à-dire les 27 chefs d'Etat et de gouvernement, leurs équipes et leurs Parlements, plus la Commission et le Parlement européen, ont passé deux ans à refuser d'affronter la réalité : la Grèce était insolvable, et ils ont perdu deux ans à bricoler une douzaine de "plans de la dernière chance" plus grotesques les uns que les autres.
Perdu 2 ans… donc, perdu l'argent qu'ils y ont engouffré pendant 2 ans.
C'est maintenant le FMI qui le dit, par la voix de son économiste en chef.
Vous vous souvenez des choeurs de satisfaction à droite et à gauche, à chaque nouveau plan de la dernière chance ? Vous vous souvenez des éditoriaux officiels du Monde, de Libé, du Figaro et tous autres canaux autorisés, appelant solennellement l'Europe à rajouter chaque fois plus de dette à la dette, plus de camouflage sur le gouffre ?
La cause de la crise européenne n'est pas à chercher ailleurs : c'est notre incapacité collective à affronter la réalité. C'est notre préférence pour le bidonnage qui justifiera encore un peu de perte de temps, encore un peu d'emprunt, encore un peu de corde donnée aux bourreaux pour nous pendre.
C'est une crise européenne et c'est plus encore une crise française. Car dans cet aveuglement volontaire et répété, le gouvernement français a été leader, et s'en est largement vantée (tout récemment encore…). Nos dirigeants ont été aux manettes pour plonger la politique européenne dans l'obscurité.
Nous aurons dans quelques mois des élections. Peut-on espérer que les Français congédient les pitres, et choisissent des femmes et des hommes décidés à affronter la réalité ?
L'histoire de ces deux années sur ce blog :
- "La faillite, An Inconvenient Truth", mars 2010
- "C'est là que les Athéniens nous atteignirent (aux vacances d'été)", avril 2010
- "Ces éditorialistes qui disent "Europe, Europe !"", avril 2010
- "Blagues eurogrecques - ou : il est temps de déposer le bilan", avril 2010
- "Cantona, Quatremer, les banques : recréer la confiance", novembre 2010
- "Bien sûr que la Grèce ne remboursera pas", mai 2011
- "Ponzi planétaire : qui raflera les mises ?", juin 2011
- "L'Europe comme un lundi", juin 2011
- "De gauche, et déshabillés pour l'hiver", juillet 2011
- "Les euro-obligations étaient et seront une bonne idée", août 2011
- "Aller dans le mur, ça ressemble à ça", septembre 2011
- "Pour avoir 4 mois 1/2 d'avance sur Moody's", octobre 2011
- "Divergence franco-allemande : enfin c'est clair", novembre 2011
- "La faillite, ou plonger dans l'eau glacée", octobre 2011
- "Candidats et eurocrise : le benchmark des Echos", octobre 2011
- "Crise de la dette, stop ou encore ? C'est encore."; octobre 2011.
- "Référendum grec : le centre en pointe", novembre 2011
- ""400 milliards" donnés "pour la Grèce", mais à qui ?", en février 2012
- "Les Conseils Européens nous bernent, c'est le FMI qui le dit", par la voix discrète de son département Stratégie, en juin 2012.
"Peut-on espérer..." : l'espoir est tout ce qu'il nous reste... et c'est ce qui nous fait vivre et retourner aux urnes gentiment comme des trop bons citoyens...
(Je n'ai toujours pas digéré ma déclaration d'impôts... gloups... ces deux ans de plans de la dernière chance ont forcément eu un impact...)
Ta vision des choses reflète celle des gens qui regardent les chiffres et y passent un minimum de temps pour en tirer les conséquences qui s'imposent à la lumière de l'histoire économique. Tu partages volontiers cette vision.
Et alors bizarrement, il y a peu de monde qui partage, ou en tout cas publie, cette opinion. Bref, sans doute peu de monde qui ait intérêt à regarder les choses en face et surtout à partager leur regard. Peu de monde qui ait envie de voir la fosse béante s'ouvrir toujours plus grand. A force, ça m'étonne.
Autour de moi, tous ceux à qui je peux en toucher mot semblent plus ou moins l'ignorer. Cette fosse "ne se voit pas". Sans doute font-ils confiance au bruit médiatique général, composé par les paroles des politiques ou les commentaires des journalistes (rarement les analyses), qui, en moyenne, ne paraissent guère s'affoler.
J'en conclus à (1) un manque d'instruction à l'échelle collective, et (2) un manque de confiance en soi pour faire ces petits raisonnements simples qui amènent à comprendre par soi-même le problème auquel on fait face. Comprendre le problème en acceptant qu'il n'y a pas forcément de solution (agréable)... C'est exigeant !! Alors (3) aussi, effectivement, une répugnance trop humaine à accepter le vide (cf. la philosophe Simone Weil) et de ce fait une tendance naturelle à lui préférer quelques images moins pénibles à sa place (ex. l'Etat providence).
Hier matin sur France Info (ou plutôt Inter ?), j'entendais un éditorialiste manifestement gauchiste, expliquant les leçons que François Hollande ramenait du Japon : dépenser à tire-larigot en surendettant le pays, ça marche ! la croissance repart, à +1% ! (accent tonique sur le "1"). Hélas, François Hollande ne pourra pas faire ça en France, parce qu'il a la frousse, que la Commission Européenne le lui interdira, avec son dogme stupide des 3%, etc.
(Encore un éditorialiste à qui on n'a pas expliqué qu'emprunter 20 milliards et les dépenser en prime pour les fonctionnaires, ça ferait comptablement 1% de croissance sans que rien de réel n'ait changé (dans notre capacité de production, notre production effective, l'emploi…)… sinon 20 milliards de dette de plus pour nos ch'tinenfants.)
Et là, le journaliste dit : merci, Dominique Seux. http://blogs.lesechos.fr/dominique-... Et moi je me dis : ok, il ne manque plus que le prochain patron du Medef, et l'unanimité sera parfaite pour appeler le gouvernement à couler le bateau.
Décidément, il faut cultiver notre jardin.