Les choses se décantent lentement, chez nos concurrents de gauche. Comme les Verts, les socialistes auront besoin de deux tours de primaire ; avec un peu plus de suspense cette fois-ci.

En tant que parieur, j'ai un ticket sur deux.

Pas celui de la participation : elle a dépassé ce que j'aurais imaginé. Je ne sentais guère de demande populaire pour cette élection primaire : elle a cependant attiré autant que celle qui, en Italie en 2007, avait désigné Walter Veltroni, avec d'ailleurs une marge écrasante. C'est sur ce nom que, évidemment, le récit trébuche : les socialistes espèrent pour leur candidat un meilleur sort que celui de Veltroni contre Berlusconi.

Celui de Martine Aubry est proche d'être validé : encore que… je ne parierais pas d'argent là-dessus (je n'en parie d'ailleurs jamais, mais enfin, encore moins là-dessus).

Le succès d'Arnaud Montebourg me semble très relatif : c'était le seul candidat "avec un discours marqué à gauche" face à trois deloristes, un sympathisant MoDem autoproclamé, et un PRG. Quand on est arrivé 3ème avec moins de 20%, l'appellation de "nouvel homme fort" ou de "faiseur de roi" a une durée de validité de quelques heures tout au plus[1]. Montebourg a d'ailleurs vécu plusieurs fois cette situation au sein du PS, il est habitué au rôle d'animateur de scrutin, retournant ensuite à une marginalité sympathique.

La violente déconvenue de Ségolène Royal va un peu au-delà de ce que j'aurais attendu. J'ai comme l'impression que les socialistes cesseront de reprocher son choix de l'entre-deux-tours de 2007 à François Bayrou : quand, sceptique sur les capacités présidentielles de Mme Royal, il avait préféré un débat public à une coalition nocturne.

Mais de fait, Ségolène Royal n'avait plus rien pour elle : ni l'effet de surprise, ni les fédérations féodales à la Guérini qui l'avaient soutenue en 2007, ni le statut de "seule femme contre les hommes", ni la "démocratie participative" qu'elle-même a totalement enterrée pendant cette campagne, ni la faveur sondagière dans la perspective de duel contre Nicolas Sarkozy, ni même sa spontanéité parfois gaffeuse mais rafraîchissante… Elle comptait, avec ses supporters fidèles, sur "les quartiers populaires", mais depuis combien de décennies "les quartiers populaires" ont-ils cessé de s'intéresser aux débats internes de la gauche ?

Laurent Fabius, que j'entendais hier soir à la télé, estimait, si je l'ai bien compris, que le renouvellement du PS symbolisé par Ségolène Royal à la primaire 2006 avait eu lieu — et que c'était le sens de ce résultat de 2011 : ce qui est fait n'est plus à faire. Je ne sais pas si le PS s'est réellement renouvelé, ce qui est clair, c'est que ses trois candidats d'il y a 5 ans sont aujourd'hui rayés de l'échiquier : Laurent Fabius lui-même n'a même pas pu se porter candidat (que sont devenus "les fabiusiens" ?… et même "les mitterrandistes" ?…), Dominique Strauss-Kahn a privilégié la "faute morale" sur le destin national, et les sympathisants de gauche qui se sont exprimés hier ont claqué la porte au nez de Ségolène Royal.

Manuel Valls, en avocat d'une gauche centriste revendiquée, fait dix fois mieux que Jean-Marie Bockel, premier à se lancer sur ce créneau au congrès du Mans. N'ayant le soutien d'aucune grosse fédération ou composante du PS[2], il obtient là un beau résultat : faire connaître son nom.

Donc, duel de deloriens au 2ème tour de cette primaire. Jacques a soutenu Martine au premier tour, il devrait le faire au second.

Un militant écologiste estimait sur Facebook, après l'un des débats télévisés, que Sarkozy "exploserait façon puzzle" n'importe lequel de ces 6 candidats. J'imagine qu'il exploserait façon puzzle Martine Aubry, et écraserait François Hollande façon rouleau compresseur. Mais le candidat le plus dynamique est rarement le meilleur Président, comme l'histoire récente nous l'a démontré.

Notes

[1] Oui, c'est un souvenir de 2007.

[2] À ma connaissance.