Deux choses sont sûres dans la dernière ligne droite d'une élection générale britannique : l'écart entre les deux rivaux traditionnels se resserre (comme à peu près partout dans le monde dans les mêmes circonstances), et le troisième parti, les Libéraux-Démocrates, progresse, simplement parce qu'on se met à parler de lui.

À la télé française, c'était même caricatural : le jour du débat télévisé Brown-Cameron-Clegg, même France 2 annonçait un "duel" ! Il a fallu la victoire écrasante de Nick Clegg pour que Télématin lui consacre une demi-seconde, le lendemain, à la fin d'un compte-rendu principalement consacré à Gordon Brown et David Cameron.

Vu de France, c'est même particulièrement rigolo, puisque le Royaume-Uni est à peu près le seul exemple que nos gouvernants puissent citer à l'appui de leur thèse selon laquelle "les démocraties modernes sont fondées sur l'alternance entre deux grands partis"[1] - là où nous autres, démocrates attachés aux faits, constatons que les démocraties modernes sont fondées sur des coalitions, et que le bipartisme tendrait à reculer (mon article agoravox de 2008). Si l'UMP perd même son exemple fétiche…


Sur le fond, les LibDems me semblent à beaucoup d'égard un modèle. Idéologiquement, ils sont au moins autant libéraux que démocrates, ce qui me différencie d'eux ; mais face à une droite (Conservateurs) à l'idéologie peu consistante amha, leur projet politique me semble bien plus charpenté, et centriste… au sens révolutionnaire du terme. Du moins si l'on en croit la droite qui le qualifie de "eccentric", c'est sans doute un compliment en Angleterre ;-)

En tant que parti, ils ont fait preuve à la fois d'une grande endurance et d'une grande capacité d'organisation (pour ce que j'en vois), non sur quelques semaines, mois ou années, mais sur des décennies.

La campagne sera à suivre chez Nemo, notre démocrate infiltré chez Albion. Hier le débat chez lui portait sur le risque que "le soufflé retombe", que Clegg se "chevènementise". Je suis convaincu au contraire, que c'est du solide.

Précisément parce que les LibDems ont des militants, certes moyennement nombreux, mais très actifs et engagés, et beaucoup d'élus locaux grâce au ... mode de scrutin local (à la proportionnelle). Ils ont régulièrement 25 à 27% des voix dans les scrutins locaux. Ils ont un enracinement solide et profond dans la vie politique britannique. Ils ont assez de personnalités solides et de députés sortants pour composer l'équivalent d'un shadow cabinet très crédible (ce qui a manqué à l'ADQ lors de la précédente législature au Québec). Et ils ont un projet à la fois innovant et, là encore, solide, notamment au plan financier.

Peuvent-ils gagner le 10, Downing Street ? Ça ne sera pas facile, en raison même du mode de scrutin uninominal à un tour. Même avec une majorité relative des voix, il leur serait bien difficile d'avoir une majorité relative des sièges. Car ils sont bien implantés dans les marges (Galles, Ecosse...) où l'un des deux principaux partis (les Tories en général) est très faible ; un peu comme ceux du centre démocrate des années xxx en France. Pour gagner, Clegg aura donc besoin d'un très grand mouvement d'intérêt populaire, et d'au moins 35% des voix environ.

Ce que je souhaite aux LibDems !


Sur France démocrate, sur les LibDems :

  • "MoDem-LibDems, rencontre au sommet en Angleterre", par Arnaud Hoyois, 1er mai 2009 ;
  • "Les LibDems, l’autre vainqueur des élections locales et l’autre grand parti britannique", 2 mai 2008 ;
  • "Nick Clegg élu à la tête des Libdems par 20988 voix contre 20477", 18 décembre 2007
  • "Les LibDems ont élu leurs candidats aux européennes 2009", 18 novembre 2007

Sur ce blog, les commentaires à "François Bayrou du tchat au tchat", 21 mai 2009.

Et si jamais il y avait des ex aequo à ces élections ? Ce serait la démocratie du crayon.

Notes

[1] Sans doute pensent-ils aux Etats-Unis, où il y a en réalité un parti démocrate et un parti républicain par Etat, qui ne sont réunis que par un comité de coordination ; où chaque parlementaire vote selon ses opinions sans suivre de consigne partisane ; où se forment différents groupes parlementaires (coalitions) à l'intérieur même des deux grands partis ; et où ... ce sont les électeurs (non le chef d'Etat) qui accordent les investitures électorales !