Ça fait longtemps que je fomente une réponse aux âneries de Todd et compagnie selon lesquels "le protectionnisme européen (ou national), voilà la solution". Benoît Hamon osait le présenter comme la nouvelle version de notre mission sociale et civilisatrice mondiale. Marine Le Pen a repris depuis quelques mois le joli mot de "démondialisation" qui sonne comme une "démocratisation", comme le bon sens du "small is beautiful", de la reprise de pouvoir économique par les gens, de ce que nous autres européistes appelions la subsidiarité.

Je dis "âneries" parce que les tenants du "protectionnisme" n'avancent pas le moindre élément de preuve, pas le moindre indice qui pourrait laisser vraiment penser qu'une taxe à nos frontières marcherait, nous serait bénéfique au final.

Le Grand Protectionnisme, il consiste à être bien obligé de se débrouiller seuls, faute de pouvoir acheter ce que fabriquent les autres. Ce n'est pas exactement la croissance, ni le succès, ni l'enrichissement collectif. C'est même plutôt antisocial ! Voulons-nous vraiment nous priver de ce que le reste du monde peut nous apporter ?

Mais les âneries prospèrent quand le camp du pouvoir se réfugie derrière des dogmes "rien ne serait pire que le protectionnisme", et refuse le débat. Or la liberté du commerce, la liberté des entreprises mondialisées, c'est sûrement bien, mais ce n'est pas la valeur suprême. Il y en a d'autres plus précieuses.

François Bayrou, dans sa twinterview, a répondu par une très jolie définition[1]:

"Le protectionnisme, c'est d'imposer aux autres des règles que l'on ne respecte pas soi-même."

Cela me semble une très bonne entrée.

  1. Le protectionnisme unilatéral est un acte de violence dans les relations internationales, et pour cette raison, il nous est a priori défavorable, à nous autres démocraties : ce sont le règne du droit et l'équité qui nous seraient bénéfiques, dans le commerce mondial comme dans les relations internationales en général.
  2. Il peut être juste d'imposer à d'autres, dans le cadre du commerce, certaines règles que l'on respecte soi-même. Voir l'argumentation de Joseph Stiglitz fondée sur la jurisprudence "crevettes-tortues" de l'OMC, et son implication pour la lutte contre l'effet de serre… sachant que l'industrie chinoise est forte émettrice de gaz à effet de serre. L'argument technique de Marine Le Pen en faveur du protectionnisme est similaire. De même que le thème du "fair trade", du commerce juste, souvent repris par Obama. Il s'agit d'étendre le règne du droit sur la planète, de combattre la tricherie dans le commerce international.
  3. Nous avons besoin d'être performants, dans le cadre de règles équitables (et nous avons même besoin d'être performants si nous voulons être entendus quand nous plaidons pour des règles équitables). Ne comptons pas sur une "protection" opportune pour nous rapporter l'argent que nous ne saurions pas gagner par nous-même : ça, ça ne marche pas…

Ce billet date du 17 juin et est donc resté un mois en rade dans la boîte "à publier", désolé du décalage avec l'actualité.

Notes

[1] Dont j'ignore l'origine éventuelle !