Christophe Ginisty publie sur son blog une note où - après tant d'autres, le Cercle Méthodes, Démocrates en Mouvement etc. - il juge essentiels, et dignes d'être débattus en public, les enjeux de fonctionnement interne du MoDem :
Comment voulez-vous être en situation de vous occuper des problèmes des gens lorsque l'organisation qui doit se mobiliser à leur service est malade et qu'elle ne fonctionne pas bien ? Vous pouvez évidemment prendre le relais individuellement mais ... à une échelle départementale, régionale, nationale, vous êtes rapidement confronté à une incapacité de faire tant la mécanique est grippée. L'organisation ce n'est pas de la cuisine interne. L'organisation c'est le moteur de l'action. Et du bon fonctionnement de ce moteur dépend l'efficacité de nos efforts pour nous occuper du sort de nos concitoyens. ... Avoir une bonne idée, aller au contact des gens, ... sans organisation … ça ne marche pas. Quand nous nous battons pour une meilleure organisation, nous nous battons aussi pour nous donner les meilleures chances de changer la société qui nous entoure.
Tout à fait d'accord là dessus : l'organisation, la logistique sont essentielles au succès de notre Mouvement dans la société française. Et c'est bien pour le succès dans la société française, qu'il faut penser l'organisation (non pour elle-même, non pour l'ego des adhérents).
Mais le raisonnement déraille si on en déduit que le parti doit ressembler à une entreprise industrielle, une sorte de "fabrique à idées".
En politique, la conception du "produit" (les idées, les propositions) et sa diffusion sont faites par les seules et mêmes personnes : les détenteurs de pouvoir, qui sont aussi (pour cette raison) les porte-parole médiatiques.
Ce n'est pas propre au MoDem et ce n'est pas l'effet de l'organisation interne du parti. C'est l'effet de l'existence de la télévision. Elle invite les gens qui ont du pouvoir, et ceux-ci parlent en leur nom propre (sinon ça fait faux !).
Certains (dans l'orbite de Nicolas Sarkozy ou de Ségolène Royal, par exemple) en ont tiré une conséquence logique : un parti n'a de sens que comme public télévisuel. Comme foule de supporters dociles applaudissant à la demande du chauffeur de salle. On peut laisser à la foule un temps d'expression spontanée, si ça lui fait du bien de s'exprimer - après, on passe aux choses sérieuses.
Mais parmi les "citoyens actifs" qu'attire un Mouvement démocrate, peu accepteront de faire la claque[1]. Alors, quel sera leur rôle ? Quelle sera leur activité, leur action, leur production ? Après tout, notre Mouvement ne produit que de la parlotte et des candidatures - ni lait, ni boulons, ni logiciels, ni nettoyage des berges de Seine ... rien qui ressemble à un produit ou à de l'action.
Il me semble - mais je sais que c'est une réponse trop partielle - que notre action devrait être "partout où TF1 ne va pas", partout où nos leaders, personnes physiques n'ayant que 24h par jour, ne peuvent aller.
Au niveau municipal - dans nos entreprises et branches professionnelles - dans les associations - etc. : partout faire progresser la démocratie. Et pour cela être automoteurs, nous organiser localement, professionnellement, associativement, etc. En ayant confiance en nous. Sans attendre qu'un siège national change sa propre organisation et sa propre manière de fonctionner. À chacun ses responsabilités !
Notes
[1] Quelques-uns accepteront de faire la cour pour une investiture, c'est humain. Mais une fois élus, il feront plutôt la cour aux plus puissants, aux UMPS qui pourront leur garantir la réélection. Compter sur ce type d'adhérents serait alimenter un tonneau des Danaïdes !
"Partout où TF1 ne va pas..." Joli. Décidément, je suis souvent d'accord avec toi, Frédéric. "Ne pas attendre qu'un siège national change sa propre organisation et sa propre manière de fonctionner." Ça me rappelle quelque chose, quelqu'un, fin 2006 ou début 2007, dans le 7ème. Il va être temps de faire un truc, non?
@Pierre : Fréderic le disait déjà à Seignosse lors d'un attelier"Démerdez-vous, n'attendez rien du siège", et cela reste d'actualité. Tant que les militants ne seront pas automoteurs, ils seront déçus et répandront leur frustration sur le net.
@Fréderic : il faudrait se poser la question de savoir si les élites du MoDem sont bien dimensionnées (encadrées, formées...) pour cette télécratie. Lorsque Bayrou éternue à la télé, c'est tous les candidats du MoDem qui s'enrument.
Tu as l'air de dire qu'il faudrait passer outre la télécratie, mais je craint que ce ne soit pas possible. La politique hor média de masse ne concerne que les militants c'est à dire moins de 5% de la population. C'est pas avec ça que l'on se fait élire.
@ tous 2 : je suis très attaché (comme vous le savez) au siège et à son équipe, donc très attaché à ce qu'il fonctionne au mieux. Et je ne crois pas m'être exprimé dans ces termes à Seignosse Seulement, je vois une difficulté : beaucoup de militants, au lieu de faire ce qu'ils peuvent pour faire avancer notre cause, consacrent beaucoup de temps à gloser sur ce que font (ou pas) nos leaders et le siège. Je suis convaincu que c'est normal ; que s'ils ont adhéré, et si ce n'est pas pour un poste local, c'est donc en fonction de ce qu'ils ont vu de nos leaders, à la télé ou ailleurs. Comment passer de l'un à l'autre, comment s'approprier l'engagement démocrate et se sentir autonomes, individuellement et collectivement ? C'est ce que je ne sais pas bien. Beaucoup essayent de monter des groupes en tous genres et c'est très bien, mais comme on est dans un parti politique, ces groupes sont souvent perçus sous l'angle du pouvoir interne ("contestataires, minoritaires") ou des ambitions électorales ("veulent négocier des investitures") - bref sont perçus comme des courants. Ce qui stérilise leur potentiel. Ah vraiment la politique c'est pas facile
@ CedricA : je nuancerais. Bien sûr, notre efficacité locale dépend du climat politique national comme la vitesse du bateau dépend du vent. Mais il y a des bateaux plus rapides que l'autre, et on les voit à l'arrivée. Gilles Artigues, en pleine débâcle nationale du MoDem, a obtenu plus de 20% aux municipales. Quand je dis ça on me répond 1) c'est Gilles Artigues (ok d'accord, mais toi non plus t'es pas manchot), 2) c'est le fruit d'années de travail collectif et d'implantation (ok d'accord ... eh ben justement !).
En accord avec ce billet, Frédéric (comme avec le précédent sur le prix Nobel de Barack Obama d'ailleurs) et je pense que chacun, s'il veut véritablement agir, doit le faire en fonction de son potentiel et du contexte local.
Il y a toujours une solution pour être auto-moteur et il n'est pas forcément indispensable de se faire élire tout de suite pour cela. Tout est possible avec un peu plus de confiance en soi comme tu le dis mais aussi... dans les autres.