À en juger par ce qu'on entend sur les ondes, la "relance" tourne au délire, au grand n'importe quoi, à la prestidigitation - l'État tire de son chapeau vide, des milliards pour les banques ou les constructeurs auto, en échange, tout au plus, d'un mouchoir blanc.
Automobile : Monsieur le Premier Ministre se lance dans le financement "massif" par l'État : "Notre effort en faveur des constructeurs va être massif. ... De l’ordre de 5 ou 6 milliards d’euros". Attention, "nous attendons", dit-il, "en contrepartie que leurs engagements soient exemplaires tant sur les volumes de production en France qu’en termes de relations vis-à-vis de la chaîne de sous-traitance". Ah ah. Ça, c'est du colbertisme pur et dur ! Enfin, plus exactement, flou et mou. Concrètement : ""Il n’est pas question que l’Etat vienne en aide à un constructeur qui déciderait de fermer purement et simplement un ou des sites de production en France", a-t-il précisé. Il ne s’agira pas de dire "on prend et on délocalise", a également déclaré le chef du Gouvernement." Donc, interdit de fermer une usine ? Ça n'a pas empêché la production en France de baisser d'un quart en seulement 4 ans (2004-2008), nous rappellent Les Echos.
Banques : monsieur le Président de la République scande et martèle, yeux écarquillés, que quand ça les choses vont mal, ça ne peut pas se passer pareil que quand les choses vont bien (vu et entendu ce matin sur BFM-TV, la vidéo devait avoir quelques jours). Résultat ? Les banques encaisseront des milliards sans que l'État ait un mot à dire sur leur usage : elles pourront les donner en dividendes à leurs actionnaires ! Normal ! Même si le capital de ces banques ne valait plus qu'un centime, les actionnaires auraient toujours la totalité du pouvoir et pourraient toujours exiger que la banque les rémunère. Avec l'argent de l'État si besoin. Les dirigeants (un ou deux par banque ! pas les cadres dirigeants !) renoncent à quelques milliers d'euros, c'est le mouchoir blanc du début, pour avoir droit aux milliards.
Vous souvenez-vous du dernier "plan de relance" d'après-crise ? Son énergique et convaincant auteur, Nicolas Sarkozy Jacques Chirac voulait faire sortir la France de la crise pétrolière. Il a aspergé l'économie française des milliards que, à l'époque, l'État avait. Des milliards parce qu'on ne peut pas rester sans rien faire, qu'il faut mettre du carburant dans la machine, etc. Tout ce que ça avait donné comme résultat, c'était une ardoise à payer pour l'État - son successeur Raymond Barre avait mis trois ans à redresser les comptes et l'économie nationale.
Oui, nous avons besoin que notre économie, notre production, notre travail, reprennent leur cours - en s'adaptant au monde nouveau. Pas d'être re-"lancées" dans un vide intersidéral.
Nous avons besoin de reprise de confiance en nous, en l'avenir, les uns dans les autres. Donc en premier lieu, de confiance dans le bon sens et la bonne gestion au sommet de l'État. Pas de confiance dans la capacité de l'État à multiplier l'argent.
Un excellent billet de verel fait cette distinction nécessaire : de la "confiance" dans l'économie, ça ne veut pas dire l'envie de se mettre un bandeau sur les yeux sur le tourbillon financier ; ça veut dire : les acteurs économiques doivent mériter chacun la confiance des autres et du public.
En ce moment, rien, rien du tout, ne m'incite à avoir confiance dans ce que l'État fait de mon argent.
Comprenons-nous : qu'il se fasse "prêteur en dernier ressort", à des taux super-élevés (genre 15% pendant quelques semaines) pour éviter l'interruption d'activités majeures et rentables, ce serait très bien. C'est le rôle de l'État de procurer de la sécurité, de la continuité, de l'assurance contre les grandes "catastrophes naturelles" (ou artificielles).
Mais pas de remplacer le marché en rémunérant salariés et actionnaires des grandes entreprises, à la place des clients ou … des actionnaires.
Allez : SI JAMAIS l'État avait effectivement des dizaines de milliards à employer, qu'il les donne purement et simplement aux pauvres.
Ça vous paraît idiot ou démago ? Vérifiez.
Les pauvres ne se délocaliseront pas, ils ne supprimeront pas leur propre emploi, et ils ne verseront pas ces sommes en dividende à quelque actionnaire que ce soit.
Billets antérieurs sur la crise et la "sortie de crise" :
- Finance et planète : difficile de réguler des mondes au fonctionnement trop complexe pour être compris - 21 septembre
- Les banques sont un service public - 30 septembre
- La crise financière comme crise de l'informatisation - 14 octobre
- Chômage à l'embauche, dissensus démocrate, lampisme financier - 16 octobre
- La crise fait mûrir le débat, ce me semble - 20 octobre
- La Vie offre sept sorties de crise - 3 novembre
- Social-économie vs. UMPSarkozy - 7 novembre
- La sortie de crise selon Barack Obama : énergie verte et éducation - 16 novembre
- Le meilleur du monde en 2009 est ici - 7 décembre
- Madoff : l'argumentaire avant la chute - 14 décembre
- Le meilleur du monde en 2009 est en français - 15 décembre
- Entreprise et société : un travelling avant - 15 décembre
- Équilibrer un marché informationnel - ou : investir où ? - 16 décembre
- "L'État doit-il intervenir dans l'économie ?" - 6 janvier
- Grande entreprise et société française dans les prochaines années (2/2) - 7 janvier
Frédéric,
Pour ceux qui voudraient s'infliger une punition méritée pour avoir voté sans réfléchir "avant"...
Car (j'ai bien vérifié) il a bel et bien été ministre du budget ET ministre des finances, de l'économie, de l'industrie, de l'intérieur...
Je n'avais pas saisi non plus (je prie tes lecteurs de bien vouloir m'en excuser) qu'en sa qualité de président de la république française, il était AUSSI prince ! COprince d'Andorre donc.
Ceci explique cela.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Nicola...
Amitiés.
Merci pour ce billet : sur un sujet que je n'avais pas trop suivi en fait, voilà quelques mises au point qui ont le mérite d'être claires. Et aussi inquiétantes que tout le reste.
"...Les pauvres ne se délocaliseront pas, ils ne supprimeront pas leur propre emploi, et ils ne verseront pas ces sommes en dividende à quelque actionnaire que ce soit...."
Mais il ne produiront rien et consommeront le tout en produits manufacturés, le plus souvent, dans les pays dit émergeant, c'est du très court terme.
La recherche et la formation, n'oublions pas qu'en terme de dépôt de brevets opérationnel on est loin derrière et que chez nous il existe quelques 300 000 emplois(*) non pourvus, si ce n'est +
"...Nous avons besoin de reprise de confiance en nous, en l'avenir, les uns dans les autres...." Nous avons surtout besoin d'une cohésion nationale, faire tomber les barrières de la discrimination, jouer la transparence pour libérer toutes les énergies et les employer de façon optimale.
je trouve aussi que c'est choquant de prêter du cash à des banques bénéficiaires qui vont verser du dividende à leurs actionnaires, alors que dans le même temps on force des gens au chômage partiel avec perte substantielle de revenu.
(*)300 000 emplois non pourvus : Dossier spécial de l’Association nationale des DRH (ANDRH) à la fin 2007.
@ Farid L : merci pour votre commentaire que je repère et publie seulement ce 29 janvier : l'antispam l'avait mis en quarantaine à cause du mot "cash" !
Ceci dit "ils ne produiront rien et consommeront le tout en produits manufacturés" : c'est un lieu commun depuis l'échec de la politique Mitterrand de 1981, mais c'est devenu assez faux. D'une part, en période de crise, les gens achètent peu de "biens manufacturés" et préfèrent vivre sur leurs stocks (mis à part les consommables : alimentaire et détergents, qui viennent rarement de hors Europe). D'autre part, les taux de change sont tels que sur les biens manufacturés, disons chinois, seulement une faible part du montant dépensé part en Chine. Instaurer une taxe carbone sur les carburants et en redistribuer purement et simplement le montant à tous les ménages (''hypothèse d'école'') réduirait sans doute les importations, en tout cas après quelques mois / un an d'adaptation.
Hors alimentaires il y a le textile/habillement et l'electronique grand public qui reste des postes de dépenses importants même en tant de crise, ces produits sont en grande majorité fabriqués en chine ou dans des pays du même type..
"...Instaurer une taxe carbone sur les carburants et en redistribuer purement et simplement le montant à tous les ménages (''hypothèse d'école'') réduirait sans doute les importations, en tout cas après quelques mois / un an d'adaptation...."
Je ne saisis pas le rapport entre la taxe carbone et la réduction des importations.
@ Farid L : effectivement ça mérite explication ! En fait, toute taxe sur un produit décourage l'utilisation de ce produit. Une taxe sur (les émissions, donc l'utilisation, donc l'achat de) carbone fossile décourage son achat - or la France l'importe presque totalement - et encourage les solutions alternatives - dont la France peut produire une bonne partie.