"Toutes celles et tous ceux qui s'aventurent à critiquer dans son principe et dans ses fondements la fiscalité écologique ne sont que des démagogues déconnectés de la réalité", déclare Cécile Duflot. J'ai rarement été aussi d'accord avec la n°1 des Verts.

Mais vous aurez noté sa prudence : "dans son principe et dans ses fondements".

Or certaines des personnes visées - sans doute Ségolène Royal entre autres - produisent une merveilleuse argumentation spécieuse sur la non-opportunité de la taxe : elle frapperait les pauvres et les ruraux, nous sommes en pleine crise, tout ça est un truc du gouvernement pour compenser la baisse de la taxe professionnelle, etc.

Eh ! Oh ! Vous êtes au courant, pour la planète ?

Vous croyez que le fioul domestique des gentils pauvres et l'essence des gentilles voitures réchauffent moins que les carburants brûlés par les méchants riches et les méchantes entreprises ?

Ce n'est pas vous qui aviez signé (comme moi) le Pacte écologique et défendu une taxe sur les carburants y compris le fioul domestique ?

Vous avez remarqué qu'il s'agit, dans le projet actuel, d'augmenter le litre d'essence de 3 centimes ... et qu'il fluctue déjà de 30 centimes d'une saison ou d'une année sur l'autre ? les pauvres et les ruraux doivent bel et bien les payer, les 30 centimes, quand ça monte ! Qui les défend ? Qui réclame le retour à la "TIPP flottante" pour lisser les hausses ?

S'il s'agit de remplacer la partie de la Taxe Professionnelle qui taxe les "investissements" (les machines), ça ne vous semble pas judicieux de taxer la consommation de carburant fossile de ces machines, plutôt que leur installation en France ?

Alors, la démagogie déconnectée de la réalité me semble encore plus répandue que Mme Duflot ne le dit.

Alors bien sûr, une vraie taxe carbone est affaire plus sérieuse que les hésitantes annonces gouvernementales.

Elle doit être universelle, fondée sur le principe pollueur-payeur, et non un bric-à-brac d'exceptions, détaxes et surtaxes qui consisteraient surtout à faire payer ceux qui protestent le moins.

Elle aurait dû être annoncée et votée à l'avance, dès 2007, avec une date d'effet genre 2010 ou 2012, pour que les gens, des riches entreprises aux pauvres ruraux, puissent en tenir compte quand ils changent de voiture ou de chaudière.

Elle devrait être progressive, et son calendrier d'augmentation devrait être annoncé - parce qu'à 3 centimes elle ne paye presque rien des dégâts du réchauffement climatique, donc il faudra bien l'augmenter, et ménages comme entreprises ont besoin de pouvoir prévoir.

Elle devrait permettre de lisser la hausse des prix du carburant et apporter ainsi de la sécurité financière aux ménages comme aux entreprises (pour le climat, ça reste OK si on rembourse un peu plus de dégâts en août et un peu moins en octobre).

Elle devrait être discutée entre États grands consommateurs pour éviter le risque de fausser la concurrence, et pour peser ensemble sur les prix du brut (car plus le pétrole est taxé en aval, moins nous en consommerons, et moins le prix du brut s'envolera en amont !).

Bref elle devrait être exactement ce que proposait François Bayrou en 2006-2007.

Mais enfin, quand le gouvernement fait un petit pas, un micro-pas, un premier pas, dans la direction de la responsabilité, applaudissons au lieu de chercher dans les coins un motif de critique.

J'ai commencé ce billet en écoutant "Sankara" d'Alpha Blondy. Je ne sais pas pour vous, mais je vois dans ce comportement royalien une version certes pacifique et non-violente de l'éternelle lutte pour le pouvoir chantée par Alpha :

"Un coup d'état entraîne toujours d'autres coups d'État
Et les frères d'armes, tôt ou tard deviennent ennemis"

À l'intérieur même d'une même personne, cette lutte peut être déchirante. Entre avidité et responsabilité. Entre démagogie et fidélité à des convictions.